Comment s'expliquer la volonté de Bouteflika de prétendre à un 4ème mandat ? Même Mandela est mort. Même Moubarak est allongé. Même Khadafi n'existe plus. Même Benali a fui. Alors comment cet homme pense-t-il pouvoir s'élever contre le vent et l'histoire ? Première réponse : à cause du déni du réel. Les Pères des peuples ou les prétendants à la paternité du peuple ont toujours cette grosse illusion de se croire une miséricorde pour les leurs. Une pluie tombée du ciel sur une terre sèche, une bénédiction, un tutorat qui participe de la charité et de la nécessité cosmique. D'où, toujours, cet air stupéfié des dictateurs quand ils tombent, sont arrêtés, lynchés, chassés ou renvoyés et jugés. Ils n'arrivent pas à croire comment, de la foule qui applaudit, est née la foule qui juge et qui pend. Et à la racine du déni, il y a la mathématique de l'illusion : combien sont ceux qui protestent dans la rue ? Un ? Deux ou dix millions ? Je suis le président du reste, des autres, les 99 millions restants. Ensuite, à la racine de la racine, la doctrine de la bonne foi : si je reste, c'est par devoir, parce que sans moi ce pays va couler et parce que je n'ai pas fini mon travail (qui dure à vie) et ensuite il y a le peuple qui me le demande (alias Saïdani, deux instrumentalistes, un souffleur, un frère, deux tapis et quelques danseurs et chefs de partis).

A la fin, le bonhomme, le notre ou un autre, se retrouve enfermé dans un palais de miroirs qui lui renvoie l'image d'un homme-providence qui ne peut pas, par souci du bien des autres, quitter le pouvoir. Par un glissement de sens et de délire, le mot pouvoir devient le mot devoir.

C'est la seule piste qui pourra expliquer pourquoi cet homme, à son âge, malgré son âge, après Mandela, va continuer à vouloir rester et va se présenter, gémir, geindre mais rester et persister. La mécanique est démodée de par le monde, mais elle tente encore, comme une drogue, certains dans certains pays. Le mandat à vie est toujours expliquée par deux raisons : une interne qui veut que le Pouvoir est un devoir, et l'autre internationale qui veut que ce peuple que vous voyez n'est pas apte à la démocratie, qu'il est une menace pour les régions et que si on le laisse choisir, il va choisir le pire. L'Algérie présente les meilleures conditions pour un mandat à vie selon les critères post-11 Septembre et post-Printemps arabe du point de vue de l'Occident.

Il n'y aura pas d'effet Mandela sur le notre.