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Le divorce Cojaal - gouvernement sur l’autoroute Est-Ouest attend l’aval de la Présidence

par LYAS HALLAS

L’Agence nationale des autoroutes (ANA) se dirige vers la résiliation du contrat avec le Consortium japonais pour l’autoroute algérienne (COJAAL), en charge du lot Est de l’autoroute Est-ouest. Son sort est scellé en haut lieu, selon des sources sûres qui se sont confiées à Maghreb Emergent.

Aucun compromis n’a été trouvé entre les autorités algériennes et le Consortium japonais pour l’autoroute algérienne (COJAAL), qui réalise le lot est de l’autoroute Est-ouest. Le groupement a été destinataire de deux mises en demeure depuis le 4 juin dernier pour augmenter la cadence des travaux sur certains tançons et les relancer sur d’autres, où ils sont à l’arrêt depuis 2011. Selon une source de l’Agence nationale des autoroutes (ANA) qui s’est confié à Maghreb Emergent, l’ANA se dirige vers la résiliation de son contrat aux seuls torts de Cojaal. Le délai de huit jours qu’elle avait fixé dans sa seconde mise en demeure a expiré il y a quelques jours.

 Nos sources indiquent que le nouveau ministre des Travaux publics a reçu pour mission d’achever cet éternel chantier, laquelle mission passe par la résiliation de la relation contractuelle avec les Japonais, que les autorités algériennes savaient en manque de capacités opérationnelles depuis 2008.

 Le sort du consortium associant six entreprises (KAJIMA Corporation, chef de file, TAISEI Corporation, NISHIMATSU Construction Co. Ltd, HAZAMA Corporation, MAEDA Corporation et ITOCHU Corporation), avait été décidé en haut lieu, avant même le remaniement ministériel opéré dans la foulée de l’élection présidentielle. Finie donc l’indulgence qui avait caractérisé, par le passé, l’attitude du gouvernement vis-à-vis de COJAAL, lequel a bénéficié de beaucoup de facilités.

UNE GRANDE INDULGENCE OFFICIELLE DEPUIS 2008

Le groupement COJAAL a décroché le marché de réalisation du lot est (399 km allant de Bordj-Bou-Arreridj à Kebbouda, 30 km du chef-lieu de la wilaya d’El Tarf, près de la frontière tunisienne) pour plus de 376 milliards de dinars (près de 5,2 milliards de dollars). L’ordre de service de démarrage des travaux a été signé le 18 septembre 2006.

 Ce consortium a pu obtenir et garder ce marché grâce à une conjoncture politique favorable, la résiliation des contrats de réalisation de d’autoroute pouvant s’avérer politiquement coûteuse. Le ministre des Travaux publics de l’époque, Amar Ghoul, avait à plusieurs reprises promis, que le projet serait livré avant les délais contractuels, évoquant parfois des taux d’avancement de 70 à 80% au moment où ceux-ci ne dépassaient pas les 30%. Car la résiliation d’un contrat aussi important pour ce projet - l’un des plus importants du programme du président Bouteflika - alors qu’il s’apprêtait à briguer un troisième mandat aurait discrédité aussi bien le ministre que le chef de l’Etat.

 Pourtant, un rapport de contrôle établi en 2008 - soit trois ans avant l’expiration des délais contractuels – par le bureau d’études italien ANAS en charge du suivi des travaux, avait alerté l’Agence nationale des autoroutes, sur l’insuffisance des capacités opérationnelles du groupement nippon. Le rapport en question prévoyait déjà un retard de deux années au minimum sur les délais contractuels fixés, pour la totalité de l’ouvrage, à fin janvier 2011. Aujourd’hui, il reste à finir les tunnels de Constantine et Skikda, mais surtout, les 70 km allant du PK 329, de A?n Ben Beida (Guelma) aux frontières avec la Tunisie (camp 7).

L’ARGUMENT « TECHNIQUE » PREND LE DESSUS

L’ANA disposait de ce fait, d’assez de temps - les trois années qui restaient sur les délais contractuels, en plus des deux années de retard que prévoyait le bureau de suivi - pour résilier le contrat et engager d’autres entreprises. Mais, la conjoncture politique de l’époque ne favorisait pas une telle décision.

Après des échanges d’« amabilités », par presse interposée, entre les entrepreneurs japonais et les autorités algériennes, l’argument « technique » a fini par justifier officiellement l’incapacité opérationnelle du consortium auprès de l’opinion publique. Sommé par le maître de l’ouvrage de renforcer ses chantiers, COJAAL avait évoqué des difficultés dans l’approvisionnement des chantiers en agrégat, des lourdeurs dans les procédures de douanes et même des pressions des associations de défense de l’environnement, opposées au tracé initial qui devait traverser le parc naturel d’El Kala. Les pouvoirs publics, de leur côté, se sont chargés d’expliquer aux usagers de la route, qui attendent toujours l’ouverture des derniers tronçons à la circulation, que la difficulté de creuser des tunnels en terrain montagneux devrait retarder la livraison de l’ouvrage !