![]() ![]() ![]() Mali : autoritarisme, isolement et blocage économique menacent toute la région sahélienne
par Salah Lakoues ![]() Situation
au Mali, à l'heure où le groupe Wagner annonce la fin de sa mission, dans un
contexte politique, militaire, économique où l'Algérie jouerait un rôle
décisif.
Instabilité chronique et coup d'État Depuis le coup d'État de 2021 mené par Assimi Goïta, la junte militaire en place s'est installée en dépit des pressions internationales. La dissolution de l'Accord d'Alger de 2015 en janvier 2024 a aggravé les tensions au nord du pays, notamment avec les Touaregs. Blocus diplomatique international Initialement rejetée par les Occidentaux, l'influence russe (et du groupe Wagner) est désormais remise en cause également par des pays voisins, dont l'Algérie, qui dénoncent les excès et prônent une véritable solution politique et inclusive. L'Algérie, longtemps médiatrice, perd pied face à l'offensive des Russes, mais contre-attaque par la voie diplomatique et sécuritaire. Dimension militaire, avec la présence et revers de Wagner Le groupe Wagner, entré au Mali en 2021 pour soutenir la junte, a subi d'importantes défaites militaires, notamment lors de l'embuscade près de Tin Zaouatine fin juillet 2024, occasionnant des dizaines de morts parmi ses mercenaires. Une tentative de reconquête en octobre 2024 tourne à l'échec, en raison de défis logistiques, de la résistance touareg et de la pression diplomatique algérienne. Nouvelle offensive jihadiste Au nord et centre du Mali, des groupes jihadistes comme JNIM et l'État islamique amplifient leurs attaques contre l'armée malienne, montrant que le retrait de Wagner ne résoudra pas fondamentalement la crise sécuritaire. Dimension économique, effets pervers du conflit sur les projets régionaux L'insécurité freine les grandes infrastructures, comme le gazoduc transsaharien et l'autoroute du désert projets essentiels à l'intégration économique africaine. L'Algérie, inquiète, fait pression pour la stabilisation, car l'instabilité malienne menace également ses propres frontières. Dépendance et pillage par Wagner La méthode Wagner - sécuritaire contre exploitation de ressources - suscite des critiques : confiscation des capacités fiscales, prélèvements abusifs, exacerbé par les exactions sur le terrain. Le rôle crucial de l'Algérie Médiation proactive L'Algérie se positionne comme interlocuteur clé, prônant un dialogue inclusif avec les Touaregs, face à la logique violente de la junte et de Wagner. Pression militaire et diplomatique L'Algérie a non seulement dénoncé les exactions russes, mais a aussi exercé une pression concrète, diplomatique et sécuritaire, en particulier autour de la frontière de Tin Zaouatine. Message clair à Moscou Alger semble avoir intimé aux Russes que soutenir une junte incapable d'unifier le Mali et de stabiliser la région aurait un prix politique élevé, le retrait de Wagner serait une des conséquences. Bilan et perspectives La junte s'enlise : pas de vraie légitimité, pas de retour à l'ordre constitutionnel, dialogue avec Touaregs gelé. Sécurité. Retrait de Wagner ne suffit pas : jihadistes toujours actifs ; l'armée malienne, déstabilisée, peine à tenir face aux attaques. Économique. Projets de développement paralysés Conséquence directe de l'instabilité. L'Algérie défend un retour à normalisation pour favoriser la croissance régionale. Influence régionale L'Algérie, par sa posture ferme, affaiblit l'influence russe en Afrique de l'Ouest. Le retrait de Wagner marque un tournant, Moscou revoit ses ambitions. Le départ annoncé de Wagner signe une victoire diplomatique - notamment pour l'Algérie - mais ne garantit ni paix, ni stabilité. La junte malienne manque de légitimité, les jihadistes continuent leurs offensives, et les projets économiques régionaux restent bloqués. L'Algérie, désormais moteur diplomatique, dualise en jouant sur plusieurs registres : pression sécuritaire, ouverture au dialogue avec les Touaregs, et incitation à une sortie de crise véritable. Cependant, sans une stratégie claire de reconstruction étatique, de réconciliation et un soutien international adapté, le Mali court encore vers un avenir instable et d'autres crises pourraient surgir, menaçant tout le Sahel. Alors que le groupe Wagner annonce son retrait du Mali, la junte militaire dirigée par Assimi Goïta poursuit une politique autoritaire et isolationniste. Cette orientation met en péril l'équilibre du Sahel, fragilise les efforts de paix, bloque le développement économique et accentue les tensions communautaires. L'Algérie, puissance régionale clé, pourrait jouer un rôle de médiateur pour sortir de l'impasse. La paix ne viendra ni par la répression ni par la présence étrangère mercenaire, mais par le retour au dialogue, à la justice sociale et à la reconnaissance de la diversité. Pour cela, une nouvelle dynamique régionale doit émerger et l'Algérie est aujourd'hui en position de la catalyser. Armée, diplomatie et souveraineté : l'Algérie face à la crise malienne Depuis les coups d'État de 2020 et 2021, le Mali est plongé dans une crise multidimensionnelle : autoritarisme politique, militarisation du Nord, effondrement économique et isolement géopolitique. Alors que la junte d'Assimi Goïta a suspendu toute activité politique et fermé la porte à la CEDEAO, l'annonce du retrait du groupe Wagner ouvre une fenêtre d'opportunité pour une réorientation stratégique qui placerait l'Algérie au cœur du redressement régional. Un régime autoritaire consolidé et isolé La junte a instauré un régime ultra-militaire en prolongeant la transition de cinq ans, en interdisant toute activité partisane et en créant, avec le Burkina Faso et le Niger, une Alliance des États du Sahel (AES) rejetant la CEDEAO. Cette stratégie emporte le Mali dans un isolement diplomatique majeur, creusant