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Des procès à haut risque et donc susceptibles de tourner court

par Kharroubi Habib

En Tunisie comme en Egypte, il n'est pas évident que les procès engagés contre les présidents déchus Zine El Abidine Ben Ali et Hosni Moubarak donnent lieu à celui des régimes dont ils furent les dirigeants suprêmes. Des forces encore agissantes dans ces deux pays et fortement représentées dans l'autorité de transition n'ont pas intérêt aux procès des dictateurs déchus qui pourraient mettre à nu leurs responsabilités dans les crimes et turpitudes ayant eu cours durant les règnes de ceux-ci.

 Ces forces ont été néanmoins contraintes, sous la pression de la rue, à se résoudre à organiser ces procès, mais en usant de subterfuges pour qu'ils ne donnent pas lieu à celui du régime dont elles ont été, à des degrés divers d'implication, des auxiliaires zélés.

 En Tunisie, elles ont moins à craindre le déballage redouté du fait que l'ex-président Ben Ali, qui aurait pu le provoquer, ne sera pas présent à son procès, ayant fui le pays et trouvé refuge en Arabie Saoudite.

 Il en va autrement en Egypte où cette échappatoire n'a pas été rendue possible du moment que l'ex-raïs n'a pas quitté le pays. L'armée qui gère la transition n'a pu lui éviter d'être déféré devant un tribunal. La hantise de son haut commandement est que son procès se transforme en celui du sérail du régime et, par voie de conséquence, du sien pour le rôle de soutien sans faille qui a été le sien à l'égard de ce régime. C'est pourquoi, il faut s'attendre à ce que le procès ouvert contre Hosni Moubarak connaisse d'interminables reports. Par deux fois déjà, il l'a été et cela va certainement se reproduire, non pas parce que les magistrats qui l'instruisent veulent donner à la défense et aux parties civiles la possibilité de fourbir leurs armes pour un procès «historique», mais parce qu'ils misent cyniquement sur une dégradation de l'état de santé de l'encombrant accusé, déjà gravement altéré.

 Le secret espoir des généraux qui gouvernent provisoirement l'Egypte est qu'un «décret divin» fasse que le raïs déchu ne soit plus en possibilité d'assister à son procès et par conséquent de faire un compromettant déballage impliquant des personnalités de l'armée et de l'ex-pouvoir ayant pris en marche le train de la révolution. De façon préventive, le président du tribunal a ordonné, au cours de la seconde brève comparution de Moubarak, que dorénavant le procès se déroule à huis clos et que seront donc interdites les diffusions en direct que faisait la télévision publique et que suivait massivement la population. Un huis clos donc susceptible de favoriser tous les stratagèmes qui seront employés pour contenir le procès aux seules responsabilités du dictateur déchu.

 En Tunisie comme en Egypte, il se vérifie que l'on ne peut «faire du neuf avec de l'ancien». Les acteurs de la «révolte du jasmin» et ceux de la place Tahrir s'aperçoivent de cette impossibilité au constat des manœuvres qui s'opèrent pour les priver de la satisfaction de leurs revendications. Ils se rendent compte qu'ils sont en train d'être floués par des autorités de transition pas du tout déterminées à provoquer des ruptures radicales et définitives avec les ères Ben Ali et Moubarak. Il suffit à ces autorités que les dictateurs aient été déchus. Mais elles ne sont nullement acquises au démantèlement de fond en comble des régimes sous lesquels elles ont prospéré et participé à la gouvernance.