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Le Contrôle européen ICS met à nu l'impréparation des exportateurs algériens

par Amine Zoubiri

Un nouveau système de contrôle des importations vers l'Union européenne entre en vigueur le 1er janvier prochain. Il exige de donner 31 informations sur chaque marchandise préalablement à son entrée sur le territoire de l'UE. Les exportateurs algériens vers l'Europe ne sont pas du tout préparés à ce nouveau dispositif restrictif. La première et seule journée de vulgarisation sur le thème aura lieu cette semaine à l'initiative d'ALGEX. A 48 heures du top départ.

L'Agence nationale pour la promotion des exportations (ALGEX) organise le jeudi 30 décembre une rencontre, la seule, dédiée à la vulgarisation sur l'ICS, le nouveau système de contrôle des importations européennes. Détail «assassin» l'ICS entre en vigueur le 1er janvier, 48 heures après. Selon le directeur général de cette agence relevant du ministère du Commerce, cette rencontre regroupera les associations représentant les exportateurs, les commissionnaires en douane ainsi que les compagnies du transport. Dans une déclaration à Maghrebemergent.info, M Benini, directeur général de l'ALGEX, a fait savoir que ladite rencontre, animée par un expert algérien, permettra d'exposer toutes les informations nécessaires à cette nouvelle circulaire. Cette nouvelle législation appelée Import Control System (ICS) est en fait un dispositif qui s'inscrit dans un cadre plus large de sécurisation des échanges commerciaux à l'échelle mondiale. Le dispositif de l'Union européenne a été, pour la première fois, mis en place en 2006 déjà à la suite d'une décision prise par l'Organisation mondiale des douanes (OMD) en 2005 qui avait abouti à l'adoption d'un dispositif de sécurisation appelé SAFE. Mais depuis 2006, les instances européennes s'occupaient de mettre en place les procédures, les modalités opérationnelles pour sa mise en application. Ce n'est finalement qu'en janvier 2011 que le dispositif sera effectivement et entièrement mis en application.

Que prévoit exactement ce nouveau dispositif ? Il précise qu'aucune marchandise n'entrera dans ce continent, si elle n'a pas fait l'objet d'une déclaration préalable comprenant 31 informations à communiquer. La douane du pays destinataire doit recevoir la déclaration par voie électronique au moins deux à quatre heures avant son arrivée aux frontières. En effet, à compter du début de l'année prochaine, toute marchandise devant entrer sur le territoire de l'Union européenne, quel que soit son mode de transport et quelle qu'en soit la nature, doit impérativement faire l'objet d'une déclaration d'entrée qui doit être adressée aux autorités douanières européennes avant l'arrivée de la cargaison.

La Tunisie mieux préparée que l'Algérie

Les spécialistes s'interrogent, depuis plusieurs semaines sur l'état de préparation de l'Algérie vis-à-vis de l'ICS. Des doutes existent, face à cette nouvelle législation restrictive, sur le fait qu'une seule rencontre de vulgarisation puisse suffire à mettre les exportateurs algériens au diapason. L'enjeu est de taille : il s'agit du sort des produits exportés hors hydrocarbures. Ils risquent fortement d'être pénalisés, sous le régime de l'ICS, à la fois à cause des standards de qualité exigés et des procédures complexes de leur exportation à partir des ports algériens. Les voisins tunisiens et marocains dont le volume des exportations cumulées vers l'UE dépasse les 10 milliards de dollars (en manufacturés) se sont préparés plus sérieusement à la date du 1er janvier 2011. En Tunisie, des réunions ont été organisées par les pouvoirs publics avec les organisations patronales à ce sujet, il y a déjà quelques mois. Le président de la confédération tunisienne de textile et de cuir, a évoqué le sujet lors d'une rencontre sur les échanges commerciaux entre les deux pays, tenue récemment à Alger : «les institutions tunisiennes avec la collaboration de son organisation patronale (UTICA), a organisé des séminaires avec des experts européens et spécialistes pour sensibiliser les opérateurs économiques et exportateurs sur ces mesures». «C'est vrai, ce sont des mesures de sécurité. Mais, on a bien appris la leçon, dans le passé, d'autant que nos produits tunisiens avaient rencontré des problèmes au niveau de l'Union européenne à propos de Reach (les produits qui contiennent des substances toxiques» a ajouté M Khalil.

La culture de la veille absente chez l'Etat

Face à l'immobilisme de leurs pouvoirs publics, les exportateurs algériens ignorent cette mesure, exceptés ceux ayant fait partie du programme Optimexport, organisé par UbiFrance. Des patrons importants qui projettent d'exporter vers l'Europe, comme Amor Benamor, manager général du groupe Benamor (pâtes alimentaires) ont fait savoir qu'ils n'étaient pas au courant «du contenu précis de cette mesure». Pour Slim Othmani Président du CA de NCA (Jus Rouiba) et membre influent au Forum des chefs d'entreprises (FCE), la responsabilité est partagée entre les pouvoirs publics et les exportateurs. «L'absence d'une véritable campagne de sensibilisation et de vulgarisation est de la responsabilité certes des pouvoirs publics qui n'ont pas joué leur rôle, mais les exportateurs doivent être à l'affut de tout ce qui se passe au niveau mondial» a t-il déclaré à Maghrebemergent.info. Du côté des experts, l'Algérie ne s'est pas du tout préparée à cette réglementation, et ce genre de campagne ne suffit pas à 48 heures avant l'application de cette mesure. C'est le point de vue de Lotfi Halfaoui, expert international: «Franchement, nos institutions n'ont pas la culture de veille. Il y a une organisation prônée par le ministère de l'Industrie et qui est censée toucher tous les ministères mais sur le terrain ça n'avance guère».