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Peine capitale pour l'auteur d'un matricide

par Houari Saaïdia

Dimanche 5 juin. Tribunal criminel d'Oran. Procès du jeune homme qui a assassiné sa mère à El-Ançor pour un mobile d'argent. La salle est remplie à ras bord. L'émotion est à son comble. Retour en arrière. Le 20 octobre 2010, la maison de H. Kheïra, une handicapée moteur de 73 ans, portée disparue depuis plusieurs semaines, est cernée par un dispositif de gendarmes de la brigade d'El-Ançor. Menotté, B. Ahmed, célibataire de 35 ans, fils unique de cette vielle femme et vivant avec elle sous le même toit, fait l'ignorant. Le suspect se mure dans un silence total. Le foyer est passé au peigne fin. Aucune anomalie, aucun indice. Mais un petit détail attire l'attention des enquêteurs : des débris de terre sont répandus çà et là et un petit carré du potager situé derrière le patio est étrangement cimenté. On commence à piocher. Et là on fait une découverte macabre : un corps de sexe féminin en état de décomposition avancé, enveloppé d'un pan de plastique, assis en tailleur, duquel se dégage des émanations pestilentielles. C'est le cadavre de la vieille veuve Kheïra : les résultats de l'examen médico-légal seront catégoriques là-dessus.

Muet comme une tombe jusque-là, Ahmed se met à table à ce moment en avouant tout, du début à la fin. Le matricide a été commis en juillet passé. Autrement dit, cela fait plus de trois mois qu'il a assassiné sa mère en la tabassant à mort, puis en l'enterrant dans cette fosse qu'il avait creusée d'ailleurs avant de commettre son homicide prémédité. Pour empêcher les émanations cadavériques, il avait pris le soin de cimenter la tombe, tout en repiquant les plants potagers sur la surface pour mettre en place un décor trompeur. Mobile du crime : les 30.000 dinars de pension que sa mère, épouse de moudjahid, touchait.

Même au temps où le fils était mandaté pour retirer cet argent de la poste et à en disposer comme il voulait, la mère n'échappait pas à ses éclats de colère, ses insultes, sa maltraitance, ses séances de supplice, ses états secondaires? Quand elle a décidé de ne plus donner procuration à son fils oisif et parasite pour le retrait de la pension, parce qu'elle avait découvert qu'il la volait et aussi pour lui apprendre à compter, elle ne savait pas qu'elle venait de signer son arrêt de mort.

Aux proches et aux voisins qui venaient s'enquérir de l'état de sa mère - enfouie sous terre -, Ahmed leur disait qu'elle allait bien, qu'elle était partie au bled chez sa famille. Mais cette histoire de visite familiale a trop duré et, le comportement plus que suspect du fils aidant, un des voisins décide d'avertir les gendarmes, qui ont aussitôt ouvert une enquête. Ahmed était sur la sellette dès le départ. Aussi invraisemblable que cela puisse paraître, l'accusé, qui a avoué les faits de A à Z dans les moindres détails aussi bien devant la police judiciaire que devant le juge d'instruction, s'est entièrement rétracté hier à l'audience en niant tout en bloc. Mieux, il a inventé une histoire pour le moins absurde : «Il y a plusieurs années, ma mère avait fait un testament. Elle insistait pour être enterrée dans notre maison et nulle part ailleurs. C'est un inconnu qui l'a tué, probablement pour lui voler l'argent qu'elle mettait de côté de sa pension. Moi, à sa mort, je n'ai fait qu'accomplir son vœu».

Réquisitoire : peine capitale. Verdict : peine capitale pour l'auteur du matricide crapuleux, avec comme mobile une modique somme d'argent.