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Attaques terroristes en Tunisie: Les objectifs cachés de Daech

par Moncef Wafi

Même s'il reconnaît avoir remporté «une bataille», le gouvernement tunisien promet une «évaluation approfondie» de son maillage sécuritaire qui n'a pas empêché une cinquantaine de djihadistes d'investir, à l'aube de ce lundi, la ville de Ben Guerdane près de la frontière libyenne. Rappelons que les autorités tunisiennes ont récemment achevé la construction d'un «système d'obstacles» sur près de la moitié des 500 km de frontière commune avec la Libye, renforçant les patrouilles terrestres et aériennes le long de cette bande frontalière.

Malgré le fait que la Tunisie est prise pour cible par les groupes terroristes «internes», c'est la première fois que des attaques sans précédent, de par leur ampleur et leur niveau de préparation, sont enregistrées.

Le nombre même des assaillants interpelle sur l'objectif de cette incursion. Le bilan définitif de ce lundi est éloquent avec 36 djihadistes, 12 membres des forces de l'ordre et sept civils tués. Le Premier ministre tunisien, Habib Essid, a précisé que, selon les données préliminaires, la majorité des assaillants tués et arrêtés étaient des Tunisiens, sans pour autant écarter la possibilité d'étrangers parmi eux. L'objectif supposé de Daech, au vu des effectifs engagés, est l'instauration d'un émirat de l'Etat islamique dans cette ville de 60.000 habitants, une tête de pont, en quelque sorte, en Tunisie ou alors une zone de repli en cas d'une intervention militaire des Occidentaux en Libye. Le président tunisien a lui-même reconnu cette hypothèse déclarant que les assaillants «avaient peut-être pour but de contrôler cette région et de proclamer une nouvelle province» au nom de Daech. Habib Essid est également partisan de ce scénario, affirmant que «le but de cette attaque était de troubler la sécurité de notre pays et établir un émirat de Daech à Ben Guerdane».

D'autres lectures évoquent une vengeance de l'EI après le raid américain du 19 février dernier contre un camp d'entraînement de Daech à Sabrata, dans l'ouest libyen, à moins de 100 km de la frontière. Au cours de cette attaque, les Américains ont annoncé la mort d'un présumé cadre opérationnel de l'EI, le Tunisien Noureddine Chouchane, auquel on impute la responsabilité des attaques du Bardo et de Sousse. Depuis, les autorités tunisiennes avaient évoqué la possible entrée sur le sol tunisien de «groupes terroristes» alors que des mouvements suspects étaient rapportés. D'ailleurs, comme indices de cette présence terroriste, les forces de sécurité à Ben Guerdane ont abattu, mercredi dernier, cinq hommes armés venus de Libye et retranchés dans une maison, et ont récupéré un arsenal d'armes dont des Kalachnikov, des ceintures explosives et des grenades artisanales. «Ce n'était qu'une question de temps et il y avait des indices forts pour que la Tunisie en soit la cible», a expliqué à l'AFP Hamza Meddeb, chercheur au centre Carnegie. Pour l'heure, la priorité tunisienne est à la vigilance et la poursuite des ratissages dans la région en cherchant à comprendre les défaillances qui ont pu survenir à un quelconque niveau. La presse tunisienne, quant à elle, titrait d'ailleurs sur «La menace des cellules dormantes».

Elle appelle à adopter une autre stratégie sécuritaire et judiciaire à la lumière de ces attaques. Hier matin, la situation était «stable» à Ben Guerdane et les autorités ont annoncé avoir saisi d'importantes quantités d'armes de guerre et des munitions. Le couvre-feu reste toujours en vigueur.