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Grosse artillerie contre une velléité de contestation

par Kharroubi Habib



Le pouvoir a eu recours à un double stratagème pour étouffer la velléité de l'opposition de faire du 24 avril, date anniversaire de la création de l'UGTA et de la nationalisation des hydrocarbures, une journée de protestation populaire contre le régime et l'exploitation du gaz de schiste. D'un côté, les autorités ont procédé à d'impressionnants déploiements de forces de l'ordre autour de tous les lieux publics où l'opposition devait tenir ses rassemblements et sit-in avec pour mission de les empêcher de se produire. De l'autre, sa clientèle syndicale et partisane s'est chargée d'organiser la claque pour les meetings officiels qu'ont animés ce même jour ses figures de proue.

Le rouleau compresseur anti-opposition a fonctionné et la démonstration de force de celle-ci n'a pas eu lieu. Moralement, toutefois, cette opposition peut légitimement prétendre, comme elle l'a fait, avoir contraint le régime à jeter le masque sous lequel il se présente, celui de son ouverture et de son respect du droit à l'expression. Du face-à-face pouvoir-opposition qui a quelque peu mouvementé hier certains endroits à travers le pays, les citoyens qu'ils soient sympathisants ou pas avec l'initiative que l'opposition a assumée, retiendront que la liberté et la démocratie dans leur pays ne sont encore que des virtualités dont le pouvoir n'est pas près d'en accepter la concrétisation.

En sortant la grosse artillerie ce 24 avril contre une opposition qu'il proclame ne pas craindre parce que coupée des citoyens et de la société algérienne, a administré la preuve qu'il n'a aucune intention de changer tant dans son autoritarisme que dans ses méthodes pour briser toute forme de contestation qui s'élève contre lui. Pour autant, l'opposition se doit de tirer le bon enseignement pour elle de sa tentative avortée de démonstration de sa force. Elle doit d'abord se garder d'en imputer la responsabilité exclusivement à l'usage de la force auquel le pouvoir a eu recours et admettre qu'il lui reste beaucoup à faire pour parvenir à créer ce nouveau rapport de force entre elle et le pouvoir qui obligerait celui-ci à l'entendre et à prendre en considération ses revendications.

Il lui faut par conséquent cerner et jauger sans complaisance ses propres faiblesses dont la perception par les citoyens est cause qu'ils refusent ou hésitent à s'engager dans le combat politique contre le régime auquel elle les invite. Qu'elle comprenne que proclamer la nécessité du changement de régime ne constitue pas un programme politique qui a forcément l'adhésion de tous les Algériens. Pour qu'il en soit ainsi, il faudrait qu'elle les convainque que les solutions qu'elle préconise pour y parvenir sont les seuls possibles. Ce que manifestement elle n'a pu encore faire de façon probante. Il lui faut pour cela rompre avec l'exercice de l'opposition salonarde ou des états-majors pour celui du contact direct avec les citoyens et la société civile et faire preuve à l'occasion d'écoute et de réceptivité pour les préoccupations et attentes qui s'exprimeront.

L'opposition politique au régime est à refonder dans ses visions et pratiques. Celle qui s'est rassemblée dans la CNLTD ou dans le Pôle des forces du changement en a incontestablement amorcé le processus. Quelle se dise néanmoins qu'elle n'est pour l'heure qu'à son début et se doit par conséquent de ne pas verser dans une surenchère de revendications et de préalable qu'elle n'a encore nullement les moyens d'imposer à un pouvoir qui bien qu'en bout de course et miné par la médiocrité de son sérail dispose encore des capacités d'avorter sa contestation.