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Présidentielle : on se perd en conjectures !

par Cherif Ali

L'attente ! Le pays est pour une partie « figé » dans l'expectative, l'autre partie expédie les affaires courantes !

Et, le seul acteur politique effectif à même de le réveiller a écrit opportunément un chroniqueur ne répond pas à la seule vraie question de l'heure : Abdelaziz Bouteflika, président de la République en exercice, sera-t-il ou pas candidat à sa succession ?

Désormais, ce que l'on nommait autrefois «politique » est balayé, phagocytée par l'agenda électoral de 2019 et par des enjeux qui n'ont plus rien à voir avec les soucis quotidiens des Algériens. Les chefs de parti, par exemple, ont beau se démener, faire semblant d'animer la scène politique et se déplacer dans les wilayas, en vain ! En appeler au débat d'idées, rien à faire !

De cette léthargie qui s'est installée, on retient surtout que l'opposition semble carbonisée ! N'eussent été quelques déclarations de partis tels le RCD et le FFS, ou de personnalités à l'image de Louisa Hanoune ou Soufiane Djilali qui avait évoqué l'idée d'une candidature unique de l'opposition pour 2019, on a l'impression que le FLN et ses alliés ont des boulevards devant eux pour exposer leur exigence contenue dans la «continuité de l'œuvre du président de la République».

Certes, ceux d'El-Mouwatana répliquent à coup de rassemblements aussitôt dispersés par la force publique, mais l'impression demeure : on en vient à parler de la mort programmée de l'opposition !

Ce repli s'explique-t-il, s'interrogent les observateurs, par des facteurs internes ou externes ?

Oui semble-t-il si l'on venait à se référer à la guerre des chefs dans les rangs de certaines formations politiques quand, pour d'autres c'est la tentation de s'arrimer au pouvoir qui les guide (El-Islah) ; il y a aussi le manque de moyens, l'absence de visibilité de leur programme, le durcissement des lois sur leur activité, l'inaccessibilité aux médias publics, notamment.

Il y a aussi et surtout nos institutions qui condamnent le pays à subir ce bipartisme de «carton-pâte » constitué par le FLN et le RND qui empêche toute opposition de forces crédibles, jusqu'au moment, faut-il le craindre, la seule voie possible pour l'Algérien est de « faire sauter le couvercle de la marmite » !

Le FLN, le RND, le MPA, le Taj, ou encore l'ANR trouvent ainsi leur compte, puisqu'ils nous offrent comme seule vie démocratique les interventions calibrées de leur « lider maximo » sur les plateaux de télévision, réitérant qui sa fidélité et qui son soutien sans limites au président de la République et «à son programme » !

Aujourd'hui, le FLN ne peut éternellement tenir des populations captives au nom d'un passé lointain dont il ne reste que des supposées valeurs qui ne sont pas respectées, une fois les membres du parti au pouvoir. Privé de sa légitimité sociale, il s'est révélé incapable, sous la férule du présent SG de concevoir les contours d'une nouvelle alliance politique porteuse de progrès.

Le RND, son allié de toujours pourtant, ne veut pas de sa « politique » l'obligeant à battre en rappel sa clientèle des partis « occasionnels » et des organisations de masse qui lui sont affiliées pour former son bloc d'alliance.

Ces deux formations politiques, faut-il le dire, sont impuissantes, l'une comme l'autre, à empêcher la contestation qui germe en leur sein. Engluées l'une comme l'autre dans leurs incohérences internes, elles devraient s'interroger : pourquoi ne pas faire exploser, une bonne fois pour toutes, leur prétendue unité?

Oui, aujourd'hui, la classe politique dans son ensemble est en état de coma cérébral. On entend les mêmes éléments de langage prédigérés, les mêmes arguments si usés que l'on perçoit, nettement, l'hypocrisie à travers.

En face, ce n'est guère reluisant avec des partis qui, faut-il le dire, sont tenus par les mêmes leaders depuis leur création, c'est-à-dire depuis l'ouverture du champ politique en 1989 !

Ils sont les premiers coupables de cette morosité politique ambiante, car au lieu de prendre conscience de leurs dysfonctionnements, de l'absence de démocratie et de transparence en leur sein, ils n'ont pour souci que celui de protéger leurs intérêts.

