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UN APPEL MAGHREBIN

par M. Saadoune

A défaut de pouvoir célébrer un Maghreb démocratique et uni, des intellectuels algériens et marocains ont lancé un appel aux dirigeants et aux élites des deux pays pour les appeler à s'abstenir de fermer l'avenir et de dégrader, plus qu'il n'en faut, le présent. C'est un appel de bon sens que tous les médias algériens et marocains devraient diffuser et adopter comme une ligne de conduite minimale dans le traitement des relations entre les deux pays.

Ce que constatent les auteurs de la pétition est que chaque ébauche de détente est avortée par de nouvelles tensions et que cela n'est pas indépendant du caractère «autoritaire» des gouvernements mis en place après les indépendances et de la faiblesse des initiatives «indépendantes» des intellectuels et de la société civile. Et il est vrai que dans les relations jamais normalisées entre l'Algérie et le Maroc, la tendance est à épouser les positions des gouvernants et à fermer le champ au dialogue et, disons-le, à l'imagination et au mouvement. Une situation qui «fige» complètement la situation et empêche d'avancer. Ces cycles interminables de réchauffement relatif suivi d'une crispation et de gel sont devenus un trait marquant des relations entre les deux pays, un signe éloquent aussi des immobilismes internes.

L'état des relations algéro-marocaines et l'inconsistance de la construction maghrébine sont des marqueurs de l'absence de progrès démocratiques dans nos pays. Il n'y a pas de débats, il n'y a que des tabous avec des discours comminatoires à l'égard de quiconque oserait discuter de la «question nationale» ou du «principe». Il n'y a pourtant pas de fatalité et la politique a pour fonction, à défaut de résoudre directement les problèmes, de les contourner et de créer des situations nouvelles qui peuvent contribuer aux solutions. Mais pour y parvenir, il faudrait que les opinions publiques - où les faiseurs d'opinions - pèsent sur les pouvoirs pour que les écueils actuels, par essence temporaires, ne viennent pas «obturer les horizons prometteurs ni occulter l'impérative nécessité d'édifier un espace maghrébin stable, dans lequel les deux peuples puissent vivre dans la paix et la prospérité». Et pour que ces horizons ne soient pas obstrués, les auteurs de l'appel demandent aux responsables et aux élites des deux pays de considérer la «construction maghrébine comme une question essentielle et ne pas la conditionner par la résolution des différends politiques entre les deux Etats».

Dans une évocation directe des dérapages de ces dernières semaines, les auteurs conjurent les dirigeants de «cesser de dresser les deux peuples l'un contre l'autre par la surenchère et l'agitation médiatique» et d'œuvrer à «régler les problèmes en suspens entre les deux pays avec sagesse, dans le respect des intérêts communs». L'appel n'a rien d'utopiste, il n'occulte pas la question du Sahara Occidental et préconise la démarche de bon sens de «laisser le traitement de la question régionale du Sahara aux institutions onusiennes spécialisées». Quels que soient les avis que l'on peut avoir sur la question du Sahara Occidental, l'appel mériterait d'être diffusé et signé par le plus grand nombre possible d'Algériens et de Marocains. Il exprime clairement - et contre les tenants du statuquo dans nos pays - que le Maghreb est non seulement souhaitable mais qu'il est réalisable.

Pour lire la pétition

 -http://maghrebemergent.com/actualite/maghrebine/item/32467-une-petition-d-intellectuels-algeriens-et-marocains-appelle-les-elites-politiques-des-deux-pays-a-la-retenue.html