![]() ![]() ![]() ![]() Bien. Le président de la république, et son entourage, promettent une
révision du texte fondamental de l'Algérie, une révision sur une base
consensuelle. Bien. Il faut d'abord dire une chose : ce n'est pas une faveur.
C'est un pare-feu. Une fois le viol de l'acte précédent consommé, et la
rallonge de mandats inscrite dans les textes et dans les faits, en d'autres
termes, une fois balisé le mandat et consolidé le régime, ce projet d'un retour
à la raison première n'en est pas un. Son objectif est tout autre: occuper les
esprits de la rue qui gronde en leur faisant miroiter une sortie de crise à peu
de frais.
Une fois encore - il semble même que cela procède d'un mode de gestion de la vie politique - délibérément, la séquence des actions politiques, logiques, n'est pas respectée. Une fois le Président " élu ", et le premier ministre désigné donc, le pouvoir en place, les partis et la société civile, qui s'y laisseront prendre, pourront toujours donner leurs avis. Qui seront, de toute évidence, considérés comme irrecevables. Ce ne sera pas une preuve de la mauvaise foi mais tout simplement la logique de la logique en place. Balisée. A ce jeux de " à qui la faute " dans lequel on veut entrainer 36 millions d'Algériens, personne ne sortira vainqueur. Le consensus était nécessaire avant la course à la présidentielle, avant le verrouillage des institutions. C'est ce que préconisait sagement le défunt militant Abdelhamid Mehri dans sa lettre ouverte au Président sortant. Aujourd'hui le pouvoir voudrait entrainer l'opposition à reconnaître, par sa participation, les résultats qu'elle conteste, pour discuter de l'avenir du pays dans un cadre imposé. C'est gros comme un câble auquel s'amarrent les navires dans le port. Demain on entendra des responsables proches du président élu, " officiellement ", par le quart de la population inscrite dans les registres électoraux, on les entendra accuser l'opposition de blocage, de faire le choix d'une crise politique délibérée. L'accuser à entrainer le pays dans le chaos. D'amplifier les bruits et la fureur de la rue qui gronde. Dans ce bras de fer, tout le monde y trouve son compte donc en désignant l'autre comme l'empêcheur de tourner en rond. Il serait surprenant de voir les partis d'opposition souscrire à une telle initiative. Non seulement parce que l'on marche sur la tête mais parce qu'ils n'auront rien à y gagner. Et puis, qui va-t-on consulter ? Les partis d'opposition ? La société civile ? Cela veut dire quoi ? L'existence des partis politiques a été agréée par le pouvoir en place. Les associations citoyennes qui vivotent, sans moyens, heureuses d'exister, ont parcouru le passage obligé devant le tribunal des autorités pour avoir pignon sur rue. Les rejets de constitution de partis ou d'association - qui avaient peut-être des idées tranchantes à promouvoir - n'ont pas reçu l'agrément. Un temps, des pointures politiques se sont vues refuser ce blanc-seing. Elles pouvaient faire de l'ombre aux tenants actuels du pouvoir. Que reste-t-il donc ? Des individus - sans doute honorables et de bonne volonté - mais des agrégats incapables, quand ce fut le temps d'affirmer leur refus du viol de la constitution, de mobiliser des foules pour dénoncer, dans la foulée, dans le calme, mais fermement, la dilapidation de nos ressources naturelles et financières. Rien de tout cela. Dès lors, en quoi consisteront ces consultations et la révision de certains articles de ce texte consensuel ? En un catalogue de promesses. Le temps de nous calmer. Ensuite, on retouchera le costume. Comme les fois précédentes. Rien n'est irréversible, en effet. La révolution agraire, la révolution industrielles étaient inscrites dans un texte fondamental qui précisait que ces dispositions n'étaient pas révisables. Allons donc ! Le bon peuple fut convoqué à un référendum et les chiffres publiés dirent que le nouveau costume, fait des petites mains expertes et dessinés par les couturiers et tailleurs du régime, nous irait bien. Cintré. Nous serrant les cotes. Parce que, entre temps, nous avions perdu du poids. On nous avait allégé de pans entier de notre trésor et de notre l'économie. Alors ? Nous apprîmes que M. Ouyahia dispose d'un mois pour plier le dossier et faire des propositions. Je suis émerveillé devant les capacités de synthèse de nos hommes politiques. Un mois pour faire la synthèse de 36 millions de projets de constitution. Non. Dites-nous, d'abord, de votre point de vue, qu'est-ce qui n'a pas marché ces dernières années. Ces derniers mois. Dites-nous, d'abord, pourquoi vous avez accepté le remplacement de l'article de la Constitution limitant le nombre de mandats. Dites-nous, d'abord, pourquoi vous avez porté pour un quatrième mandat un homme épuisé. Dites-nous, d'abord, pourquoi vous avez accepté ce deal. Dites-nous, d'abord, pourquoi la faculté l'a jugé apte à exercer le pouvoir. Dites-nous, d'abord, pourquoi le Conseil Constitutionnel a validé sa candidature et son élection. Dites-nous, d'abord, pourquoi vous vous acharnez à présenter le meilleur visage à l'extérieur du pays - qui connaissent si bien les mécanismes du régime - et ne mettez pas autant d'énergie à lire, dans les dos tournés, tous les griefs à l'égard de la gestion qui nous appartient tout aussi bien qu'à vous. Dites-nous, d'abord, pourquoi les lois sont à géométrie variable. Dites-nous, d'abord, pourquoi nous sommes exclus de tous les débats, à tous les niveaux. Dites-nous pourquoi vous vous obstinez à organiser des votes et élections alibis. Dites-nous, d'abord, pourquoi vous tenter de consolider un système dont vous découvrez tous les maux lorsqu'il vous renie. Donnez nous, d'abord, une seule bonne raison de vous croire. Parce que, à ce jour, ce mouvement de scie, ces allers retours, auront eu un effet sur le peuple algérien. Identique à celui qu'il aurait eu sur une planche. Le pouvoir, la scie, a taillé la planche en bois, le peuple. La sciure, elle, se sera amoncelée depuis longtemps à vos pieds nous faisant craindre un brasier qu'aucun orage n'éteindra. Car les pare feu ne serviront à rien. Il est des braises qui allument des foyers bien au-delà des tranchées. |
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