Et en cela, ils poussent les gens vers l'abstention et le désintérêt de la chose politique !

Est-ce à dire pour les citoyens qu'il ne reste pour les joutes électorales à venir, qu'à voter par défaut, sans aucune perspective ?

Pourquoi les débats sont-ils insupportables ? Pourquoi ils ne vont pas plus loin que la simple émulsion médiatique ?

Plus besoin de décider, prétendent certains, il faut « s'adapter » ! Beaucoup de nos concitoyens ont l'impression, la crise aidant, de n'avoir plus prise sur leur avenir qui s'assombrit, de plus en plus, sans que des perspectives leur soient proposées clairement.

Ils sont, globalement, hostiles à leur classe politique, car ils ne se sentaient pas représentés. Ils en ont assez de ces militants opportunistes et de «métier » qui squattent les postes et de cette endogamie politique. Ceux qui ont la propension à se constituer en « cercles fermés » destinés à faire la loi dans les assemblées. Des écuries, à usage presque exclusivement présidentiel.

Mais sinon, y-a-t-il vraiment de candidats putatifs pour El-Mouradia ?

Il y a bien les «has-been » qui ressortent de leur sommeil à chaque scrutin ou les « Boumedienistes » qui se manifestent sporadiquement pour marquer leur présence par leur chef de file attitré ; il y a aussi les anciens premiers ministres qui pensent qu'ils sont présidentiables autant sinon plus que quiconque ! Il ya enfin les islamistes qui, seuls dans ce cas en Afrique du Nord, ne font plus peur à personne.

A fortiori à ceux d'en haut, à voir l'alignement du parti El- Islah derrière le FLN and Co, ou les interminables appels du pied d'Abou Djorra Soltani qui ne désespère pas de « réintégrer le pouvoir » !

Il n'en reste pas moins que pour l'heure on se perd en conjectures en s'interrogeant sur les intentions du président de la République désespérément muet :

1. Va-t-il rempiler et de ce fait éliminer tous les candidats du système ?

2. Va-t-il renoncer au 5éme mandat et ouvrir « tout grand » les portes d'El Mouradia à un candidat qu'il aura lui-même adoubé ?

Cela fait maintenant huit mois que l'idée d'un cinquième mandat fait parler, sans que l'on sache vraiment s'il s'agit d'une option inéluctable ou d'un vœu rendu impossible par la santé du président!

Certains politologues avertis, réagissant à l'annonce de la création par la « bande des quatre » d'une « coalition de soutien au président Bouteflika » ont fait remarquer que ces dernières n'ont fait qu' « ajouter du flou » à une situation déjà presque invisible : Pourquoi les chefs du FLN, du RND, du MPA et de TAJ, puisque c'est d'eux qu'il s'agit, n'ont-ils pas créé un cadre soutenant formellement le cinquième mandat, une option du reste assumée et défendue par trois d'entre-eux ?

Sauf Amara Benyounes ! Ce qui a fait dire à ces mêmes analystes que l'intéressé doute encore des intentions réelles prêtées au président de la République ou qu'au contraire, il a été informé (par qui ?) du véritable plan retenu par les tenants du pouvoir !

Les lectures n'en finissent pas et on se perd en conjectures !

Notamment avec cette sortie de l'ancien président de l'APN, Abdelaziz Ziari, qui voyait en Ahmed Ouyahia, le leader du RND, le seul potentiel candidat en cas de renoncement, bien sûr de l'actuel président de la République.

Bien évidemment, cela a fait réagir et on peut dire que les couteaux sont tirés : et Tayeb Louh, le ministre de la Justice, n'est pas allé du dos de la cuillère portant à son premier ministre la première estocade ! Djamel Ould Abbes, le secrétaire général du FLN s'est démarqué de la «rebuffade» de son «militant» prétendant que ce dernier a réagit en tant que ministre et non pas comme membre de son parti. Cela bien entendu n'a convaincu personne !

Ce que l'on peut observer aujourd'hui ressemble à une répétition fonctionnelle des rôles entre Ahmed Ouyahia, le Premier Ministre et Djamel Ould Abbès, le secrétaire général du FLN, dont Abdelaziz Bouteflika est le président d'honneur.

