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Le sixième sens pour un sixième ciel

par Slemnia Bendaoud

La vingtième édition de la Coupe du monde de football fait du Brésil ce pays qui vise désormais ce sixième ciel, en sa qualité de quintuple détenteur de ce même trophée, aujourd'hui convoité avec un farouche acharnement et un très déterminé engagement, faute justement de grand brio, comme autrefois et jadis !

Face à la Croatie, en match d'ouverture, les ''auriverdes'' ont fait surtout preuve de ce sixième sens du but, en vue d'atteindre sans grande peine ce sixième ciel, depuis longtemps déjà convoité, manière à eux de vraiment prendre leurs distances sur ces éternels poursuivants que sont l'Italie et l'Allemagne.

Mais ce pénalty trop généreux accordé par l'arbitre de la rencontre grâce auquel le pays de la Samba devait reprendre l'avantage au tableau de marque, est venu donc un peu fausser et compliquer les données du problème pour une sélection qui ne produit plus ce beau et très spectaculaire jeu, étalé avec grand panache, il y a si longtemps encore, sur tous les terrains de jeu de la balle ronde.

N'étant que l'ombre d'elle-même, la sélection brésilienne ne fait plus vibrer les cœurs des spectateurs du monde de la balle ronde au profit de ce très beau football qu'elle savait si bien développer, là où elle se produisait et face à toutes les équipes contre lesquelles elle se mesurait et l'emportait haut la main.

A telle enseigne que beaucoup de téléspectateurs eurent esquissé en aparté, à tort ou à raison, cette osée allusion d'un probable coup de pouce quémandé auprès de cet arbitre japonais, afin de pas, dès le départ, fausser cette fête du football, sujette, par ailleurs, à ce danger des manifestations populaires, plus que présentes et bien menaçantes, même durant le déroulement de cette grandiose épreuve de show médiatique d'un très haut niveau footballistique.

Au Brésil, en cet été 2014, une fois n'est pas coutume, le moral des populations n'est désormais plus branché avec cette habituelle folie du ballon rond qui faisait hier encore vibrer de joie tout cet immense pays-continent !

Depuis déjà près d'une année, Rio comme Sao Polo et autres grandes mégapoles et très denses pôles urbains du pays du foot voient leurs socio défiler plutôt pour des revendications politiques, reléguant cette joie naguère éprouvée pour le foot au second plan, si ce n'est bien plus loin et au tout dernier plan de leurs quotidiennes préoccupations !

Du jamais vu dans l'histoire du brésil, cette nation du foot qui ne jurait autrefois que par les Dieux de ses stades et les prouesses techniques de ses grands talents d'où ils tiraient leur ivresse qui les maintenaient bien loin du champ politique, ruminant à l'envi ou à satiété ces gestes presque impossibles de ces stars en devenir, sorties tout droit des nombreux bidonvilles et autres étendus favelas.

Et nombreux sont aujourd'hui ces tout jeunes gamins qui croient vraiment que leur maintien à l'intérieur de ces ghettos et taudis ne sont que la conséquence logique de ce amour fou et démesuré manifesté à l'endroit du ballon rond ; chose contre laquelle ils se rebellent à présent que leur quotidien n'a pas depuis jamais changé d'un seul iota !

Mais qu'y-a-t-il de si changé dans l'esprit de ces brésiliens, lesquels, sans vraiment nous avertir, tournent-t-ils aujourd'hui presque tous carrément le dos au foot ? Y-a-t-il cette récurrente prise de conscience de leur condition matérielle délétère qui les pousse à vraiment exclure le foot de leur agenda quotidien ? Et pourquoi cela se manifeste-t-il justement à l'occasion de la tenue sur le sol brésilien de cette même phase finale de la coupe du monde 2014 ?

La raison est bien simple. Désormais, les brésiliens n'admettent plus que leur état faille encore et toujours dépenser sans compter ! D'ailleurs, ce fut ce ticket des transports en commun, majoré de quelques sous il y a peu de temps seulement, comme conséquence directe au réajustement de son prix public, qui était à l'origine de ce soulèvement populaire sans précédent qui créera plus tard cette grande tempête politique, non encore totalement annihilée !

