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Un dinar, c'est un dinar !

par Moncef Wafi

3.700 milliards de dinars, c'est le bas de laine estimé qui circule à la périphérie du circuit bancaire. Comprendre par là que cet argent évolue dans une sphère informelle, injecté dans une véritable économie parallèle qui échappe à tout contrôle de l'Etat. Et c'est cette cagnotte que veut coûte que coûte récupérer, ou une partie d'elle, le gouvernement Sellal pour faire face à la baisse de moitié des recettes d'hydrocarbures à la fin 2015. Tout un programme qui passe par des mesures incitatives à travers une énième réforme de l'acte de gestion monétaire.

Le gouvernement, à défaut de programme de relance économique cohérent et de diversification des recettes fiscales, se rabat sur un circuit informel que le système a lui-même contribué à développer faute de lutter efficacement contre un phénomène qui a grandement contribué à gangrener l'économie formelle et qui paye ses impôts. Le paiement obligatoire par chèque pour des transactions données et les mesures d'amnistie fiscale accompagnant la bancarisation de l'argent informel contribuent, dans l'esprit des décideurs, à cette démarche de reconquête d'un pan entier d'une économie souterraine dont il s'est grandement accommodé ces dernières décennies.

Pour donner une légitimité fiscale à ces milliards de l'ombre, et selon la loi de finances complémentaire 2015, l'Etat prélève une taxe forfaitaire de 7% sur les capitaux de ces milliardaires inconnus. Ainsi, pour «officialiser» son argent, on paye un droit d'entrée dans le circuit bancaire et on devient respectable par la force de la loi? de finances. L'Etat fixe une date butoir pour cette grande lessive de fonds dont on ne connaît pas forcément les origines même si, officiellement, on se prémunit contre les fonds douteux punis par la loi régissant la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme. De la poudre aux yeux puisqu'il est impossible de faire le tri entre l'argent des pastèques et celui de la drogue. Les prête-noms vont faire florès et compliquer la tâche des différentes brigades chargées de traquer les billets suspects. Magnanime mais ferme, l'Etat menace ceux qui n'auront pas saisi cette opportunité de lourdes sanctions fiscales.

Par ailleurs, force est de constater qu'il aura fallu que le prix du pétrole dégringole pour que l'Algérie se rende compte de l'obsolescence de son système bancaire et du peu de cas qu'il est fait aux clients des banques publiques. Un constat dressé par le premier argentier du pays qui appelle les banques à se redéployer «pour améliorer leurs relations avec leur environnement, en particulier les services aux clients». Et dire qu'il aura fallu simplement faire un petit tour dans les banques publiques pour se rendre compte de l'état actuel de la situation et ne pas attendre les conclusions de la LFC.