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Mais c'est quoi cette « khalouta »* politique ?

par Mohammed Beghdad

C'est très décevant et malheureux à la fois ce qui arrive ces derniers temps à mon pays avec cette régression politique qui ne dit pas son nom. J'en pleure lorsqu'on compare cette situation avec ce qu'avait enfanté la révolution algérienne comme leaders qui ont marqué l'histoire de leurs noms.

Elle ne mérite nullement d'avoir généré, 50 années plus tard, cette variété d'énergumènes qui occupe le monde politique et qui a gaspillé tout le capital d'estime qu'avait engrangé le soulèvement du peuple algérien pour dégager le colon français.Dommage que l'urne ne sanctionne pas comme il se doit ces indus-occupants pour les renvoyer une fois pour toute à revoir leurs leçons d'habilitation ou à repasser leurs examens de passage, à la noble tâche, acquis auparavant par la fraude massive et le jeu de subterfuges alliances. Il suffit d'être prêt à élaborer des communiqués de circonstances brossant dans le sens du poil pour être dans l'état de grâce du plus puissant. La manne financière est là pour subvenir à tous les besoins sans être dans l'obligation de justifier les traces de ces dépenses. A l'approche des élections présidentielles, on assiste donc depuis quelques semaines à une véritable « Khalouta » ou « Rouina » politique avec ces irruptions intempestives dans notre champ de ces hommes qui se prennent pour des politiques dont ils n'ont rien de commun au regard de leur niveau tous domaines confondus. Ailleurs, ils ne pouvaient même pas espérer servir comme plantons dans une administration communale. Que les vrais et nobles plantons qui gagnent de leur sueur leur pain quotidien par ce métier, m'en excusent s'ils estiment être offensés par mon propos.

Mais dans notre cas, ils peuvent se permettre tous les abus dans cet état de déliquescence avancée. On largue donc un pavée dans la marre sur la scène publique et puis on s'éclipse dans l'ombre pour ne réapparaître que le moment où tout s'est calmé pour relâcher une autre imbécillité tel qu'un chargé de mission sans aucune réflexion ni mesurer toutes les fâcheuses conséquences qui peuvent en découler. C'est tant mieux si on ose provoquer le débat nécessaire totalement cadenassé, mais il faut le parachever en confrontant ses idées jusqu'à épuisement du dialogue.

On ne lui a fait simplement dicter ce qu'il avait à dire comme d'un enfant qui sort pour la première fois de sa bouche un gros mot sans connaitre ni le sens ni la bourde qu'il va déclencher. En Algérie, n'est pas politicien qui veut, on peut le devenir comme par accident un beau matin en disant pourquoi pas moi puisqu'il y a l'autre. La preuve, 85 postulants à la candidature de la présidence de la république, qui dit mieux ! C'est vrai que tout le monde y croit à sa belle étoile, vu qu'on soit tombé aussi bas. On insuffle à notre bonhomme juste de s'inscrire sur une liste de candidats dans un parti auquel il ignore complètement le programme s'il existe bien sûr. Ensuite, l'échelle des fausses valeurs fera sensationnellement son effet en le propulsant en un temps record vers des postes auxquels il n'a jamais rêvé. Sans que l'on arrive à retenir son nom, un inconnu sorti du néant. Après une longue hibernation que le voilà réveillé en allant retirer les formulaires au ministère de l'Intérieur pour aspirer être un jour président de la république. Quel culot ! Rien que ça ! Un parti comme le FFS, le plus vieux parti d'opposition comme aime-t-on le souligner, pourrait déprimer suivi d'un hara-kiri en apprenant cette nouvelle hérésie et cette nième blessure faite à la maman Algérie. On est tenté de dire que lorsque les chats sont absents, les souris peuvent danser jusqu'aux premières lueurs du jour dans cette longue nuit sombre hantée de cauchemars.

