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Dans une interview au quotidien français «Le Figaro»: Les éclairages de Tebboune

par Ghania Oukazi

«La circulation des personnes entre nos deux pays a été réglée par les accords d'Evian de 1962 et l'accord de 1968. Il y a une spécificité algérienne, même par rapport aux autres pays maghrébins. Elle a été négociée et il convient de la respecter», a affirmé le président de la République Abdelmadjid Tebboune dans l'interview qu'il a accordée au quotidien français «Le Figaro», à la fin de l'année 2022.

C'est la réponse qu'il a donnée à la question s'il était satisfait du fait que «la France vient de rétablir le flux habituel qui était environ de 200 000 visas octroyés aux Algériens». Il estime que «c'est simplement dans la logique des choses (...)». Interrogé sur l'augmentation ou pas par l'Algérie de «laissez-passer consulaires qui permettent l'exécution des obligations de quitter le territoire français à des étrangers devenus indésirables».

Estimant qu'«indésirables est discutable car il désigne des gens qui n'ont pas tous le même statut», il explique qu'«il y a les binationaux qui doivent être traités en tant que français. Il y a ceux qui ont seulement la nationalité algérienne : ceux-là doivent, bien sûr, respecter la loi française. Si ce n'est pas le cas, on délivre un laissez-passer. Il y a des Algériens qui se sont radicalisés en France, mais il faut chercher à savoir pourquoi, car la radicalité n'est pas algérienne. Il y a enfin ceux qui sont partis de France ou de Belgique et qui se sont radicalisés en Syrie ou ailleurs». Alors, affirme-t-il, «de ceux-là, l'Algérie ne peut être tenue pour responsable. Je souligne que seuls 250 Algériens partis d'Europe ont rejoint Daech. Le volume de laissez-passer consulaires a augmenté, mais ce n'est pas le nombre qui compte, c'est le respect des principes(...)».

Une augmentation en contrepartie du gaz ? «Nous ne sommes pas dans ces comptes d'apothicaires», a-t-il relevé. «(...), nous sommes tenus à des relations de bon voisinage. Donc, si la France nous demandait d'augmenter nos exportations de gaz, nous le ferions. Elle ne l'a pas encore fait». Il précise que «l'Italie, elle, l'a demandé. Nous avons engagé la construction d'un deuxième gazoduc entre nos côtes et la Sicile, afin de passer le volume de nos livraisons, bon an mal an, de 25 à 35 milliards de m3 et de faire de l'Italie un hub vers le reste de l'Europe».

Les demandes du président Tebboune à la France

A une question sur «des relations apaisées entre la France et l'Algérie », il pense que «la France doit se libérer de son complexe de colonisateur et l'Algérie, de son complexe de colonisé. (...), il est urgent d'ouvrir une nouvelle ère des relations franco-algériennes(...).

Qu'en est-il de la mise sur pied d'une commission d'historiens des deux pays». Tebboune note que «c'est une décision que nous avons prise ensemble. Une partie de la colonisation doit être dépolitisée et remise à l'histoire, car tout ne commence pas avec la guerre d'indépendance. Il y a des faits avérés, archivés, documentés(...)».

A propos d'une «réparation des essais nucléaires conduits dans le désert algérien dans les années 1960», le chef de l'Etat fait savoir que «nous demandons que la France nettoie les sites de ces essais, vers Reggane et Tamanrasset, où la pollution est énorme. Nous souhaitons aussi qu'elle prenne en charge les soins médicaux dont ont besoin les personnes sur place». Il a affirmé plus loin avec chiffres à l'appui que «l'enseignement de la langue française en Algérie n'a pas reculé». Et, ajoute-t-il, «l'Algérie ne s'est pas libérée pour faire partie d'un je ne sais quel Commonwealth linguistique. L'anglais a la cote car c'est une langue universelle. Les Anglo-Saxons ont pris le dessus sur les Latins, c'est ainsi...».

De sa relation avec Macron, Tebboune dit que «nous avons une certaine complicité. Je vois en lui l'incarnation d'une nouvelle génération qui peut sauver les relations entre nos deux pays. Nous avons une amitié réciproque. (...), c'est la première fois, me semble-t-il, qu'il y a une telle relation de confiance entre nos deux pays».Le président a déclaré qu'il se rendra en France «en visite d'Etat en 2023».

A propos de «la situation préoccupante dans la bande sahélienne», le président indique que «(...) la dislocation de la Libye a facilité le transfert d'armes lourdes dans la bande sahélienne. Le règlement de la situation sur place passe évidemment par l'Algérie.

«Je vais aller prochainement en Russie»

Si on nous avait aidés dans l'application de l'accord d'Alger de 2015 pour la pacification de cette zone, on n'en serait pas là». Et note qu' «il est regrettable que la France, à un certain moment, n'ait pas voulu que l'Algérie exerce son ascendant. (...).Et sur «la présence des hommes de la milice russe Wagner dans cette région», il pense que «l'argent que coûte cette présence serait mieux placé et plus utile s'il allait dans le développement du Sahel». Ses relations avec Vladimir Poutine ?, «je peux simplement vous dire que je vais aller en Russie prochainement. Je n'approuve ni ne condamne l'opération russe en Ukraine. (...). Il serait bon que l'ONU ne condamne pas uniquement les annexions qui ont lieu en Europe, qu'en est-il de l'annexion du Golan par Israël ou du Sahara occidental par le Maroc ?».

Interrogé sur la rupture des relations avec le Maroc, il répond «c'est une accumulation de problèmes depuis 1963 (...). Nous avons rompu pour ne pas faire la guerre et aucun pays ne peut se poser en médiateur entre nous. S'il a applaudi la belle performance des Marocains à la Coupe du monde de football, le président de la République s'est exclamé «bien sûr ! Les Marocains ont honoré le football arabe et surtout le football maghrébin».

Vous représenterez-vous dans deux ans ? lui a-t-il été demandé. «Vous comprendrez que je réserve ma décision aux Algériens !», a-t-il répondu.