son détachement vis-à-vis de l'Algérie, acteur régional historique dont l'influence est délibérément marginalisée. Guerre au Nord et divisions communautaires L'offensive militaire lancée dans les régions de Kidal, Gao et Ménaka cible principalement les Touaregs du CSP-PSD. La rupture des Accords d'Alger en 2023 a été une rupture fatale pour le processus de paix. La junte instrumentalise les conflits ethniques, confondant autonomistes touaregs et jihadistes, et désignant les Peuls au centre d'accusations arbitraires. Cette stratégie de militarisation exacerbe les tensions communautaires et compromet l'unité nationale. Une économie en déroute et la prédation des ressources Sur le plan économique, la croissance de 4% affichée en 2024 est restée sans effet sur le terrain. Le système énergétique est en crise et le contentieux avec Barrick Gold devient un symbole de l'inconstance des partenaires. L'exploitation de l'or échappe largement à l'État, alimentant des circuits opaques avec la complicité d'acteurs comme les Émirats arabes unis. Le Mali se voit de plus en plus utilisé comme plateforme de prédation, déconnectée des intérêts économiques de ses citoyens. Le départ de Wagner : un signal fort à décrypter L'annonce du retrait de Wagner marque un tournant stratégique. Privée de ce soutien militaire, la junte pourrait être amenée à rétablir des liens avec des acteurs régionaux crédibles. L'Algérie, par son histoire de médiation et son statut non-aligné, représente aujourd'hui la seule alternative sécuritaire et politique légitime aux puissances extra africaines. Algérie : une opportunité pour redevenir pivot sahélien Face à cette crise, l'Algérie dispose d'atouts stratégiques : son armée professionnelle, son rôle dans l'Accord de 2015 et sa capacité diplomatique. Elle peut se positionner comme médiateur régional : Émettre une offre diplomatique par un émissaire à Bamako, conditionnant la restauration des échanges à des gestes concrets de décrispation. Rétablir le dialogue avec les mouvements touaregs pour réinjecter de la confiance dans un processus de paix. Proposer une Conférence transsaharienne pour relancer le dialogue politique, la sécurité concertée et la coopération économique. Renforcer discrètement la sécurité frontalière sans cautionner le pouvoir en place, et surveiller les trafics. Réengager le commerce frontalier pour améliorer les conditions de vie dans les zones affectées, tout en maintenant une posture de fermeté diplomatique. Mobiliser les institutions africaines et la communauté des pays émergents pour soutenir une solution régionale crédible. Vers une souveraineté algérienne active L'occasion est unique : le Mali, affaibli, est en quête d'un nouveau partenaire crédible. L'Algérie, en renouant un dialogue basé sur le respect mutuel, la solidarité et la souveraineté, peut redevenir le pivot d'un Sahel pacifié, non soumis aux ingérences externes. Il ne s'agit ni de s'ingérer, ni d'imposer, mais de proposer une vision panafricaine structurante, fondée sur les principes d'une transition inclusive, d'un développement équitable et d'une stabilité durable. L'Algérie a réussi à faire reculer le groupe Wagner du Mali grâce à une stratégie diplomatique fine, ferme et discrète, sans recourir à la violence. Elle a tracé une ligne rouge claire autour de son Grand Sud, déclarant qu'aucun mercenaire, quelle que soit sa nationalité, ne serait toléré à ses frontières. Cette posture a été soutenue par des messages diplomatiques constants, transmis par des canaux officiels et officieux, visant directement Moscou pour exercer une pression ciblée. Par ailleurs, l'Algérie a réactivé ses leviers régionaux, renforcé ses coopérations militaires avec d'autres puissances et maintenu son rôle historique de médiateur régional, notamment via son implication dans les accords de paix au Sahel. Cette diplomatie patiente et cohérente a privé Wagner de légitimité locale et de soutien diplomatique solide, tandis que la Russie, confrontée à d'autres priorités, a préféré reculer. Cette victoire diplomatique, obtenue sans affrontement, illustre la capacité de l'Algérie à imposer ses lignes rouges et à défendre sa souveraineté par la parole, la légitimité et la stratégie plutôt que par la force militaire. La Russie et le Mali : pourquoi relancer l'accord d'Alger est une nécessité stratégique La Russie, en promouvant un monde multipolaire, cherche à se positionner comme une alternative aux puissances occidentales en Afrique. Cependant, son soutien à la junte malienne, sans une réelle pression pour une solution politique inclusive, risque de l'enliser dans un conflit sans fin, sapant ainsi sa crédibilité et la sympathie qu'elle a acquise sur le continent. Voici pourquoi Moscou devrait pousser Bamako à relancer les accords d'Alger : L'échec de l'approche purement militaire et les limites de Wagner. Défaites opérationnelles : Wagner, puis l'Africa Corps, n'ont pas réussi à stabiliser le Mali. La défaite de Tin Zaouatine (2024), où des dizaines de mercenaires russes et soldats maliens ont été tués par des rebelles touaregs et des jihadistes, montre l'inefficacité d'une stratégie uniquement répressive. Violences contre-productives : Les exactions attribuées à Wagner (massacres de civils, exécutions extrajudiciaires) ont exacerbé les tensions ethniques et alimenté le recrutement jihadiste. Transition vers l'Africa Corps : Le remplacement de Wagner par l'Africa Corps, sous contrôle direct du Kremlin, ne change pas la donne : la priorité reste militaire, sans résolution politique. Comme en Syrie, où le refus de réformes a conduit à l'effondrement du régime, la Russie doit éviter de répéter l'erreur d'un soutien inconditionnel à une junte inflexible. L'accord d'Alger : seule solution viable pour une paix durable. |
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