Du jour au lendemain, il devient alors chef avec un cachet à sa disposition pour tenter de nous faire avaler toutes les couleuvres de ses protecteurs. De grâce, instaurez-nous cette épée de Damoclès sur la tête de ces pseudos partis à travers des scrutins libres et indépendants pour éradiquer à jamais ceux dont le souci majeur est de prendre leur part du gâteau en renflouant leurs caisses de ces prébendes. Un parti devrait en principe sa survie en grande partie par les cotisations de ses militants, de ses programmes, de ses actions et de ses idées.

L'accès aux élections, ne vient pas du militantisme sans relâche et du travail sur le terrain mais il émane d'un jeu de coulisses des opportunistes les plus véreux qui laisse sur le carreau les plus méritoires à mener le juste combat. La recette ? Il faut savoir nager dans les eaux troubles et des plus nauséabondes. Il faut disposer d'une barque équipée d'une boussole qui navigue dans tous les sens. Le flair doit être très sensible pour sentir les coups bas à des centaines de kilomètres à la ronde. La loi du silence doit être de rigueur. Il faut se faire tout toutou devant plus grand que soi et écraser tout petit que soi, à l'image d'une punaise, sans aucun état d'âme ni un quelconque regret. Les intègres et les honnêtes n'ont pas de place dans cet espace infecte.

Lorsque plus d'une demi-cinquantaine de partis se liguent à travers ses chefs présumés pour soutenir un candidat, peu importe lequel, est-ce qu'ils se sont référés à leurs bases pour décider abusivement de la sorte ? À moins qu'ils ne possèdent pas de sympathisants ou qu'ils considèrent de facto leurs militants identiquement à un troupeau de Panurge. Nous sommes devant un véritable imbroglio. Nous sommes donc obligés de passer par un minuscule parti pour ensuite voter pour quelqu'un d'autre ! Sommes-nous tellement aveugles qu'on nous indique le chemin de la vérité à laquelle ils y croient par calculs étroits ? Même Dieu ne prône pas que l'on passe par un intermédiaire pour le vénérer.

En surfant sur Facebook, on constate que le nombre d'amis de ces chefs autoproclamés ne dépasse guère la centaine pour la plupart d'entre eux. Quant aux initiales des noms de leurs formations politiques, on y rencontre toutes les lettres de l'alphabet, nécessaires pour élaborer un programme qui fait défaut ou font dans le copier-coller. Mais ici, on ne se sert que pour les tirer au sort afin de fabriquer le nom du parti s'il n'est pas déjà occupé. Pour le programme, il est déjà tout trouvé. Ce n'est pas la peine de se casser la tête, ce sera celui du cheval gagnant. La supercherie est affichée. Il faut juste penser à jouer les bonnes notes de la musique dominante au hit-parade du système. Pauvre politique algérienne qui mérite mieux.

 Donc, ces partis microscopiques qui pullulent dans la sphère politique algérienne n'existent que sur le papier. Dans une démocratie, ils disparaîtraient à jamais lors des échéances électorales si elles ne comptent pas sur leurs propres moyens de subsistance. Une démocratie ne se construit pas avec l'oseille mais c'est avec les bonnes idées qu'elle se consolide à travers des urnes qui crachent toute la vérité, rien que la vérité.

Au contraire, l'argent seul ne fait que polluer l'atmosphère politique et corrompent tous les résultats. Mais là, on les maintient virtuellement en vie pour se servir dans les éventuels jeux dangereux des complots souterrains.

Pour faire de la politique, il suffit juste d'avoir de gros bras, aux sens propre et figuré, et de forts forceps pour être prêts à la bagarre des rues le moment voulu et bien sûr doublés d'un grand « Khalat », expert en la matière afin de détourner tous les regards suspects. C'est la guerre des clans comme on en parle dans la presse. Au fait, notre mec a une mission à accomplir en politique pour celui qui est recruté pour cette basse besogne. Les dividendes sont énormes. Il pourrait surgir du néant pour devenir d'un clin d'œil richissime avec l'acquisition de terres agricoles, de marchés juteux et d'une place rémunératrice dans la hiérarchie pour lui et ses proches.

