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Quand on a la tête dans 2017

par El Yazid Dib

Le débat sur la constitution est clos. Les luettes se sont estompées à ce propos. Les têtes s'installent maintenant en 2017. Les locales.

La convoitise des prochaines élections commence à engendrer des fantaisies à tous les niveaux. La délicatesse et l'apparence de civilisation qu'offre le billet du trajet  parlementaire a troublé les fêtes et détourner les têtes. Tout le monde pense pouvoir incarner le personnage du maire, du député ou du sénateur. Les élections sont ainsi à percevoir telle une voie apparemment plus aisée que celle qu'empruntent les grands commis de l'Etat. Lorsque l'on est dépourvu des attributs pouvant permettre de se coller ou d'être dans le sérail des seigneurs intellectuels mais malheureux, l'on se rabat sans scrupule, vers la voie de la cooptation et du gage ; croyant de la sorte être des messires tous chanceux. Finalement, comme la nature, la démocratie ne peut avoir exclusivement des qualités. Elle peut aussi, sinon elle produit également des délires. En fait le suffrage n'est qu'une étape et non un exercice. Et si par bonheur le poste de député, par exemple serait assujetti pour y être candidat à l'exigence de prouver d'avoir eu déjà la jouissance d'un mandat électif local ? Ainsi, dans le cadre du réaménagement de l'arsenal juridique conséquemment à la promulgation du texte constitutionnel, tant au niveau du code électoral ou d'autres législations régissant le volet ; cette possibilité ne va que consolider la représentativité populaire et lui donner plus de consistance. L'on ne peut imaginer un élu national qui a droit de regard et de parole sur les affaires de la nation entière, alors que chez lui, dans son propre douar il se peut qu'il ne soit ni connu, ni vu, ni reconnu. Ce pré requis local permettra l'immersion dans la profondeur de la controverse de la gestion communale avec ses complexités et ses multiples aspects et sera utile, tel un stage pratique pour pouvoir exercer la mission élective nationale où un certain niveau de pratique, de gestion, de contrôle et d'animation en sera nécessaire. Loin des dispositions actuelles l'élu est sensé savoir évaluer politiquement l'action de gestion d'une ville, d'une population d'une politique et enfin d'un programme. Alors, pour ce faire il ne faudrait pas être un néophyte, un bleu ou une simple « tête » de liste, mais une tête pensante et praticienne. On ne vient pas apprendre la politique à l'APN, on est sensée l'avoir apprise sur le terrain, au sien des siens, dans sa dachra. Le paysage politique après une certaine euphorie suscitée timidement par la nouvelle mouture du projet de la constitution, s'est vite tapi à l'ombre. Il ne s'exprime que par des conférences. La politique est ainsi devenue une table ronde, un communiqué ou un assemblage des voix acquises. Ce qui surgit comme insouciance collective ou désintéressement à la chose publique n'est plus un retrait beaucoup plus qu'il tend à imprimer, une position politique globale quoique non harmonisée. Une telle fièvre généralisée serait due à cette incapacité de la classe politique à faire avancer l'adhésion populaire à des programmes divers et diversifiés, s'ils ne manquaient pas de visibilité.

A voir un ou deux partis se pendre la tête dans des locomotives ou des wagons en se disputant le leadership dans un environnement qui ne prête à nul enthousiasme, c'est dire que l'intérêt est personnel. Certains césars ont forcé le destin du peuple local, brisé les volontés de leurs militants pour avoir glissé non pas en sourdine mais comme un coup de poing sur la table ; leurs agents cautionnés qui dans un comité central, qui dans un conseil national.

Ils ont pu faire prouver leur autorité acrimonieuse. Eux, ils seront toujours là où la base aurait aimé qu'ils ne le soient pas. Une simple transmutation. C'st de la sorte qu'ils vont agir sur l'échéance la plus proche en 2017 pour conforter leur pouvoir d'installer aux sièges mielleux ceux à qui ils les prédestinent.