Le foot, ce moyen de distraction, jadis très prisé et bien cajolé, n'est-il plus cet opium grâce auquel ce peuple de l'Amérique du Sud puisse être dorénavant longtemps gouverné ? Et si c'est bien évidement le cas au sein de ce pays où la star du ballon rond est souvent élevée au statut d'un véritable roi qu'en sera-t-il pour les autres pays du tiers-monde ou ceux dits sous-développés ?

L'Algérie sera-telle, à son tour, du jour au lendemain bel et bien concernée et à juste titre contaminée ? Les espoirs de ces algériens fondés sur ou dans ce foot de la folie seront-il à jamais ipso facto transposés au seul profit de cette politique du mieux-vivre ou mieux-être derrière laquelle courent à grande enjambée ces brésiliens qui quittent l'arène des stades pour grossir les foules qui font les rues, en brandissant leurs nombreuses revendications sociales ?

Entre le Brésil et l'Algérie, au prorata du territoire occupé et de la population enregistrée, les deux pays vivent pratiquement ces mêmes contraintes de développement qui les mettaient durant les années soixante-dix du siècle dernier côte à côte sur ce même palier des pays dits ''en voie développement''.

Depuis, ce fut ce Brésil qui a encore avancé d'un pas de géant vers l'avant, devenant ce pays émergent, alors que l'Algérie a tout simplement reculé d'un cran ! Et dire qu'avec tout cela, le brésiliens n'en sont que peu, sinon pas du tout fiers de leur pays pour en revanche, pour beaucoup d'entre eux, boycotter cette véritable fête du ballon rond !

Grace à ces grandioses manifestations de rue, le foot, au Brésil justement, est en train de revenir à sa réelle place et juste mesure au sein de la société, recouvrant ce seul territoire qui lui convient ou correspond pour ne jamais occuper illégalement ceux des autres aspects quotidiens de la vie en société.

En Algérie, ou même ailleurs dans le monde, sa future trajectoire n'en sera pas totalement différente, à mesure que la population gagnera en maturité afin qu'elle prenne bonne conscience du temps et de l'intérêt à désormais bien accorder à ce spectacle de la balle ronde, de sorte à ne jamais léser le peuple dans ses droits ou encore lui occulter tout un pan de ses préoccupations quotidiennes et citoyennes.

Enivrée par ce foot plein-les-yeux que pratiquait jusqu'alors cette sélection auriverde, l'Algérie l'est encore et toujours, cherchant par tous les moyens de singer à distance dans ses menus gestes et trophées conquis à la série ce pays de la Samba et du foot, dont juste le nom évoqué renvoyait à cette grande liesse qui accompagnait ces beaux buts marqués de fort belle manière aux plus grandes nations du monde.

Mais, à vrai dire l'histoire du foot de ce pays de la Samba avec ses légendes brésiliennes remonte à bien loin dans le temps, à ce passé sans cesse ressassé, où le Brésil accueillant alors pour la première fois de son histoire la coupe du monde sur son sol, devait lamentablement perdre le trophée en finale contre ce voisin de l'Amérique du Sud qui n'était autre que cette fort étonnante et bien impressionnante sélection uruguayenne.

Depuis lors, les larmes aux yeux à cause de cette déception jamais avalée, les joueurs brésiliens devaient tous jurer de ne plus décevoir leurs nombreux spectateurs, devenus ces fous du foot, pour leur réserver, en retour, tous ces nombreux trophées farouchement conquis et brillamment acquis sur ces nombreux continents, à la joie de tous les brésiliens et ce monde autrefois féru de ce football spectacle cher à la grande équipe du Brésil des années soixante-dix du siècle dernier et de son étoile légendaire nommée Pelé.

