Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Youcef Youcefi, dévoile indirectement les carences de la stratégie militaire algérienne face à une guerre

par Y. Mérabet *

En cas de guerre, une défaite en six jours.

En cas de guerre, notre armée serait-elle battue au bout de six jours, faute de moyens de stockage du carburant ? Pratiquement toutes les armées modernes du monde ont été battues par manque de carburant. " M. Yousfi qui répondait aux membres du Conseil de la Nation, lors d'une séance consacrée aux questions orales, a indiqué que les perturbations enregistrées, récemment, dans la distribution du carburant ne sont pas dues à une pénurie, la production étant stable, mais à des problèmes de transport liés, notamment, à la mise en rade des tankers, en raison des conditions climatiques et à des difficultés d'acheminement (transport routier) , etc. Il a précisé que le déficit des capacités actuelles de stockage de l'Entreprise nationale de distribution et de commercialisation des produits pétroliers (Naftal), a accentué cette situation, ajoutant que ces capacités ne couvraient qu'une semaine, les besoins du marché national en carburant. ".

Par cette lecture du message, l'on comprend que les capacités de stockage dont dispose Sonatrach, paralyserait notre armée, en cas de guerre et ne nous permettraient pas de tenir plus de six jours à une quelconque guerre. Toute guerre est une entreprise, non seulement militaire mais, aussi, économique.

Cette réalité apparaîtra, au plus tard, dans le cadre des préparations, en prévision d'une guerre, lors qu'il s'agira d'assurer le soutien en denrées alimentaires et la mise à disposition des équipements et moyens de transport.

Les équipements mobiles militaires fonctionnent, généralement, au gasoil pour les engins mobiles et au kérosène (essence) pour les avions. Cet état de fait renforce, considérablement, la volonté de défense ainsi que la force de résistance d'une nation.

La logistique de défense, pendant la guerre, que ce soit le ravitaillent des équipements militaires en carburant, nourriture ou en armes, doit, d'abord, être satisfaite pour permettre à toute opération tactique, d'user d'une force militaire, au bon moment et même pour concrétiser les stratégies destinées à atteindre les objectifs fixés, à l'échelle nationale, en termes de sécurité. La logistique met à disposition les moyens tandis que la stratégie et la tactique dictent les plans pour le déploiement et l'emploi de ces moyens, aux fins d'opérations militaires. La logistique en carburant est une partie intégrante de la conduite militaire, en combat armé. Le stockage du carburant, significatif à tous les niveaux du combat armé, de celui du combattant individuel (subsistance, boissons, hygiène, armes et munitions) à celui des opérations (inter-actions entre la logistique et la tactique), en passant par le niveau politico-stratégique. Nous devons tirer des leçons du passé pour assurer la sécurité en énergie, par la stratégie de l'approvisionnement et le stockage des carburants, en cas de guerre, pour la défense.

POURQUOI LES ALLEMANDS ONT-ILS PERDU LA GUERRE ?

Si les carburants, pour les armées sont si essentiels dans la guerre. Si la campagne de France s'est bien déroulée, (ligne de ravitaillements courtes, stocks de réserve abondants, réseau routier très bon, campagne), ce bon déroulement a masqué les carences du ravitaillement, et dès les premiers jours de Barbarossa, l'Allemagne a manqué de carburant, deux jours, après les déclenchements des hostilités, les chars de la 4ème Pz armée, pourtant, partis avec des quantités de bidons de réserve, devaient stopper, pour attendre leur ravitaillement... Ces incidents se sont répétés tout au long de la campagne, puis tout au long de la guerre. L'Allemagne a manqué et d'essence et de moyens de l'envoyer au front. Ce facteur a été déterminant parmi les causes de son échec, l'exemple des Ardennes n'en est que l'aboutissement ultime.

Non pas uniquement parce que les unités n'avaient pas assez d'essence, mais par la restriction du nombre total d'engins à moteur disponibles et par la réduction de l'entraînement accordé (des moyens en carburant accordés à l'entraînement) aux troupes, particulièrement visible dans l'aviation. La Seconde Guerre mondiale a marqué un tournant dans l'art militaire avec, tout au long du conflit, une mécanisation grandissante des troupes. Avec pour corollaire une consommation faramineuse de carburant et d'approvisionnements, qui allaient devenir déterminants pour l'avancée des armées alliées. Ayant tiré la leçon de la campagne de France de mai et juin 1940, les Alliés sont très vite arrivés à la conclusion que la logistique serait un élément crucial pour la réussite de toute opération de débarquement sur le continent européen. Aussi dès octobre 1941, lorsque Winston Churchill a demandé à Lord Mountbatten de planifier l'ouverture d'un 2e front, à l'Ouest, pour soulager les troupes soviétiques qui combattaient les armées du 3e Reich à l'Est, l'approvisionnement en carburant des troupes débarquées devint-il un sujet stratégique. Mais quels allaient être les besoins ? Les spécialistes ont estimé, à l'époque, la consommation moyenne journalière pour 50 miles parcourus à 8 US gallon pour un véhicule sur roues (jeep, camion?), à 24 US gallon pour un semi-chenillé (half-track) et à 52 US gallon pour un char. Ils ont même été jusqu'à estimer qu'il faudrait, quotidiennement, 2,6 US gallon de carburant par soldat débarqué.

