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Protéger les petites États insulaires en développement de la pollution et des effets du changement climatique

par Ahmed Sareer*

Peu de lieux sont aussi emblématiques du passé et de l’avenir de la communauté internationale que les océans. Depuis les toutes premières migrations humaines, ils ont conduit nos ancêtres vers de nouveaux continents, rapproché les civilisations et ouvert le monde aux explorations et au commerce. Ils nous connectent aussi écologiquement. De nombreuses espèces de poissons circulent dans les eaux territoriales pour se reproduire et se nourrir, rapportent au secteur de la pêche des milliards de dollars et fournissent un moyen de subsistance à un très grand nombre de personnes. Plus important, les océans jouent un rôle déterminant dans la régulation du changement climatique. En effet, les scientifiques ont démontré que depuis le début de l’ère industrielle, les océans ont souffert des effets dus à l’utilisation excessive des combustibles fossiles et à l’absorption des émissions de dioxyde de carbone ainsi que de la plus grande partie de la chaleur générée par le réchauffement de la planète.

Mais quoique vastes, ils ont des limites. Le CO2 augmente l’acidité des océans, détruisant les coraux et les coquillages et altérant significativement les habitats et les ressources marines essentielles. En même temps, les températures de la surface de la mer sont les plus élevées depuis des millions d’années et l’on a maintenant la preuve que le réchauffement se produit plus rapidement que prévu. De nouvelles études suggèrent qu’en remplissant son rôle de puits de carbone, les océans ont empêché une hausse catastrophique des températures sur terre.

Selon un rapport de l’Union internationale pour la conservation de l’environnement publié en 2016, la forte hausse des températures est considérée comme le «plus grand défi caché de notre génération»1. En effet, sous les vagues, le réchauffement a affecté l’ensemble de la vie marine allant des plus petits microbes aux plus grosses baleines, ouvrant la voie à une catastrophe et menaçant «des secteurs essentiels», en particulier la pêche, l’aquaculture, la gestion des risques côtiers, la santé et le tourisme côtier»2. Cette menace est particulièrement grave pour les petits États insulaires en développement (PIED). Nous sommes toujours très dépendants des ressources marines pour la nourriture et les revenus et avons besoin d’habitats marins sains pour nos activités touristiques. Nous sommes aussi vulnérables à l’élévation du niveau de la mer causée par le réchauffement de la planète, ce qui menace non seulement nos infrastructures côtières, mais pourrait aussi rendre nos îles inhabitables si nous ne faisons rien.

Pour ces raisons, les Maldives ainsi que de nombreux autres PIED, souvent connus en tant que «Grands États océaniques», ont été les partisans les plus déterminés de l’objectif 14 du Programme de développement durable à l’horizon 2030.

Cet objectif comprend un nombre de cibles visant à «conserver et à utiliser de manière durable les océans, les mers et les ressources marines aux fins du développement durable». Il reconnaît aussi qu’il sera difficile, voire impossible, d’atteindre ces cibles si nous ne limitons pas les émissions de gaz à effet de serre qui sont la cause de nombreux problèmes.
 
En effet, les PIED sont aussi le fer de lance de la mise en œuvre de l’ODD 14, qu’il s’agisse de la réduction des émissions ou de la création de projets de développement durable qui nous aident à nous adapter dans un contexte de réchauffement planétaire. Examinons les mesures qu’ils ont prises pour établir des aires marines protégées (AMP) dont bénéficient des millions et des millions de personnes dans le monde qui dépendent de systèmes marins sains pour la nourriture et les revenus.

Dès 2004, par exemple, les Maldives ont travaillé avec les Nations Unies pour créer la réserve biosphère de l’atoll de Baa. Elle a été choisie en raison de sa biodiversité exceptionnelle et de son potentiel pour démontrer les avantages économiques de la conservation. En peu de temps, les atolls ont fait preuve d’une capacité d’adaptation remarquable au réchauffement des eaux par rapport à d’autres habitats.

Dans les Caraïbes, les AMP de la Grenade sont la preuve vivante que la protection de l’habitat des poissons présente des avantages à long terme en augmentant la productivité des stocks exploités commercialement.

Ailleurs, dans le Pacifique, les Palaos, les îles Marshall et les États fédérés de Micronésie ont consacré une quantité importante de leurs eaux aux AMP, protégeant les requins, les tortues ainsi que les frayères pour d’innombrables espèces.

Ils ont aussi œuvré sans relâche pour attirer l’attention sur le problème de la pollution causée par les plastiques qui représente une menace sérieuse pour la vie marine et les communautés humaines qui en dépendent. Pourtant, alors même que nous nous employons à protéger et à restaurer les environnements marins, les îles ont été forcées de faire des investissements importants pour protéger leurs côtes des effets du changement climatique comme l’érosion et l’élévation du niveau de la mer. Aux Maldives, nous avons été contraints de mettre en place des infrastructures résistantes au changement climatique, notamment des quais, des routes, des digues et des installations d’assainissement.

Ces projets sont extrêmement coûteux et détournent des ressources qui pourraient être affectées à d’autres domaines prioritaires comme la santé publique et l’éducation. Face au changement climatique, à la dégradation des océans et aux incertitudes qu’ils suscitent, d’autres PIED ont dû repenser leur futur développement.

Une chose est sûre : si les effets de la surpêche, de la pollution et du changement climatique sont mondiaux, les solutions le sont aussi. La protection des océans pour les générations présentes et futures nécessite que tous les pays remplissent les engagements pris afin de soutenir les moyens d’action du Programme de développement durable à l’horizon 2030 mis en œuvre et de réduire les émissions. Comme les océans, l’ODD 14 doit de nouveau nous rapprocher.

*Représentant permanent de la République des Maldives aux Nations Unies.
Notes

1. Union internationale pour la conservation de l’environnement, «Explaining Ocean Warming: Causes, Scale, Effects and Consequences», Dan Laffoley et Carl Gustaf Lundin, dir. (Gland, Suisse, 2016), p. 8. Disponible sur le site : https://portals.iucn.org/library/sites/library/files/documents/2016-046_....
2. Ibid., p. 50.