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Pouvoir-opposition: Dialogue de sourds, divergences et risque de statuquo

par Ghani Oukazi

«Les personnalités nationales qui conduiront le processus du dialogue inclusif seront connues prochainement», promet la présidence de la République dans le communiqué qu'elle a rendu public dans la soirée du mardi dernier.

Par les soins de Abdelkader Bensalah, le pouvoir fait savoir ainsi qu'il «avance» pour faire aboutir son idée d'un dialogue qu'il veut «inclusif», c'est-à-dire avec tous les acteurs de la scène nationale, politiques, économiques et sociaux soient-ils, ceux qui lui sont proches, ceux qui représentent l'opposition, la société civile ou même «la majorité silencieuse» qui a tout le temps fait parler d'elle mais qui ne s'est jamais prononcé.

Bensalah a le même jour accordé une audience à Bedoui où «il a été procédé à l'évaluation de la situation politique à la lumière de l'approche déclinée par le chef de l'Etat dans son discours prononcé à la veille de la commémoration de la fête de l'indépendance et de la jeunesse et à l'examen des mesures que l'Etat compte mettre en place pour accompagner le processus de dialogue inclusif visant l'organisation de l'élection présidentielle».

Processus qui, lit-on dans le même communiqué, «sera conduit par un panel de personnalités nationales probes, indépendantes et crédibles, dont la composante, actuellement objet de contacts et de consultations, sera connue incessamment».

Le chef de l'Etat a mis en avant, est-il noté, «la nécessité de faire prévaloir le dialogue et l'intérêt suprême du pays en interagissant avec les différents partenaires sociaux dans tous les domaines et de réactiver les mécanismes d'action de proximité pour la prise en charge des préoccupations des citoyens et des intervenants sur tout le territoire national». Le bord animé par les acteurs du «Forum national du dialogue» a aussi évoqué, hier, l'existence d'une liste de 13 personnalités nationales qui sera remise au pouvoir pour diriger le dialogue «inclusif».

Ces noms qui ont fait partie du pouvoir

Véritable dialogue de sourds sur fond de divergences qui risquent de maintenir le statuquo pendant longtemps. Si Gaïd Salah et Bensalah le veulent «inclusif», ceux de l'opposition «nationalistes, conservateurs et islamistes» tout autant que les autres «progressistes» ou «démocrates» non seulement refusent tout rapprochement avec «les symboles du pouvoir» mais s'excluent mutuellement et multiplient les initiatives «de sortie de crise» chaque tendance pour ce qui la concerne. Encore qu'au cours du Forum du samedi 6 juillet dernier, les politiques présents se sont déclarés prêts à «collaborer avec le pouvoir» en acceptant son offre de dialogue «à condition que ce ne soit pas lui qui choisisse les personnalités qui le superviseront». Ils sont tous d'accord pour un «Etat civil» contre «une période de transition indéterminée sans institution aucune» comme le veut le bord politique adverse.

Le placement de Slimane Chenine au perchoir de l'APN ne va rien changer aux frictions intempestives qui ont toujours fragmenté les camps partisans et semé la zizanie entre acteurs d'une même tendance. Par contre, Chenine sera certainement instruit pour faire passer les textes de loi que le Parlement sera appelé à voter en prévision de l'élection présidentielle à venir.

Son «islamisme modéré » et sa culture de l'entrisme qu'il a héritée de son chef spirituel le défunt Cheikh Nahnah ont été les critères clés qui ont prévalu à son choix par le pouvoir en place.

En attendant que les listes «des personnalités» deviennent officielles, jusque là des noms ont été avancés hier par le forum de la société civile que préside Aaraar pour en faire éventuellement partie. Hamrouche et Sifi (tous deux anciens chefs du gouvernement), Taleb ( ancien ministre et ambassadeur), Karim Younes(ex président APN, cadre du FLN au temps de Benflis) qui, dit-on, fait carrément une offre de service au pouvoir, et autres comme Benbitour (ancien chef du gouvernement qui n'est pas sur la liste du forum en question mais pour lequel insistent nombre de personnes, qui d'ailleurs refuse toute adhésion à tout processus politique avant d'être candidat à la présidentielle), Djamila Bouhired (une moudjahida de première heure foncièrement contre Bouteflika) et autres Djabi ou Bouchachi (ex FFS, ancien député) ?

L'inévitable compromis

Tous ces noms, à l'exception de Bouhired, laissent d'ores et déjà voir que ni les gouvernants ni la classe politique ne sortiront du carcan de l'histoire qui les a reliés les uns aux autres à un moment ou à un autre et ne pourront de ce fait donner des noms qui n'ont jamais côtoyé le pouvoir d'une manière ou d'une autre.

Elles sont nombreuses les personnalités qui ont constitué l'ossature du pouvoir, ou ont travaillé avec lui, ont été à son service, participé à ses combines, approuvé ou exécuté ses instructions sans rechigner. Tous ces noms et bien d'autres -à des exceptions très près- ne l'ont quitté que lorsqu'il a lui-même décidé de se séparer d'eux.

Nombreux ont été les exécutants des clans en faction. Beaucoup le demeurent à ce jour même si le «maître» du clan le plus puissant de par ses réseaux d'ici et d'ailleurs est détenu à la prison militaire de Blida.

C'est peut-être là la plus grosse indication qui fait que tous s'évitent les uns les autres. Ils veulent tous gagner du temps pour arracher le plus de concessions possibles.

Au risque d'entretenir le statuquo et d'enfoncer davantage le pays dans la crise. Il est certain qu'aucune solution ne trouvera consensus sans «compromis» au préalable entre «tenants» et «aboutissants» du pouvoir militaire et civil de toutes les époques nationales post-indépendance.