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La «guerre» continue

par Moncef Wafi

Plus de 126 tonnes de résine de cannabis ont été saisies en Algérie en 2015. Les chiffres sont ceux de l'Office national de lutte contre la drogue et la toxicomanie (ONLCDT) qui les a rendus publics hier et témoignent de l'ampleur du fléau. La vérité de l'heure est que l'Algérie est passée d'un pays de transit à celui de consommateur de drogue. Un constat chiffré, accablant, dont les quantités saisies dans la région ouest avec près de 58% renseignent sur la provenance du kif. Le Maroc, déjà pointé du doigt par la communauté internationale, en haut du podium des pays producteurs et exportateurs de kif, reste le principal fournisseur de la drogue «algérienne».

Si l'information n'est pas véritablement un scoop, les chiffres parlent d'eux-mêmes et consacrent une véritable politique de destruction menée par Rabat. Les complicités avérées au niveau des frontières communes, la facilité déconcertante trouvée pour acheminer les tonnes de résine de cannabis de Ktama, haut lieu de production, vers l'Algérie suffisent à dénoncer les desseins du Makhzen dans une tentative de noyer le pays sous un déluge de stupéfiants. Par terre, par mer, toutes les voies sont utilisées et l'appât du gain restant le plus fort, les relais nationaux se font de plus en plus persistants. Même si les saisies sont inférieures à 2014, il n'est pas dit que la quantité passée n'est pas plus importante malgré le travail des services de sécurité.

Cette opération de déstabilisation commanditée par le Palais contribue un peu plus à impacter la vie sociale des Algériens. Les statistiques de l'ONLCDT mettent également en lumière le nombre des usagers de résine de cannabis arrêtés pendant la même période. Ces 15.817 fumeurs de joints ne reflètent certainement pas la réalité, connue de tous, de la dépendance d'une grande partie d'une jeunesse désœuvrée et désabusée qui s'accroche à un bout de «zetla» pour fuir la morosité ambiante.

Ce trafic, au-delà de sa dimension criminelle, est condamné ouvertement par Alger qui y voit une agression qui ne dit pas son nom. L'ancien ministre des Affaires étrangères, Mourad Medelci, avait évoqué cette «nouvelle guerre» à demi-mot, en juin 2013, en affirmant à propos de l'ampleur prise par le trafic de drogue que l'Algérie «est presque visée». Tayeb Belaïz, alors ministre de l'Intérieur, avait affirmé, quant à lui, que l'Algérie est en guerre contre le trafic de drogue le comparant à une nouvelle forme de terrorisme. Cette réalité des statistiques confirme si besoin est que depuis plus d'une décennie, le Maroc est en train de jouer la carte du kif pour faire pression sur l'Algérie à propos d'autres dossiers comme celui de la réouverture des frontières terrestres.