Toujours la même ethnie politique nuageuse et grisâtre finira toujours par rapporter à un jour ou à un autre la l'éclaircie et la bonne météo. Il suffit de savoir attendre. Le vieux parti n'a pas cessé, en grossissant inutilement ses rangs de se faire saigner d'un terme à l'autre. Le FLN, à l'instar de toute autre corporation d'ailleurs ; est tenu de revoir d'abord sa géographie. La multiplicité des instances locales, l'instauration de nouvelles cartographies de commandement n'est pas à même de lui offrir le salut espéré. Il se peut qu'il continue à agir par ces méthodes alléchantes en faisant miroiter aux jeunes recrues un avenir d'installation aux premières rangées. C'est en prévision de 2017, là où encore une aubaine est à attendre par ceux-là même qui la clignotent d'un œil en se gardant vigilants d'exhiber le regard. Les locales sont déjà présentes dans le fœtus des listes qui commencent à prendre forme. Les gens se préparent déjà. Améliorent leurs statuts et enjolivent leur posture. Le positionnement stratégique disent-ils est dans la sérénité de l'expectative. Pas de bruit , toujours un sourire. Le silence et la cachoterie sont en la matière un code de conduite. Seule l'allégeance sans état d'âme ni humeur personnelle compte pour la phase primaire. Vient ensuite la densité de la fréquentation et le concours de charme à opérer aux alentours des sièges et des bureaux. C'est toute une stratégie qui doit être mise en place, telle une tactique de conquérante de territoires. L'effort à déployer afin de se faire parrainer, à peine de déni, s'oriente vers ceux qui ont la parole dans la décision, ceux qui affichent le torse en le bombant lors des réunions au sommet.

Par cet acte autoritaire d'imposition de candidature et de classement privilégié, croient-ils ainsi affirmer la puissance qu'ils gardent au sein du parti. Ils font du détournement du vœu social un service à rendre pour service rendu. Ils ne peuvent comprendre que l'acte de militer se cogite d'abord dans la construction d'une conviction chez soi, puis chez l'électeur. Le redressement répétitif opéré à grands coups futiles n'avait abouti en fait qu'à chasser les uns pour faire installer les autres. En somme les mêmes, « Les vieux réflexes » « les caciques » « les apparatchiks » et autres sinuosités iront extraire de leurs coursiers toutes les altérations pour en faire des produits à coller aux murs le jour des élections. Si, au moins ils le faisaient en inversant, à défaut de changement de personnes ; la tendance pour les faire accompagner par un renforcement de neurones.

Ni une prétentieuse réunification, ni une discipline mal accomplie et non convaincante ne suffisent rendre à un parti au corps déjà moribond toute sa noblesse. Il faudrait un traitement de choc, un renouvellement révolutionnaire à la place du slogan maladroit de la stabilité. La léthargie est justement cette intention de ne pas devoir changer les choses de peur que l'on y voit un dérangement, un dérèglement fonctionnel.

Alors, il ya suffisamment de temps pour apporter une réflexion digne de l'ère où nous vivons. Que les partis qui s'apprêtent à produire la fournée de 2017, prennent en compte l'enjeu et l'impératif d'une population en butte à moult problèmes. Ce n'est certainement pas que d'ici demain les élus seront des acteurs déterminants et dynamiques dans le tracé politique du pays. Ils resteront sans doute des attachés de cabinet, guettant pour certains le gain et pour d'autres l'opportunité. Tant que cette maturité hors dépendance n'ait à se faire prendre forme loin des cercles honnis ; l'exercice politique demeurera en éternelle prise d'otage.

C'est quand on libérera ses propres envies de ces ambitions en démesure à son profil et surélevées à sa personne que l'on saura ou non le bon port et le bon politicien. Mais avoir déjà sa tête dans un lendemain incertain et dans de telles conditions, ce n'est plus un calcul politique, c'est juste une saisie d'occasion. Et pourquoi pas, dites-vous ? Le drame.