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Livres
L'Amour en guerre. Souvenir d'elle. Roman-Récit de Abdelkrim Ghezali. Casbah Editions, Alger 2025. 137 pages, 1.300 dinars. Le prénom en lui-même est assez significatif, portant en lui une grosse somme d'amour (de la part des parents qui le lui ont donné) mais aussi et surtout l'annonce d'un parcours de vie dominé par le courage, la persévérance, la solidarité familiale... Rebelle ? Non, seulement et surtout le désir permanent de vérité, de liberté et de justice. De plus, elle était si belle. L'Algérienne amazighe digne descendante de la Kahina et Fatma N'soumeur ! Une rebelle qui n'a pas arrêté de lutter et ce, même après 62. L'auteur de ce roman-récit n'est autre que son fils cadet qui, grâce à ce qui lui a rapporté sa maman (qui savait y faire), mais aussi grâce à ce qu'il a pu voir, entendre ou récolter comme informations, en tant que journaliste, a pu reconstituer, les parcours jalonnés certes d'amour, mais aussi de douleurs et de sacrifices. Saltana ! Orpheline de père et de mère. D'abord mariée à un cousin débile qui n'a jamais pu consommer le mariage. Puis, refusant d'être l'épouse d'un vieillard (fortuné). Enfin, convolant en justes noces avec un homme bien-aimé (qui l'a « enlevé » dans la plus pure tradition de la région). Hélas, veuve à l'âge de 26 ans, le martyr de son époux, moudjahid de la première heure, a été une tragédie pour elle. Avec quatre enfants à charge et un autre en route. Que d'obstacles ! Et, pourtant, affrontant le pouvoir absolu des mâles dans une société conservatrice et de surcroît dans une contrée perdue au milieu des montagnes loin de toute autorité, elle a osé l'impossible. A chaque fois, rebelle impénitente, n'ayant rien à perdre, mais toujours combattante, elle a tout quitté (toujours avec ses enfants, cela allait de soi), à la recherche d'un mieux-être, d'un mieux-vivre. Pour elle, pour sa philosophie de vie, pour sa famille. Elle a, en définitive, réussi. Saltana ! Une véritable princesse. Une femme et une mère-courage d'Algérie ! L'Auteur : Né en octobre 1956 dans la wilaya de Khenchela. Titulaire d'une licence de langue et littérature arabes. Enseignant puis journaliste à partir d'Octobre 1988. Extraits : « Elle s'appelle Saltana. Elle était, elle est et elle sera toujours ma reine » (p 11), « Elle aime cette terre. « Si sa croûte est dure et semble stérile, son cœur est tendre et fertile », aime-t-elle à croire » (p 14). « Elle a tout fait pour concilier son bonheur et l'honneur de la famille mais le mépris dont elle fait l'objet ne lui a pas laissé d'autre choix que d'agir pour son propre bien » (p 29), « L'enlèvement des femmes consentantes ou de force est une pratique assez courante dans l'Aurès. Les histoires des amours interdites sont légion » (pp 45-46), « Plusieurs liquidations d'innocents pour raison de règlement de compte, de vengeance, de jalousie, de lutte de pouvoir... ont jalonné les sept ans et demi de guerre d'indépendance » (p 106), « Les officiers des Sas exploitent les rivalités entre familles, entre clans, entre personnes pour attiser les rancœurs et les haines et les entretenir. Pour cela, ils sont conseillés par des sociologues qui connaissent parfaitement les structures sociales, tribales et claniques de l'Aurès et les querelles, voire les inimitiés qui opposent les différentes régions et structures. Le travail psychologique fait partie de la stratégie coloniale pour maintenir les populations indigènes sous domination et pour semer la discorde au sein des maquisards » (p 112), « Si les femmes de Qabbou n'ont pas pris les armes, elles ont néanmoins été les chevilles ouvrières de la guerre de libération et les maîtres d'œuvre de sa logistique » (p 120), « Pour ma mère, la guerre ne s'est pas terminée en 1962. Elle n'a pas déposé les armes et elle a continué le combat pour la survie, pour la vie, pour la dignité » (p 127). Avis - Plus qu'une très belle histoire d'amour, dont celui filial. On découvre une œuvre parasociologique concernant une région, une société, un pan immense de la guerre de libération nationale, des us