Comme on le constate assez bien, la politique dans le pays n'est pas faite pour les fils de famille, dit-on. C'est pour cette raison que les compétences fuient la politique comme la peste ou le choléra. Elle est taillée sur mesure pour les baroudeurs et les barbouzes. Les affaires de corruption ou de diffamation se règlent à coups de chantages, de scandales et de dérives en s'étalant dans les unes des journaux au lieu d'être exposées au sein des tribunaux avec les charges à l'appui. Quant aux affaires politiques, elles ne se discutent pas dans des débats d'idées comme les pays civilisés mais elles ont lieu dans des tranchées à coups de désordres accusant ses antagonistes et en les nommant de tous les noms d'oiseaux loin de toute éthique politique. Voilà ce qui nous est arrivé en affaiblissant sans cesse la justice qui devait jouer son véritable rôle et où l'intervention libre du juge doit être dictée par sa conscience professionnelle et les intérêts suprêmes de la nation en matière par exemple de la lutte contre le cancer de la corruption à répétitions.

J'ai honte devant les autres nations au vu des occasions ratées et des opportunités gâchées par les femmes et les hommes de mon pays pour tirer le niveau de l'ensemble vers le haut au lieu de perpétrer ces guéguerres dans les caniveaux. J'ai honte de ce qui se passe sur la scène politique et médiatique de mon pays lorsqu'on constate amèrement comment sommes-nous dirigés en nous considérant comme un peuple enfantin qui ne peut prendre aucune décision de son destin.

J'ai honte de l'attitude et du comportement de ces personnes qui revendiquent haut et fort chérir ce pays mais paradoxalement ils le font souffrir tous les jours que Dieu a créés. J'ai honte devant les mensonges proférés comme l'on respire par des gouvernants qui n'éprouvent aucune indignité ni aucune moralité devant la propagande qu'ils véhiculent et à laquelle ils sont les premiers à ne miser en privé ne serait-ce qu'un infime petit dérisoire centime. J'ai la honte face à la langue de bois véhiculée par des virtuels élus et des gouvernants dont leur seul souci est leur maintien sur le piédestal au détriment de la santé du pays.

A deux mois des élections qui s'avèrent l'une des plus capitales pour le pays, le vrai débat, engageant l'avenir du pays, est totalement déficient. A la télévision publique, on est encore à l'évaluation non objective et sans aucun avis contradictoire du programme du président sortant. L'heure devrait être à une précampagne pour évaluer tous les paramètres du pays comme l'économie, l'éducation, la santé, le chômage, etc. On est encore aux balbutiements.

Le moment devrait être à la comparaison des programmes des candidats engagés dans la course au palais d'El-Mouradia mais là on a l'impression que personne n'y croit que c'est une affaire de projets. Une fois installé, on peut concocter à tort et à travers tous les programmes que l'on désire avec la grande bouffée d'oxygène des 200 milliards de dollars à la disposition de l'heureux élu sans compter la grosse cagnotte du fonds de régulation. Pour gagner la paix sociale si on est mal élu, tout est permis au détriment du devenir du pays. Dans les pays occidentaux, il faut user de toutes les ficelles et toutes les idées pour renflouer les caisses de l'état en premier lieu du contribuable qui est essoré pour soutenir l'effort national. Chez nous, ce n'est pas les fonds qui manquent mais ce sont les idées qui nous font défaut. L'Algérie est à la croisée des chemins. Ou elle passe, ou elle se casse la figure. Espérons que les moult appels à la raison soient entendus et que les enfants issus du même ventre se réconcilient définitivement avec la mère Algérie qui ne pourrait que se réjouir de cette destinée en ouvrant largement ses bras et une nouvelle page blanche à remplir de progrès et de développement avec des politiciens animés de l'amour de la patrie et conscients de la tâche ardue qui les attend mais pas impossible à surmonter pour la pérennité de l'Etat algérien. Il faut vite refermer la présente page qui nous lasse et nous enlise, avec ses inlassables bas que de hauts, pour se projeter de l'avant vers un nouveau monde qui nous attend avant que la tombe ne se mure définitivement sur nous.

* « khalouta » : mélange, cocktail dans le jargon algérien.