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Education : La charte de l'éthique signée aujourd'hui

par Mahdi Boukhalfa

C'est aujourd'hui dimanche que le ministère de l'Education nationale et les syndicats vont dorénavant travailler de concert pour redonner à l'école algérienne ses lettres de noblesse. C'est en effet ce dimanche que huit syndicats sur la dizaine, qui encadrent le secteur, vont signer avec leur tutelle une charte de bonne conduite, ouvrant la voie à une école apaisée, débarrassée de ses vieux démons, autant le recours intempestif aux arrêts de travail, qu'à l'instauration d'un climat conflictuel permanent, sur fond de revendications socioprofessionnelles et de violence dans les écoles algériennes.

Pour arriver à pacifier le front syndical, il aura cependant fallu des centaines d'heures de négociations et une montagne de patience pour la ministre de l'Education nationale, Nouria Benghebrit Remaoun, qui a longtemps ramé pour faire admettre à ses partenaires sociaux son projet de rénovation de l'école algérienne. Si la ministre préfère parler de réformes urgentes à introduire pour recadrer le système éducatif national, d'autres parlent plutôt d'un mouvement global de rénovation du système éducatif algérien. La charte pour la stabilité et l'équité que les syndicats vont signer, moins le CLA et le CNAPESTE, qui ont annoncé leur refus de parapher le document, est en quelque sorte un contrat moral que vont prendre les deux parties, ministère et syndicats, pour redonner à l'école algérienne sa véritable image. Et, dans la foulée, instaurer un environnement scolaire apaisé, condition importante pour assurer une scolarité normale et relever le niveau de l'enseignement. C'est en réalité une grande bataille qui s'achève pour la ministre de l'Education nationale, car elle a mené de front une campagne parfois désespérée, souvent éreintante, même contre les lenteurs et les lourdeurs administratives de son propre ministère et les différentes directions de wilayas de l'éducation. Pour elle, aujourd'hui, «l'objectif est de garantir un climat scolaire apaisé et une école de la qualité. Le secteur de l'Education est un service public qui a besoin d'une responsabilité sociale, avec des lois et des droits, et a besoin d'un nouveau consensus. Tous les clignotants sont au vert, même si sur le terrain, personne n'est satisfait du produit final», avait-elle souligné la semaine dernière dans ses nombreuses interventions à la radio nationale. Et, même si tous les syndicats ne vont pas signer le document aujourd'hui, Benghebrit a assuré que «nous sommes ouverts et notre objectif est d'aller vers une nouvelle dynamique. Ceux qui ne signent pas aujourd'hui pourront signer après». Car pour elle, «il y a juste la manière à prendre pour améliorer la situation du secteur, avec la satisfaction des revendications des travailleurs. Il faut qu'on se mette d'accord sur un consensus minimum, celui de la prise en charge de l'élève». Dorénavant, et même si tous les syndicats ne signeront pas le document portant charte de l'éthique et de la stabilité, il y aura un avant et un après-dimanche 29 novembre 2015. Car, en donnant leur accord à cette charte, les syndicats ne pourront plus faire machine arrière, encore moins dénoncer les termes de cette charte, dont les conditions et les raisons d'un débrayage, la hantise de Benghebrit, même si elle rassure que «la signature de cette charte ne prive aucun syndicat d'aller vers la grève, car la grève est un droit constitutionnel».

