
Entre toutes les semaines de dégoût, il se trouve une simana
du goût. Pendant quelques jours, entreprises et entrepreneurs se rassemblent
pour draguer notre palais. Du fromage au miel, du zitoune aux laitages?tout
s'expose. La semaine du goût. En ces temps de dégoût, une manifestation
pareille est la bienvenue, quoique, plus que le palais, ce sont les
porte-monnaie qui sont sollicités, et les ménagères mergou. Car, avant la
semaine du goût, d'autres manifestations sebgou. Fini le temps où les produits
essentiels étaient subventionnés, le temps où l'on pouvait se permettre de
stocker. Ces beaux jours, dergou. Finis liyam du socialisme scientifique,
spécifique, elli fique yekfique. Les enfants ne croient plus en tergou. Ni el ghoula,
d'ailleurs.
Moulana nous a gâtés. Pendant une semaine, la pluie n'a
cessé de tomber, au grand bonheur de l'agriculteur, au grand malheur des «sans
toit», au grand bonheur des services de l'Hydraulique, au grand malheur des
occupants d'immeubles menaçant ruine. Après la chaleureuse semaine du goût, ce
fut, donc, une semaine d'égouts. La pluie a débusqué toutes les tares de la
ville. Il ne se trouvait pas une ruelle, un boulevard, une avenue ou une
périphérie qui n'eussent été inondés. Des mares, des «yana marre», des flaques,
des bouchons, des routes impraticables, déroute, déviations, travaux tramway.
Tout ça à cause de regards bouchés et de responsables qui ne voient pas loin.
Si, à tout le personnel affecté au badigeonnage des trottoirs en été, il a été
donné l'ordre de nettoyer les égouts, on ne serait pas arrivé à se noyer dans
des opérations ponctuelles et coûteuses, dès que le ciel se met à pleurer la
compétence. En attendant, on organisera des journées sur l'environnement, des
colloques sur la gestion de la ville, des semaines du patrimoine?, des semaines
bien «smènes», beaucoup d'argent, beaucoup d'invités?, une manière comme une
autre de se cacher derrière son doigt. Dans notre pays, il manque le ministère
des ministères. Celui qui chapeaute tous les potes.