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La perversité du système présidentiel

par Hadj Chikh Bouchan

S'il vous arrive de demander à un président d'une quelconque république quel est son réel pouvoir dans les prises de décisions, ne soyez pas surpris si vous lisez, dans son regard, une certaine tristesse. Et cette interrogation : « comment peut-il être si naïf ? ». Ceux qui ont occupé cette fonction ne s'en cachent pas. Leurs mémoires qui méritent une lecture attentive en témoignent. Même en filigrane. On leur prête tant de puissance, tant de décisions qui ne sont, en définitive, que la traduction des volontés de groupes de pressions ou de l'armée dont ils ne sont, souvent, que la pâle représentation. Certes, il leur a été confié un mandat populaire, sur la base d'un programme qu'ils auront défendu durant toute une campagne. Mais y sont-ils demeurés fidèles ? Et le pouvaient-ils ?

Nous vivons bien une farce. Depuis 1962.

Et il faudra bien se réveiller un jour.Il suffit de regarder autour de soi.

Le suffrage universel conforte, bien souvent, l'intronisation de dynasties. Aux Etats-Unis, à M. Bush père succéda Bush junior et, demain, Jeff Bush, l'ancien gouverneur de Floride qui manipula les suffrages pour faire élire son frère contre le démocrate Allan Gore. En Corée du Nord, à Kim Il Sung, succéda Kim Jong Il, son fils, qui laissa sa place, lui aussi, à son fils, Kim Dae-jung. Entre ces deux extrêmes de l'échiquier politique mondial, une malheureuse candidate à la présidence de la République française, Mme Ségolène Royal, prépara, oserait-on écrire, le terrain pour son compagnon d'alors, l'actuel locataire de l'Elysée, M. François Hollande. Même s'il fut élu par défaut. Il n'est pas dit que leur enfant ne se revendiquera pas, un jour, de la lignée pour postuler à la magistrature suprême. Dans le monde -dit arabe par abus de langage- avant la déchéance de M. Hosni Moubarak, M. Gamal Moubarak, son fils, se préparait à lui succéder. Sans parler du président gabonais Ali Bongo qui siège, malgré la contestation, à la place de son père Omar.

Là, un vote électronique fut faussé. Ici, des bulletins, sortis de nulle part, convièrent les électeurs à tenir pour légaux les résultats d'une manipulation et de l'agilité des doigts des magiciens en écriture ou en informatique.

Les textes suivent.

Pour ce qui nous concerne, nous vivons sous la cinquième Constitution, la Cinquième République ? 1963, 1976, 1989, 1996 enfin 2014 - et nous nous n'en sommes pas rendus compte à ce jour. Il a été dit que nous les avons votées, glissant d'un régime « socialisant » ou, à tout le moins, populaire, vers un « infitah » alliant le capital national -dont on ignore les sources et les origines- à la mondialisation. En dehors de la parenthèse feu le président Boudiaf, les planches de la Constitution -la même qui faisaient de nous des gens généreux, avides d'égalité sociale- furent savonnées par des forces organisées, le seul véritable Parti dans la configuration actuelle de notre pays, pour nous entrainer à renier aujourd'hui, haut et fort ce qui faisait notre fierté, les monopoles d'Etat, la médecine gratuite, pour louer les vertus des écoles privées dans le but de promouvoir une éducation à deux ou trois vitesses avant de s'attaquer aux universités.

Les cadres de demain sortiront de ces universités privées ou des grandes écoles internationales.

Qui contestera cette démarche ? Qui rappellera ce pour quoi sont tombés des braves ? Qui sera autorisé à manifester son désaccord ? L'opposition ? Quelle opposition ? Quel programme et quelle philosophie de l'Etat propose-t-elle ? Quelles perspectives ?

Quand il s'en trouve qui se déclarent agir au nom de la société civile, celle-ci essuie des fins de non recevoir pour ne pas répondre aux critères arrêtés par le pouvoir en place pour activer « légalement ». En espérant que ces volontés se dissoudront, la fatigue aidant, dans le marécage.

C'est, ainsi donc, perdre son temps et son énergie que de combattre un homme, fait président, appelé à cette fonction honorifique, prétendument exécutive, si ce président n'est pas le Président de tous les Algériens. S'il n'est que le relai de forces qui ne s'exposent pas. S'il n'est que le paravent d'un petit nombre de décideurs. En d'autres termes, s'il n'exprime pas, par la synthèse, les volontés populaires et celles des courants politiques qui les représentent, pour proposer un projet politique, une synthèse à laquelle les électeurs pourraient adhérer. Sans les magiciens des urnes et de l'électronique.

Faudra bien marteler ceci : une démocratie et son exercice ne revient pas à confier à un seul homme, fût-il un génie, et à ses réseaux, les rênes du pouvoir. L'on a bien vu ce qu'il en a été fait. Et à quel désastre une telle démission-délégation a conduit.

Et cette forme de gouvernance ne se justifie plus. Les hommes qui ont pris sur eux de forcer notre destin -et leurs successeurs et fils adoptifs ou putatifs- ont atteint la limite de péremption et devront bien rendre, au peuple, les moyens politiques de s'autogérer.

Et dans ce cas, il est temps, grand temps, de revoir notre conception de la « République Démocratique et Populaire » et lui donner enfin un sens en revendiquant un régime parlementaire. Représentant toute la palette politique de notre société.

Pour donner vie à l'Assemblée nationale, au Sénat.

De vraies raisons d'être.

Donner un sens aux élections.

Attendez.

J'entends des voix discourir sur « la sécurité du pays, la cohésion nationale, les menaces sur le pays ».

Tous les alibis pour nous mettre à l'écart de la chose publique.

C'est éculé comme discours. Mais, jusque-là, ça a marché.