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Trafic d'êtres humains: L'Algérie sur la liste noire américaine

par Ghania Oukazi

  Au même moment où ils la félicitent d'être capable de lutter efficacement contre le terrorisme en empêchant son infiltration à partir des pays voisins, les Etats-Unis viennent de réintégrer l'Algérie dans leur liste noire des pays qui pratiquent le trafic d'être humains.

C'est ainsi qu'ils répertorient l'Algérie dans leur rapport annuel 2020 sur ce phénomène transnational. L'Algérie vient en effet d'être inscrite au niveau 3, c'est-à-dire le plus critique de la liste noire américaine des pays qui pratiquent le trafic d'êtres humains. «Le pays qui est classé au niveau 3 ne possède même pas les normes minimales pour éradiquer le trafic d'êtres humains d'une manière définitive et ne déploie aucun effort pour le faire», affirment les Américains dans leur rapport. L'Algérie est précipitée, encore une fois, dans ce classement «indigne» en même temps que trois autres pays à savoir l'Afghanistan, le Lesotho et le Nicaragua. Ils sont quinze pays à être black-listés et menacés par les Américains de sanctions sévères entre autres l'Iran, la Russie, la Chine, la Corée du Nord et le Venezuela. Le choix de ces pays se passe de commentaire. Parmi les sanctions qu'ils brandissent contre ces pays classés au niveau 3, «la revue à la baisse de leurs aides extérieures non humanitaires et non commerciales» et aussi «leur refus de permettre aux responsables gouvernementaux ou aux fonctionnaires de ces pays de participer dans les programmes d'échanges scientifiques et culturels». Ce n'est pas la première fois que Washington accuse Alger de pratiquer ce trafic inhumain. Durant les années 90, les ambassadeurs américains qui se sont succédé en Algérie ont, tous, fait état d'un grand trafic d'êtres humains notamment dans le sud du pays. Ce sont, disaient ces ambassadeurs «des écrits d'ONG qui ont des preuves concrètes sur ce trafic». Malgré les requêtes algériennes démentant l'existence d'un tel fléau, les Américains ont renforcé leurs accusations en se basant, disaient-ils toujours, sur des rapports en provenance de milieux associatifs ».

Quand l'Algérie proteste officiellement

C'est ainsi qu'en 2016, ils avaient classé l'Algérie à la catégorie 3 mais elle l'avait contesté, officiellement, en estimant que «l'appréciation du département d'Etat était loin de résulter d'une évaluation rigoureuse de la situation». Le département d'Etat corrige ce classement en 2017 pour la remonter à la catégorie 2. Il a expliqué dans son rapport de l'année en question que «le gouvernement a enregistré des réalisations clés durant la période considérée. En conséquence, le classement de l'Algérie s'est amélioré en passant à la liste de surveillance Tier 2». Il a aussi souligné que « l'Algérie a consenti des efforts considérables pour se conformer aux normes minimales en matière d'élimination de la traite d'êtres humains». L'APS avait expliqué à l'époque que «le classement du département d'Etat qui comprend quatre catégories à savoir 1, 2, liste de surveillance de la catégorie 2 et catégorie 3, est fondé davantage sur l'ampleur des efforts menés par les pouvoirs publics pour lutter contre la traite des personnes que sur l'étendue du problème dans le pays». Le département d'Etat avait constaté, dans son rapport de 2017 que «les crimes d'exploitation sexuelle des enfants et de travail forcé sont des cas isolés en Algérie en dépit du fait que le pays demeure un pays de transit et de destination pour l'émigration clandestine». En septembre 2017, l'Algérie avait promulgué un décret présidentiel instituant le Comité interministériel chargé de coordonner les activités liées à la prévention et à la lutte contre la traite des êtres humains».

Menaces américaines

Les Etats-Unis reviennent à la charge cette année et persistent et signent en intégrant l'Algérie dans leur liste noire alors qu'ils en ont sorti l'Arabie Saoudite pour la classer au niveau 2. Ils justifient «ce bon point» qu'ils accordent à Ryadh par le fait que «les responsables saoudiens ont augmenté le nombre de procès et de condamnations» conformément à la loi relative à la lutte contre la traite d'êtres humains adoptée par les Etats-Unis en 2000. Washington a aussi récupéré à ce niveau d'autres pays comme la Mauritanie, la République démocratique du Congo, la Guinée équatoriale et la Gambie. Présenté, jeudi dernier, à Wahington par le secrétaire d'Etat américain aux Affaires étrangères, Mike Pompéo, le rapport 2020 lie en premier, étroitement la propagation du trafic d'êtres humains à la pandémie du Covid-19. «Alors que la lutte contre le trafic d'êtres humains a toujours été marquée par un sentiment d'urgence, les conséquences de la pandémie de Covid-19 soulignent, comme jamais, la nécessité que tous les acteurs travaillent ensemble pour mener ce combat», fait savoir Pompéo. Il note, dans ce sens, que «nous savons que les trafiquants d'êtres humains profitent des plus vulnérables et se saisissent de toute possibilité de les exploiter». Il estime ainsi que «l'instabilité et l'absence d'accès à des services cruciaux provoqués par la pandémie font croître rapidement le nombre de personnes vulnérables à l'exploitation par ces trafiquants». Dans sa préface du rapport en question dont il a la charge de la confection, l'ambassadeur John Richmond a écrit que «les trafiquants, eux, ne se sont pas confinés (mais) ont trouvé des moyens d'innover et même de profiter du chaos». Repris par des médias étrangers, Pompéo dit dans ce rapport que «les efforts de l'administration du Président Donald Trump pour éradiquer le trafic d'êtres humains est une tradition noble des Etats-Unis». Il a prévenu que «les Etats-Unis ne soutiendront aucun pays qui prône une politique encourageant le trafic d'êtres humains et laisse ses citoyens en proie à ce genre de répression».