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Vive l'argent...  propre !

par Belkacem Ahcene-Djaballah

Il est fou, ce joueur de football. Pensez donc ! C'est le joueur le plus cher payé de l'histoire du football oranais. Selon la presse, un salaire mensuel net de 170 millions de centimes, le logement de fonction, la voiture de service et un contrat de deux ans. Total net à empocher : plus de 4 milliards de cts. En fait sa «folie» ne réside pas dans le fait qu'il soit payé à ce niveau. C'est un professionnel ? de «valeur». Et, on parie que d'autres clubs sont allés bien plus loin que le Mouloudia d'Oran. Avec les joueurs ou avec des entraîneurs. Tous, ou presque tous, en «cachette». Peur du «mauvais œil» ? Peur des «amis qui vous veulent du bien» ? Ou, peur du fisc ? Sa «folie» est de ne pas considérer le fait de parler d'argent comme un tabou? et «il en est fier». Bravo ! Surtout marque beaucoup de buts, mon frère, car les «envieux» (de ton argent, pas de ton talent) ne vont pas te rater au moindre faux-pas.

Il était fou, ce monsieur, haut responsable de l'Etat ! D'abord, il a refusé ce que la loi lui octroie en fin de mission : une résidence de son choix en toute propriété. Ensuite, il refuse de paraître au premier rang des invités officiels lors des cérémonies officielles. Enfin, il refuse une résidence secondaire somptueuse et hautement sécurisée (dont le coût serait de 60 milliards de centimes) mise à sa disposition ad vitam aeternam par l'Etat. Il veut jouir paisiblement de sa retraite d?ex- grand manager du pays, dans sa ville natale, auprès de sa famille et de ses amis? Il a ce qu'il faut pour vivre à l'aise, la conscience tranquille et il ne le nie pas.

Il était fou, cet autre monsieur ! Interrogé par la presse sur ses revenus et ses comptes bancaires, il «avoue» tout, sans sourciller. Oui, il a des comptes très bien fournis, ici et là-bas, en dinars et en euros, il a cinq logements et il a, en indivision, héritage de son défunt père, plusieurs milliers d'hectares dans un pays frère .Il est riche et il ne le nie pas. Ceci dit tout en occupant des postes de manager dans une entreprise publique stratégique? de député ?

Un ancien et deux jeunes, un honnête homme et des hommes francs. Les trois ont pourtant un point commun : ils n'ont aucun complexe vis-à-vis de l'argent. L'un n'en veut pas trop, les autres n'en ont pas honte. Et, surtout, ils le montrent, ils le disent sans détour, chacun à sa manière.

Il faut le dire : c'est là une attitude assez étonnante dans le paysage économique et social du pays. En tout cas, une attitude qui, si elle a, peut-être, existé par le passé, a été totalement effacée ces dernières décennies par les nouveaux rapaces engendrés par les pouvoirs corrupteurs successifs qui ont, eux-mêmes, facilité le développement de la corruption et par les lacunes (ou facilités) des «réformes».

On avait cru qu'il en était fini de toute morale chez nos managers et autres décideurs.

Ainsi, on en était arrivé à l'existence de fortunes colossales (tout le monde le sachant et en parlant dans les salons des grands hôtels, les cabarets huppés, les lupanars clandestins, les cafés-maures miteux et les tribunes officielles des stades? et, de temps en temps, rarement , dans les tribunaux)? et à des «déclarations de patrimoine» rachitiques, faisant «pitié».

 On en est arrivé, le temps et les programmes de développement passant très vite et les réserves fondant comme «neige au soleil», à l'arrivée, sur le «marché» de la «course au trésor», de nouvelles générations encore plus avides que leurs aînés, jouant parfois même avec la vie ou la carrière des citoyens, utilisateurs ou employés.

Aujourd'hui, l'espoir d'une «résurrection morale» reste grand avec la multiplication (il faut l'espérer et il faut en parler bien plus dans la presse pour développer des «modèles» à «copier») des exemples de décideurs, ex- ou encore en fonctions, ayant une attitude franche, transparente et sans complexe vis-à-vis de l'argent et de la bonne fortune? celle acquise honnêtement, ou héritée sans embrouille, cela va de soi. En avoir, c'est bien, en avoir beaucoup, c'est tant mieux, ne pas en avoir assez n'est pas mortel.

Une telle attitude (de rejet ou d'appropriation) transparente et rendue publique s'il le faut, et sans cachotteries, à l'endroit de l'argent, est, à mon sens, un tournant essentiel pour le développement économique du pays. Elle restaure une éthique de l'enrichissement de soi et par la même du pays et, surtout, impose un sens moral à toutes les activités productives, industrielles, commerciales, culturelles? sportives et politiques aussi. Il est vrai que cela est plus facile à dire qu'à faire? surtout de la part de quelqu'un qui n'est pas pauvre et qui aimerait bien s'enrichir. D'autant que les décennies socialistes ont donné aux rapports à l?argent une signification fortement connotée : bourgeoisie, capitalisme, exploitation, parasitisme? Les valeurs religieuses, du moins celles déclamées publiquement, fortement détournées ces deux dernières décennies, en sont même arrivées à «culpabiliser» la richesse. Tout cela laissant la place aux plus malins (dont certains extrémistes de la «politique») qui ont érigé leurs activités en véritables «moissonneuses ? batteuses», et qui se sont faits forts, entre une «rahma» et une «réconciliation», d'amasser, sous un couvert pudique, de véritables fortunes.

Heureusement, «bien mal acquis ne profite? jamais? très longtemps».

Encore un dicton? de «fauché» !

De toute façon, il ne faut pas désespérer de nos (nouveaux) riches. Ils sont bien obligés, en raison du développement inéluctable de la transparence en matière médiatique et financière, de «démontrer» leurs sources d'enrichissement, et de montrer, d'une manière ou d'une autre, leur «richesse». Sauf s'il veulent vivre, hypocritement et misérablement , dans la «pauvreté» et ne «s'éclater «qu'à l'étranger ? et passer leur temps à chercher la filière ou la ficelle pour échapper à un fisc de plus en plus rapace ou pour «expatrier» leur trésor? à l'image de cet ex-ambassadeur français (favori de Sarkozy, puis en poste à Tunis et en Irak) pris la main dans le sac, habillé en «anonyme» passager du rail, et voulant «sortir» , du pays, une forte somme .

PS : Qu'est-ce qu'un pays heureux ? Pour les concepteurs de l'indice du bonheur de l'ONU, un pays heureux est un pays où l'on vit en paix et en sécurité, en liberté et en démocratie et où les droits de l'Homme sont respectés. C'est aussi un pays qui connaît une qualité de vie importante, où la recherche, la formation, l'information, la communication et la culture sont partagées par tous. L'Algérie a été classée comme le pays le plus «heureux» de l'Afrique du Nord, dans le dernier rapport des Nations unies sur l'indice du bonheur dans le monde. Ce nouveau rapport annuel sur le bonheur (World Happiness Report), qui vient d'être publié (12 septembre 2013), donne ainsi à l'Algérie la 73e place, suivie de la Libye (78e), le Maroc (99e), la Tunisie (104e), la Mauritanie (112e) et l'Egypte (130e. Pour l'Algérie, sa place au milieu du tableau (le verre à moitié plein, quoi ! le reste étant fait de?. vide , de déprime, de mal-bouffe, de grande vitesse , de harga et de zetla) , elle la doit essentiellement à sa politique sociale généreuse et au PIB par habitant. Pourvu que ça dure !73è, pour l'instant, on s'en contente.