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![]() ![]() ![]() ![]() Qu'est-ce qu'un savant émérite ? Définition de l'ENTV et de l'idéologie dominante en Algérie : c'est
quelqu'un dont le nom ressemble à un hadith. Qui est mort il y a longtemps en
laissant une photo en noir et blanc et une confrérie et qui a interprété une
interprétation de l'interprétation d'une interprétation du Coran. Un siècle
après donc, on lui rend hommage dans le cadre d'un séminaire filmé par l'ENTV (c'est servi presque chaque JT depuis des années comme
une démonstration d'identité et de ferveur), regroupant quelques vieux
honorables de la région, un chœur de chant religieux et deux évocations. Du
coup, c'est le modèle du savant tel que agréé, offert en modèle aux générations
qui montent : le savant religieux. Oui, et avec respect, mais les autres ? Les
inventeurs des pneus, des téléphones portables, des process
inédits ? Ils n'existent pas, ou seulement comme trace d'une fuite du cerveau
vers le nord. Depuis dix ans, l'Algérie officielle, celle de l'islamisme rampant
et du projet de la plus grande mosquée d'Afrique ne font que ça : parler des
savants religieux, des et des évocations. Le pays, une chapelle ardente en
somme. Aucune valorisation du savoir technique, celui qui hiérarchise les
peuples entre dominés grincheux et dominants superbes et hautains. Entre
importateurs et inventeurs. Cela est frappant et ressemble presque à une
maladie nationale que cette tendance à la commémoration, célébrations post
mortem et repli vers le passé. Tout le pays est forcé à se tourner vers l'au-delà
et l'autrefois comme lorsque un coiffeur vous serre le menton pour vous piloter
le crâne selon l'angle qu'il décide. Et tous ces gens-là qui vous parlent d'Ibn
un jour, utilisent la technologie moderne, parlent de libérer la Palestine avec des
fatwas, montent des voitures, usent de la modernité comme d'un papier
hygiénique mais n'ont de remerciements que pour les Cheikhs.
En face, rien pour le Savoir moderne : les inventeurs algériens qui osent proposer de nouvelles choses sont traités dans la case folklore, presque avec humour, souvent avec un gros éclat de rire insonore genre «Voyons, nous sommes un peuple technicien de l'au-delà !». Et c'est ce qui effraie le plus : rien n'est dit, présenté, proposé, filmé ou commenté en ce qui concerne les technologies, les inventions, le savoir-faire et les maîtrises. Tout le monde est vieux, pressé de l'être, poussé à le devenir, puis prier, soupirer, geindre et interpréter la religion comme un casque ou bouton off face au poids du monde et à la responsabilité d'exister. Il existe donc autant une «politique de l'autruche», qu'une religion de l'autruche. Et dans ce cas, l'oiseau du proverbe a la tête enfoncé plus profond que le sable : dans la tombe jusqu'à émerger dans l'au-delà comme un périscope invraisemblable. Et cette façon d'inonder la tête des Algériens avec des évocations assises est un désastre du sens à venir et une proposition d'enterrement aux générations futures. Même à l'époque des empires théologiques musulmans, le Savoir était vu dans sa totalité : commentaire du Coran mais aussi invention de l'algèbre. Pas aujourd'hui, pas ici, pas chez nous. Ce qui est proposé comme réseau, c'est celui des Zaouïas et des confréries et des cimetières de notables «Ibn passé composé». Triste pays suicidaire qui élève l'écho au rang d'un alphabet et s'enfonce dans un Moyen Âge céleste à tire-d'aile et de turbans. Les Algériens n'étaient pas ainsi durant les années 70. A l'époque, on pensait sérieusement à réinventer les roues et pas à s'asseoir, contrit, sur des tapis. |
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