et des coutumes... et la terre chaouie. De la sociologie rurale à la (bonne) sauce journalistique. Un roman ? Plutôt un récit qui... s'écoute. Dommage, pas mal de « coquilles » Citations : « Quand on est rempli de quelqu'un, l'amour qu'on lui porte déborde de toute part » (p 32), « Finalement, les mythes et les légendes ne sont que de l'histoire vue à travers un prisme déformant et interprétée selon les fantasmes » (p 41), « L'article de loi sur le tapage nocturne est systématiquement gelé à chaque mois du ramadan. D'ailleurs, pendant ce mois, beaucoup de lois sont mises au placard ou en berne. On tolère tout mais les gens ne se tolèrent pas entre eux, ne se supportent pas » (p 102). Les femmes combattantes dans la guerre de libération nationale (1954-1962). Ces héroïnes restées dans l'ombre. Essai de Djoudi Attoumi, Editions Rym Attoumi, El Flaye-Sidi Aich (Béjaïa), 2014, 850 dinars, 350 pages (Fiche de lecture déjà publiée en février 2019. Extraits pour rappel. Fiche complète in www.almanach-dz.com/histoire/ bibliotheque d'almanach) La guerre de libération nationale est Une. Mais son histoire est multiple et diverse. C'est, peut-être, ce qui fait sa légende et son Histoire encore incomplètement étudiée. Beaucoup reste à faire. Il est vrai que, par le passé, tout particulièrement durant les premières décennies, l'absence d'une liberté d'études et d'expression, tant au niveau de la recherche universitaire qu'au niveau des médias (tous publics, l'édition du livre y compris), n'avait pas permis une écriture totale des faits et gestes des héros, toutes les histoires de la lutte des hommes et des femmes et des enfants. Grande faille d'ailleurs ! Bien de grands et immenses acteurs de la guerre, peut-être parce qu'ils occupaient, après l'indépendance, des postes de responsabilité politique, peut-être voulaient-ils oublier on ne sait quoi, peut-être sont partis (décès) sans laisser de mémoires. D'où, cette désagréable impression d'une « histoire à répétition » que les nouvelles générations n'arrivent pas à assimiler. D'où, l'avance prise par les thèses colonialistes développées outre-Méditerranée. Heureusement qu'il y a, depuis 1990 tout particulièrement, une libération de la mémoire de l'« ancien » moudjahid. C'est le cas de Djoudi Attoumi (et de bien d'autres dont les ouvrages ont été présentés dans cette chronique) qui, cette fois-ci, s'est penché sur la participation de la femme, des femmes, de toutes les femmes à la guerre d'indépendance. Des noms, des prénoms, des pseudos... connus ou non, retenus par les stèles commémoratives ou seulement par les mémoires collectives locales ou nationales. Des milliers, des centaines de milliers. Brutalisées, violentées, exposées, traînées par les chars, emprisonnées, humiliées sur les places publiques, souvent violées (collectivement), toujours torturées, parfois brûlées vives... mais jamais découragées. L'Auteur : Licencié en droit et diplômé de l'Ecole nationale de la Santé publique de Rennes (France), l'auteur, Djoudi Attoumi (né en 1938 dans les Aït Oughlis) a rejoint les maquis au lendemain du congrès de la Soummam en 1956 pour être affecté au PC de la wilaya III auprès du Colonel Amirouche. Par la suite, plusieurs postes de responsabilité. Démobilisé (sur sa demande) en août 1962, il exerça au niveau de plusieurs postes de responsabilité dans l'Administration locale, entre autres. Auteur de plusieurs ouvrages consacrés pour la plupart à la guerre de libération nationale Extrait: « La torture qui est sujet d'actualité a été pratiquée d'une façon systématique pendant la guerre d'Algérie par l'armée française. La pratique de la torture est quelque chose de courant à tous les niveaux de l'armée française » (p 167). Avis - Très riche, trop riche en informations... Citations : « Qu'elles soient dans les maquis, dans leurs villages, dans les centres de regroupements, dans les zones interdites ou dans les centres urbains, elles (les femmes algériennes) étaient à la hauteur de leurs responsabilités et de l'amour qu'elles portent pour leur patrie » (p 9). |
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