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La France-Afrique triomphe

par Kharroubi Habib

A Yamoussoukro en Côté d'Ivoire, le premier rôle dans la cérémonie de l'investiture du président du pays n'est pas revenu à Alassane Ouattara, intronisé en la circonstance, mais au président français Nicolas Sarkozy en qui tout le monde voyait le parrain adoubeur du nouveau chef de l'Etat ivoirien. Sarkozy jubilait sans retenue et affichait un triomphalisme ostentatoire au côté d'un Ouattara ravalé au rang de vassal reconnaissant. Le président français était le seul chef d'Etat occidental présent à la cérémonie d'investiture alors qu'ils est celui qui aurait dû ne pas être là s'il avait tenu à ce que son hôte n'apparaisse pas comme étant l'homme de l'étranger et de la France en particulier ainsi que le traitent près de la moitié du peuple ivoirien, ses adversaires politiques, beaucoup de personnalités africaines et pas mal de médias internationaux.

 Sarkozy ne s'est pas imposé cette retenue. Il lui fallait cette virée triomphaliste en Côte d'Ivoire histoire de faire comprendre au monde que dans ce pays, c'est la France qui dicte sa loi. La France-Afrique, cette politique néocoloniale, s'étalait dans toute sa morgue méprisante à Yamoussoukro. Ceux qui ont eu la naïveté de croire que l'intervention française dans la crise ivoirienne ne découlait pas de cette politique ont découvert à l'occasion le cynisme qui en fut à l'origine en regardant Sarkozy parader et pavoiser aux côtés de Ouattara.

 Le nouveau président ivoirien a promis qu'il fera la réconciliation de son peuple que la lutte fratricide entre son camp et celui de son rival Laurent Gbagbo a divisé et fait s'entretuer. Le premier geste dans cette direction qu'il aurait dû faire était de persuader le chef de l'Etat français de laisser à un autre haut responsable le soin de représenter la France à la cérémonie d'investiture. Les rôles de la France et de Sarkozy en particulier dans la crise ivoirienne ont été troubles, d'où l'émergence d'un nationalisme ivoirien franchement antifrançais que Ouattara aura du mal à gérer et ce n'est pas l'annonce par le président français à Yamoussoukro que les militaires français vont rester en Côte d'Ivoire, même après la fin de la guerre civile, qui va l'aider à calmer le sentiment antifrançais d'une moitié de ses compatriotes et par conséquent leur détermination à le combattre parce que à leurs yeux entaché de la tare d'être l'homme de la France

 Sarkozy s'est offert donc un show médiatique en Côte d'Ivoire dont il espère certainement des retombées positives pour sa cote de popularité en berne dans les sondages à une année à peine de l'élection présidentielle en France. Il va s'en offrir un autre très prochainement à Benghazi en Libye où il ira là aussi se faire reconnaître en tant que « libérateur » du pays et parrain du Conseil national de transition acquis sans équivoque à l'extension de la politique de la France-Afrique à la Libye.

 A court terme, Sarkozy et la France apparaissent comme devoir engranger du bénéficie des interventions françaises en Côte d'Ivoire et en Libye. Mais à moyen ou long terme, quand il va être avéré que ces interventions n'ont rien eu d'humanitaires et de défense de la démocratie et des libertés citoyennes, alors la France se retrouvera dans ces pays et par contagion ailleurs en très mauvaise posture, et son président rattrapé et à nouveau enfoncé par sa réputation d'homme d'Etat impulsif aux calculs politiques démesurés.