Il eut donc à définitivement engranger (garder à la maison) durant cette même décennie cette coupe du monde version Jules Rimet, pour avoir été le premier à trois fois la remporter devant ses principaux rivaux, en l'occurrence : la Squadra Azura (Italie) et la Manchaft (Allemagne, ex RFA).

Ainsi, à l'occasion de la tenue de cette vingtième coupe du monde, manifeste-t-il cette envie de la toujours convoiter et encore la conquérir dans sa toute nouvelle version sur son propre sol.

Seulement, la joie qui d'habitude accompagne pareil exploit n'est paradoxalement plus de mise ! Une question s'impose alors de droit : au Brésil, le foot n'est-il plus le bienvenu ou est-il juste remis dans son véritable contexte et réelle dimension ?

Apparemment, le peuple a pris sa revanche sur l'histoire du foot, pour avoir longtemps applaudi ses grandes légendes et futées stars et surtout dansé au rythme de leurs gestes techniques fabuleux qui les haranguaient et ensorcelaient jusqu'à parfois en perdre la raison !

A présent, le Brésil pense plutôt à ces choses très sérieuses de son morose quotidien dont il a depuis longtemps perdu ce sourire de les réaliser de la même manière que ces buts marqués avec l'art et la manière à ces grandes nations du monde.

Il sait que cette magnifique partie du foot a bel et bien été définitivement gagnée ! Haut la main, en plus ! Raison pour laquelle il n'admet plus que le gouvernement lui fasse jouer ces autres inutiles prolongations ! Il s'en offusque, s'en prenant à tout le monde ! Et même à l'arbitre !

Y compris celui japonais de cette même édition, venu de si loin lui jouer à hypocrite cette cour du foot dont il refuse de prendre comme autrefois une part active, persuadé qu'il risque d'y perdre inutilement encore son précieux temps !

Devant la Croatie, le grand Brésil fut tout simplement méconnaissable ! Et seul ce tout jeune mais néanmoins prodige pur produit de Neymar JR nous rappelait, juste par moments, ces grands monuments de ce jeu à onze qui aura fini par éblouir grâce à sa pure technique ces très influents Emirs Arabes du Golf, les incitant à quitter leurs cossus palais pour venir confortablement s'installer dans les tribunes des stades du monde, accordant ainsi toute leur latitude et donnant libre cours à leur progéniture d'investir même leurs gros pognons au sein de ces huppés clubs sportifs européens.

Le Brésil a-t-il pour autant définitivement divorcé avec le foot ?!

Apparemment non. Il n'est juste plus question de cet amour fou, très emballant, qui faisait naguère un peu trop dévier le peuple de sa réelle trajectoire de la vie. Tel un aveugle qui reprend accidentellement ou recouvre miraculeusement la vue, il veut se diriger vers l'essentiel, ne s'intéressant désormais plus à ces autres choses qui lui occultaient tout ce futur auquel il aspire, nanti désormais de cette très grande détermination.

Ni ces très sophistiquées techniques de la vidéo mises à l'essai pour la validation des buts suspects, ni même ces autres traceurs blancs sur le rectangle vert de ces arbitres en manque de cet art cursif et littéraire, jouant eux aussi à leur numéro sur les aires de jeu, n'encensent ces brésiliens d'aujourd'hui, plus que jamais déterminés à accrocher à leur palmarès, sur d'autres plans justement et pour d'autres priorités, les plus développées nations du monde.

Ce foot de la Samba refuse-t-il de se prostituer au profit de la politique politicienne brésilienne du moment ? Refuse-t-il finalement de se mettre au seul service de ses gouvernants ?

Simple jeu, le foot sera-t-il finalement tout simplement relégué à jamais au placard et à l'histoire de gloire d'un pays qui aura longtemps tergiversé avant de retrouver enfin sa bonne et toute nouvelle trajectoire ?

Désormais tout concourt vers cette inéluctable finalité. Très attaché à sa grande Histoire de gloire, le Brésil cherche à connaitre d'autres sensations. Des rêves encore plus sérieux !