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Football - Système de jeu en Europe: Une tendance se dessine

par Adjal Lahouari

Un coup d'œil rétrospectif au bilan général de la Coupe d'Europe depuis sa naissance en 1956 débouche sur plusieurs constats. Au départ, étant le mieux armé avec sa formidable équipe emmenée par l'inoubliable Di Stéfano, le Real Madrid a trusté les titres aux dépens d'adversaires talentueux, à l'image du Stade de Reims (France) à deux reprises. Puis, il y a eu la fameuse époque du football total d'Ajax Amsterdam au début de la décennie 70, les belles séries du Bayern Munich, Liverpool et Nottingham Forest.

Ce fut ensuite une période où se distinguèrent tour à tour, Aston Villa, Hambourg, Steaua Bucarest, Porto, PSV Eindhoven, Marseille et Dortmund notamment. Mais, depuis le troisième millénaire, l'Espagne a repris sa domination grâce au Real Madrid et au FC Barcelone avec 10 consécrations. Sur les 64 éditions, les clubs latins pointent en tête avec 37 sacres pour 27 en faveur des Anglo-Saxons. Tous ces clubs, chacun à sa manière, ont écrit la belle histoire de la Ligue des champions, dont l'édition 2019-2020 a été suspendue par l'apparition du coronavirus, alors que les huitièmes de finales retour avaient débuté les 10 et 11 mars derniers, marqués par des résultats inattendus.

En effet, personne n'aurait parié sur la qualification de l'Atlético Madrid face à Liverpool, champion en titre et vainqueur de la Premier League 2019-2020 après 30 ans de disette. Malgré l'élimination de son équipe face à un Atlético hyper défensif, Jürgen Klopp est le premier à s'être déjà engagé dans cette voie. Pour sa part, Man City avait pris une option après avoir remporté la manche aller à Bernabéu, face à un Real décevant. Cette étape a été marquée par l'apparition de nouvelles équipes que personne n'attendait à ce stade. Et pourtant, Leipzig et Atalanta Bergame, malgré leur inexpérience, sont déjà en quarts de finale. C'est précisément le principal sujet de cet article avec l'apparition d'une nouvelle tendance de jeu incarnée par ces clubs sans vedettes guidés par des entraîneurs courageux. La Ligue des champions est toujours la chasse gardée des riches. Même en tenant compte de la stabilité au plus haut niveau des équipes dominatrices, sans oublier leur influence auprès de l'UEFA, il n'en demeure pas moins que des indices laissent espérer du changement.

Actuellement, deux clubs personnifient cet espoir. Il s'agit du RB Leipzig, déjà qualifié pour les quarts de finale de la Ligue des champions après avoir étrillé Tottenham (1 à 0 à Londres et 3 à 0 à Leipzig). Ce jour-là, ce fut une remarquable exhibition allemande face à un « Spécial One » (Mourinho) qui n'a rien compris malgré sa grande expérience du haut niveau. On rappellera qu'au mois de mai 2019, Tottenham a disputé la finale de la LDC face à Liverpool, ce qui est tout de même une référence. Créé en 2009, le club de Leipzig, inscrit dans le projet de l'entreprise des boissons Red Bull, est la plus belle illustration de ce mode de fonctionnement appelé «Gegenpressing», et dont plusieurs clubs ont servi de laboratoires, comme SSV Ulm-1846 et Hoffenheim.

Les observateurs ont retrouvé dans cette façon de jouer des ressemblances avec le Barça 2010, le Dynamo Kiev de Lobanovski et le Milan d'Arrigo Sacchi, deux entraîneurs ayant marqué l'histoire du jeu par des conceptions similaires.

En Allemagne, c'est Ralf Rangnick qui a prôné cette méthode, en l'expérimentant dans des paliers inférieurs, faisant des émules, dont le plus célèbre n'est autre que Jürgen Klopp, vainqueur de la LDC 2019 et champion d'Angleterre. En quoi consiste ce système ? En apparence, il n'a rien de révolutionnaire avec la défense à plat de quatre joueurs, mais avec un pressing collectif dès la perte du ballon sur le porteur adverse. Dès que la balle est reprise, il faut passer immédiatement à l'attaque pour surprendre l'adversaire avant que celui ne se replace dans son camp. Le football cher à Guardiola partout où il a exercé Barcelone, Bayern et Manchester City, rompe la similitude par la conservation du ballon et les attaques placées. Leipzig, Hoffenheim, Leverkusen, Salzbourg et Atalanta sont actuellement les animateurs de cette tendance. Le RB Leipzig était candidat au titre de la Bundesliga face au Bayern et Dortmund. Pour sa part, Salzbourg, considéré comme un simple faire-valoir au coup d'envoi de la LDC, a suscité l'admiration générale par son efficacité offensive.

Enfin, malgré leur inexpérience, les Italiens de Bergame, sous la houlette de leur entraîneur Gasperini tout acquis à ce système, sont qualifiés en quarts de la LDC après avoir étrillé le FC Valence qui a encaissé 8 buts pour n'en rendre que 3.

Un exploit qu'il faut saluer comme il se doit, car il n'y a aucune star dans l'effectif de ce club. Qui connaît Toloi, Freuler, Masiello, De Roon et Gosens ? Personne. Mais il y a un collectif harmonieux appelé à surprendre d'autres adversaires mieux nantis en joueurs de talent. Avec 70 buts, Atalanta possède la meilleure attaque dans un championnat traditionnellement fermé. En Allemagne, des entraîneurs ont déjà adhéré à cette façon de jouer. Mais, contrairement à ce que l'on pourrait penser, l'application n'est guère aisée. En effet, les joueurs doivent être réceptifs et doivent agir de façon collective et coordonnée. Les opposants affichent clairement leurs doutes, et ceci prouve que le football est toujours ouvert à des nouveautés, comme l'art et la musique. Finalement, le sport-roi ne finira jamais d'alimenter les débats.