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Washington s'écarte, l'Afrique s'affirme: Un G20 sous tension multipolaire
par Salah Lakoues
Pour la première fois de son histoire, le
G20 se tient en Afrique, un fait qui transcende le simple symbole géographique.
Ce sommet à Johannesburg incarne une étape majeure dans la recomposition du
pouvoir mondial, où l'Afrique cesse d'être un simple spectateur pour devenir un
acteur à part entière d'un ordre désormais multipolaire.
Paradoxalement, cette affirmation nouvelle coïncide avec le boycott américain, qui révèle autant une fracture géopolitique qu'une remise en cause stratégique de la place traditionnelle des États-Unis sur le continent. Entre revendications africaines de souveraineté, justice économique et développement durable, ce sommet met en lumière des tensions aiguës entre un ancien ordre unipolaire et une Afrique en quête d'autonomie politique et économique. À travers l'analyse des enjeux diplomatiques autour du boycott américain, de l'agenda africain centré sur la justice internationale, et de la gestion cruciale de la dette extérieure, cette étude cherche à décrypter les mutations profondes qui façonnent la nouvelle donne africaine dans la gouvernance mondiale. Un sommet inédit dans un contexte de recomposition mondiale L'organisation du G20 par l'Afrique du Sud n'est pas qu'une coïncidence logistique. Pretoria, membre des BRICS et acteur clé de la diplomatie continentale, s'impose comme porte-voix du Sud global. Ce choix traduit la volonté d'ancrer l'Afrique au cœur des décisions mondiales, rompant avec des décennies de marginalisation. Le politologue sénégalais Djibril Gningue qualifie cet événement de rupture structurelle, où l'Afrique ne cherche plus seulement à exister diplomatiquement, mais à influencer concrètement l'ordre mondial. Le boycott des États-Unis : entre calcul stratégique et alignement politique. Officiellement, Washington justifie son absence par des désaccords politiques, notamment la plainte sud-africaine contre Israël à la CPI, et une accusation d'alignement trop prononcé sur un camp multipolaire. Plus profondément, ce boycott révèle une stratégie : les États-Unis reconnaissent la montée en puissance de l'Afrique comme acteur politique souverain, une dynamique érodant leur influence historique. Ce retrait traduit une forme de fragilité géopolitique et mise sur l'isolement des nouvelles forces africaines, tout en accélérant une transition vers un ordre multipolaire. Un agenda africain fondé sur la souveraineté, la justice internationale et la durabilité. Le G20 africain met au centre des débats la justice économique, l'égalité dans les échanges, la transformation locale des matières premières, et un développement durable. Cette nouvelle orientation défie les héritages coloniaux et les logiques néocoloniale, ouvrant la voie à une réévaluation radicale de la souveraineté économique africaine. Par la combinaison du développement, de la justice sociale et de la préservation environnementale, le sommet pose les bases d'un dialogue renouvelé avec la gouvernance économique mondiale. L'Afrique à la croisée des chemins : intégration symbolique ou co-productrice de la gouvernance mondiale ?Avec l'admission de l'Union africaine comme membre permanent du G20, l'Afrique remplace la demande d'intégration par l'exigence de copropriété des règles globales. Le message est limpide : il ne s'agit plus d'obtenir un siège, mais de peser réellement sur les décisions. L'Afrique aspire à une gouvernance démocratique mondiale où ses voix et intérêts dictent les politiques internationales. Le regard éthique et structurel du rapport demandé par le pape François sur la dette. La crise de la dette africaine illustre que le développement est menacé par une finance globale mal équilibrée. Le rapport commandé par le pape François appelle à une annulation ou à un allègement significatif de la dette, plaide pour un rôle central du FMI dans la coordination d'une réponse globalisée et propose une lecture morale soulignant que justice sociale et environnementale doivent impérativement accompagner la gestion de la dette. Absences et conséquences pratiques des divergences analytiques L'absence dans le rapport de ces critiques plus appuyées entraîne une réduction de la portée pratique des recommandations, trop consensuelles et techniques. Une réforme efficace de la dette africaine exige une approche holistique intégrant les dimensions politiques, sociales et géopolitiques pour garantir acceptabilité et impact durable. L'absence des États-Unis au sommet du G20 africain ne fragilise pas l'événement, elle illustre la force politique et symbolique d'une Afrique qui s'affirme copropriétaire des règles mondiales. En conjuguant souveraineté, justice sociale et durabilité, le continent rompt avec un passé dominé et s'impose dans un monde multipolaire. En considérant aussi bien le rapport du pape François que les analyses critiques régionales, il apparaît essentiel que les réponses financières soient accompagnées d'une volonté politique forte, d'une unité régionale renforcée et d'une réforme profonde des institutions financières internationales. Le G20 de Johannesburg constitue un point d'inflexion vers une Afrique stratège, consciente de ses acquis et prête à peser durablement dans l'ordre mondial. Le véritable défi sera désormais d'inscrire ce moment historique dans une dynamique politique et économique qui assure justice, souveraineté et développement durable sur le long terme. |
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