Au premier, le rôle de batailleur, voire de lessiveur, quitte à offusquer la sensibilité de la classe politique, y compris dans son propre camp. Il est, toutefois, fortement «encadré » par la « sentinelle » du FLN, le docteur Djamel Ould Abbès et les services de la présidence de la République qui ne perdent pas une occasion pour « retoquer » ses déclarations voire ses initiatives.

Pour le président de la République, «la nature a horreur du vide » prend tout son sens et la mise en avant du secrétaire général du FLN, lui permet de réfléchir sur son «avenir politique », puisque le SG du FLN consacre toute son énergie à répondre aux contre-attaques des uns et des autres, et surtout à encaisser les coups.

Ahmed Ouyahia sait qu'il n'est pas le plus fort des candidats pour 2019 et il doit se dire que quand on n'est pas le plus fort, on peut gagner à condition de savoir jouer sans ballon, par la science du placement et du remplacement.

En évitant, autant se faire que peut, de se mettre en position «d'hors-jeu » ! En cela, il est bien l'homme du Président auquel il réitère, urbi et orbi, son soutien inconditionnel. Il a toujours avancé, mais masqué.

Aujourd'hui, il a cependant d'autres soucis. Il est le chef d'un gouvernement qui fait face à l'une des plus graves crises de pétrole qui impacte gravement le pays et les citoyens. Et le mode de financement non conventionnel qu'il a mis en œuvre pour sortir le pays de la crise financière est même critiqué par le FMI ! Il le sait, les orientations économiques et sociales qu'il a définies ne prendront effet qu'à la faveur d'un retournement de la conjoncture, d'un sursaut du baril de pétrole à au moins 100$ ! Il lui faut savoir attendre et surtout durer au gouvernement ou s'accrocher dans la périphérie du pouvoir, même si certains dans la sphère politique ou même dans les cercles du pouvoir aimeraient bien le voir emprunter « la porte de sortie » à la faveur d'un changement de gouvernement qu'on dit imminent !

Mais là aussi on ne fait que conjecturer !

En fait, l'ambition présidentielle d'Ahmed Ouyahia, ce sont les autres qui en parlent au moment où, lui-même, balaie d'un revers de main cet avenir qui lui est prédit par ses soutiens qui ont eu à le côtoyer durant sa longue carrière. Cela étant dit, Djamel Ould Abbès continue d'apparaître comme celui qui a été «désigné » pour barrer la route de la présidentielle à Ahmed Ouyahia. A six mois de la date fatidique d'Avril 2019 on en est encore à conjecturer, préjuger, supposer, augurer, prédire, soupçonner, présager, prénommer, imaginer, préfigurer, se douter, prévoir... Pendant ce temps-là la crise s'exacerbe ! La mercuriale s'envole et le gouvernement ne trouve pas la solution. Si ce n'est de servir aux citoyens des « discours conceptualisés » auxquels ils ne comprennent pas grand-chose.

N'est-ce pas que le rôle du peuple est de survivre aux crises et non pas les solutionner !

Le pays, en ces temps difficiles, a besoin d'une boussole efficace et d'un cap politique clair :

l Faut-il en déduire que les gens sont en attente d'un président capable d'en finir avec toutes les formes de désordre ?

l Faut-il croire conséquemment que les algériens sont en mal d'un président sûr de lui et dominateur ? Un président qui concentrerait tous les pouvoirs entre ses mains ?

Ce qui devrait inciter à modérer les divagations sur la prétendue attirance des Algériens peuple «souverain qui, doit pouvoir décider de sa destinée »et que nos dirigeants convoquent à l'envi, pour «un homme à poigne» !

Certains évoquent avec nostalgie des présidents célèbres comme Houari Boumedienne ou même Mohamed Boudiaf. Outre que les époques sont différentes tout autant que les situations qui ne sont en rien comparables, ou ne saurait en déduire que les Algériens ont un penchant naturel pour le sauveur suprême, quel qu'il soit !

L'agitation dans le sérail va crescendo ; elle sera nettement perceptible le jour où le président de la République sera amené à signer le décret portant convocation du corps électoral, donnant ainsi le tempo à la campagne électorale.

Manière pour lui de signifier à son monde qu'il reste encore le maitre des horloges et allez savoir, il saisira peut-être l'occasion pour dire qu'il est candidat ! Ou pas ?

Pour l'heure, c'est vrai, on ne fait que se perdre en conjectures !