EN CONCLUSION DE CETTE PREMIERE PARTIE

Afin de faire face aux énormes besoins en carburant d'une armée d'invasion, fortement mécanisée, les Alliées ont dû inventer toute une logistique qui, au fil des semaines, a dû s'adapter aux mouvements des troupes. Du pipeline au jerrycan, en passant par le juste à utiliser.

LE PETROLE. L'ARME NOIRE QUI A FAIT GAGNER LES GUERRES

Les puissances militaires de l'axe ont perdu la guerre faute de moyens en carburant suffisants. La hantise du manque de carburant et donc de pétrole, explique des choix stratégiques qui sinon seraient incohérents comme certaines offensives allemandes, mais aussi l'entrée en guerre, quelque peu précipitée du Japon.

En fait, cette explication éclaire la stratégie américaine d'aujourd'hui qui consiste, par la guerre ou des changements de régimes, à se mettre en position de contrôler l'essentiel des ressources du monde, en énergie fossile. On peut se demander dans quel but ?

Il paraît évident : isoler la Chine, le seul vrai rival et pousser ce pays à une politique militaire aventuriste. On refait à la Chine le coup du Japon- Moyen Orient - Asie centrale, permettant un isolement énergétique, de l'empire du milieu.

Le Pentagone a programmé, pour permettre aux USA de conserver leur leadership mondial, un conflit contre la Chine. Une troisième guerre mondiale est possible. C'est depuis, longtemps, que cette conviction est évoquée, à plusieurs reprises. A l'orée de la Seconde Guerre mondiale, les alliés sont, dès le départ, dans une position dominante, dans le jeu pétrolier, impératif pétrolier qui va vite s'imposer à la stratégie des belligérants. L'Italie, par exemple, n'a pas les moyens de ses ambitions. Elle a une belle flotte de guerre, mais dès 1941 la moitié est à quai, faute de carburants. C'est de toute évidence l'embargo pétrolier qui a provoqué Pearl Harbour et le manque de carburant qui a mis en échec Rommel.

L'ouverture du deuxième front soviétique s'explique par une offensive préventive par rapport aux plans de Staline mais aussi par la nécessité d'atteindre les réserves du Caucase puis de faire la jonction avec l'Afrika Corps, en Irak. Si Hitler avait réussi, tout aurait changé.

En 1941, l'Amérique a le pétrole sur son propre territoire. Elle n'a aucun risque de manque. Sa stratégie est libre. Elle peut, de plus, bombarder le tissu industriel allemand et rester hors de portée. L'Europe centrale allemande n'a, jamais, atteint l'autarcie énergétique, même avec l'apport du charbon. La puissance s'est tarie et n'a pu se renouveler. Ce n'est pas le courage qui a manqué au soldat allemand ou japonais pour gagner la guerre, c'est le manque d'énergie fossile, ce sang noir indispensable à la guerre mécanisée. Les dirigeants ne l'ont pas, suffisamment, anticipé et n'ont pas réussi à briser les anneaux de l'encerclement énergétique. Quand on regarde la carte, c'est évident. Rommel n'arrive pas au Caire et le front de l'est est figé avant Grozny.     

Entre les deux se trouvent les principales réserves mondiales de pétrole, hors USA et URSS. Tout est dit, sur la stratégie du pétrole, son approvisionnement et son stockage, à nos stratèges d'user de ces passionnants exemples.

Conclusion de l'auteur:

Voilà une remarquable leçon à tirer du passé par les stratèges algériens?. C'est, sans doute, ce que sont en train de faire les stratèges des puissances dominantes de la planète : du Pentagone, de Moscou, mais aussi ceux de? Pékin.

L'armée algérienne doit penser à construire ses propres raffineries pour ses propres besoins, à ses propres approvisionnements en carburant et à ses propres points diversifiés de stockage ; cela pour continuer à se porter garante de la pérennité de la sécurité du pays.

* Journaliste indépendant et Expert en Energie - Membre fondateur de la A.A.R.I (Association Algérienne des Relations Internationales) 119, Bd Didouche Mourad Alger-centre