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Projet de loi sur l'obligation de réserve des militaires: Khakled Nezzar en appelle aux députés

par Yazid Alilat

Le général à la retraite et ancien ministre de la Défense nationale Khaled Nezzar a violemment critiqué le projet de loi, soumis ces derniers jours à l'APN, imposant l'obligation de réserve aux militaires et plus particulièrement aux officiers à la retraite. Dans un entretien publié jeudi sur le site Algérie Patriotique, il a estimé que ce projet «est porteur d'une grave dérive liberticide», et constitue «dans son esprit même, une menace contre la liberté d'expression et une atteinte aux valeurs démocratiques que défendent nos élus». Aux députés, il a rappelé que «la démocratie est entre leurs mains».

Pour lui, «il est incompréhensible que quelques mois après l'adoption de la Constitution, alors que plusieurs textes d'application urgents en attente à l'Assemblée sont différés sine die, on se précipite ainsi et on donne la priorité au projet de loi qui vise à interdire la parole aux militaires». Cet empressement, selon l'ancien homme fort du pays dans les années 1990, «dénote l'inconsistance de nos autorités. Cela provient de leur peur peut-être, mais sûrement du manque de confiance dans cette frange de la société».

Qualifiant ce projet de loi contre les officiers retraités de l'armée «d'infamie», il estime qu'ils (les militaires à la retraite) «ne porteraient jamais atteinte ni à leur cohésion ni à leur unité». En fait, estime Khaled Nezzar, les initiateurs du projet de loi «veulent imposer le silence aux officiers retraités de l'Armée nationale populaire. Ceci revient à priver une frange de la société algérienne de son droit de s'exprimer et de participer au débat national sur les questions qui engagent l'avenir de la nation». D'autre part, il relève que «ce projet de loi comporte une grave contradiction qui lui ôte toute légitimité, si bien que l'initiateur de ce texte veut, par le biais de cette démarche anticonstitutionnelle et antidémocratique, interdire aux anciens officiers de l'armée d'afficher leur opinion, alors que lui-même a ouvertement engagé à plusieurs reprises l'institution militaire dans l'arène politique». Pour lui, «le chef d'état-major de l'ANP a annihilé ce projet de loi avant même qu'il ait été conçu et soumis à l'appréciation de nos élus. Il a bafoué ainsi la tradition de l'ANP qui, lors de la Constitution de 1989 qui consacrait la démocratie, s'était retirée d'elle-même du Front de libération nationale, pour garantir une compétition politique saine». Sur l'éventualité de l'adoption de ce projet de loi par les députés, il a expliqué être «mal placé pour répondre à cette question». Mais, aux élus de la nation, il lance qu'il «serait dès lors malheureux et triste pour la République que les députés cautionnent ce texte qui, si par malheur il était voté, ferait des honorables élus du peuple qu'ils sont les garants d'une action machiavélique qui ne vise nullement à sauvegarder les intérêts de la nation?»

Khaled Nezzar rappelle cependant aux députés que «l'avenir de la démocratie est entre leurs mains» et qu'il est dans l'intérêt du pays qu'ils ne le compromettent pas en adoptant un texte discriminatoire et exclusif». Par ailleurs, revendiquant toujours le retrait de l'institution militaire de toute activité politique, le général Khaled Nezzar explique que l'on assiste «à un concept nouveau, faisant de la fonction militaire un nomadisme et une gesticulation de tous les instants». C'est jeudi 23 juin que ce projet de loi a été présenté par la ministre des Relations avec le Parlement, Ghania Idalia. Il s'agit en fait de deux projets loi qu'elle a présentés devant la commission de la Défense nationale. Elle a indiqué que l'article 2 du projet de loi portant statut des officiers de réserve prévoyait de compléter l'ordonnance N° 76-112 par deux nouveaux articles : «tout manquement à ce devoir fera l'objet de retrait de la médaille d'honneur, de plainte auprès des juridictions compétentes et de rétrogradation dans le grade en cas de manquement grave au devoir de retenue et de réserve». Le même projet de loi précise qu'«après cessation définitive d'activité, le militaire reste astreint au devoir de réserve et tout manquement à ce devoir est de nature à porter atteinte à l'honneur et au respect dus aux institutions de l'Etat».