UNE CHARTE POUR UNE ECOLE RENOVEE

Avec comme finalité d'arriver à «une école de qualité», le document que vont signer les partenaires sociaux s'articule sur trois principales obligations pour un fonctionnement normal des établissements scolaires. Il y a d'abord l'obligation pour les membres de la communauté des enseignants d'assurer un fonctionnement normal des établissements scolaires, l'obligation de donner à l'élève les orientations et les conseils appropriés à l'exercice des droits que lui reconnaît la charte, et aucune violence contre l'élève. «Aucune atteinte à la dignité de l'élève ne doit être tolérée, toute violence physique ou morale visant un élève, et émanant d'un membre de la communauté éducative, doit être bannie, et que les élèves ayant des besoins spécifiques ont le droit absolu de mener une vie scolaire décente». Quant à l'élève, il «doit faire preuve de ponctualité et d'assiduité, respecter les règles de propreté et d'hygiène, et s'interdire de dégrader le mobilier de la classe, et tous les équipements dont dispose l'établissement», alors que «l'éducateur a droit au respect» et «doit voir la valeur sociale de sa fonction reconnue, bénéficier d'une formation continue, de participer à la gestion et à la vie de l'établissement à travers les différents conseils et organes institués à cet effet». Sur les conflits sociaux au sein du secteur de l'Education, la charte de l'éthique et de stabilité stipule notamment que le recours à la grève n'intervient qu'après épuisement de tous les efforts de dialogue. Car les conséquences de ces conflits, indique le même document, «portent sur l'évolution de l'exécution des programmes, sur les calendriers des examens et se traduisent par la réduction, voire la suppression des périodes de vacances», ainsi que sur les élèves. Par ailleurs, la charte que vont signer les syndicats d'enseignants réprouve autant la violence dans l'environnement scolaire que le recours des enseignants aux cours de soutien non encadrés. Car, selon ce document, «ils ne doivent prodiguer des cours de soutien aux élèves que dans le cadre de la règlementation en vigueur (?)». La ministre de l'Education nationale aura ainsi verrouillé le jeu autant sur la discipline des enseignants, la qualité de l'enseignement, la résolution par le dialogue des conflits, barrer la route à la violence extra ou intra-muros des établissements scolaires. Pour autant, deux syndicats refusent de signer ce document. Dans un communiqué expliquant sa position, le Cnapeste avait annoncé à l'issue de son Conseil national, tenu les 6 et 7 novembre derniers, qu'il ne signera pas le document, qui ouvre la voie à une sorte de «paix des braves», entre les syndicats et la tutelle. Pour le Cnapeste, «cette charte ne constitue pas pour l'instant une priorité pour ses militants», appelant le ministère à «clarifier les zones d'ombre qui entourent la circulaire 003, relative à la promotion de certains corps de l'enseignement».

SEULS LE CLA ET LE CNAPESTE

En gros, le syndicat maintient sa position sur ses principales revendications, dont le logement, la retraite, la prime de l'indemnité de zone au profit des personnels des wilayas du Sud et des Hauts-Plateaux, et celle des œuvres sociales, ainsi que le calcul des années d'études au niveau des écoles supérieures et instituts de technologie et les années du service national dans la retraite». Le chargé de communication du Cnapeste résume la situation en estimant que «si la tutelle avait répondu favorablement à toutes les préoccupations des PES, nous n'aurons pas eu besoin de charte de stabilité». Le CLA, de son côté, met en avant ses principales revendications non satisfaites, dont une remise en cause des différentes formes de retraites (retraite anticipée, proportionnelle et celle après 32 ans de service effectif) et le prolongement de l'âge de départ à la retraite de 60 ans à 65 ans, qui a poussé, selon lui, à des départs massifs à la retraite. Selon le CLA, le secteur de l'Education a enregistré plus de 25.000 demandes de départ à la retraite. A la veille de la ratification de la charte pour l'équité et la stabilité, la ministre de l'Education nationale a cru bon de rappeler qu'«aucun délai n'a été fixé» pour ceux qui ne signeront pas dimanche, avant d'ajouter que «le débat autour de la charte de l'éthique se poursuit dans le cadre du dialogue entre le ministère et les partenaires sociaux». Pour elle, l'objectif d'instaurer un «climat de sérénité et de stabilité indispensable à la mise en œuvre de nombreuses et complexes actions qui doivent être accomplies pour élever le niveau des performances pédagogiques, de la qualité de la gouvernance et du respect de l'éthique et de l'équité». Comme il s'agit de sortir le secteur d'une instabilité chronique.

La messe est dite. Les signataires de ce document seront, sauf changement de dernière minute, notamment le Snapest, le Satef, l'Unpef, le Snapap, le Snapep, le Snte et la Fnte. En toile de fond de ce «deal», près de 700.000 fonctionnaires du secteur verront leur situation sociale améliorée, tout aussi que les contractuels et les suppléants.