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Le retour de manivelle

par Ahmed Farrah

« Manivelle» une jolie jeune femme très riche, au cœur charitable et sensible aux autres, les élus des dieux, mais pas aux démunis et les soumis à la servitude. Sa fortune lui vient de la succession de ses grands-parents qui furent de grands aventuriers dans des régions où les peuples ne savaient que se prosterner devant leurs saintetés marabouts érigées en maîtres des montagnes et gardiens vigiles des vallées, le rachis échiné par le poids des malheurs et les roitelets qui les privaient d'avoir la tête haute et pleine. Voyant son déclin s'amorcer et sa richesse rétrécir, consciente que ses concurrentes et rivales lui font de l'ombre qui s'étend, de plus en plus, sur elle et lui rajoute de la frilosité à sa nature hybride, elle décide malgré elle d'aller imiter son grand-père dans les contrées qui lui ont valu sa richesse, sauf qu'elle n'a pas la puissance de ses aïeux qui régnaient en seuls maîtres de ces vastes lieux. Dans ses bagages, elle prit une semence sélectionnée dans ses grands laboratoires. Des terres fertiles laissées en friche par des féodaux ne sachant qu'user leurs sujets pour de maigres moissons, conviendront très bien aux graines qu'elle envisageait de semer. Sur place, elle utilisa mille subterfuges pour en déposséder les malheureux serfs indigènes, elle leur miroitait la richesse et la liberté du corps et d'esprit et des chants de cygne qu'ils n'avaient jamais entonnés avant, beaucoup cèdent à la mélodie de sirène. Elle envoya sa flotte pour labourer le sol et semer les grains, non sans difficultés. Elle n'y est pas seule, les convoitises sont multiples. Elle aura quand même son lopin de terre pour la récolte, un tout petit, insignifiant mais fertile. Les semis génétiquement modifiés dans le sol, les conditions climatiques favorables, les engrais n'en manquent pas, la récolte n'en sera que bonne. Espère-t-elle ! Le temps passe puis les épis apparaissent bien denses et chargés de grains mais noirs. Ce ne sont pas des céréales connues, c'est du sarrasin mur pour la moisson et qui ne rappelle à ces peuples que de mauvais souvenirs, les guerres interminables, les souffrances, les malheurs et le déclin de leur royaume. Mais pourquoi diable, vous ravivez la mémoire ? On n'est plus au temps des croisades ! Vous voulez ressusciter Richard Cœur de Lion et Saladin pour se disputer la terre sainte ? Elle est déjà prise par les fils de David ! Alors pourquoi vous minez les terres environnantes de ces graines noires explosives ? Vous avez tort de croire que vos champs de blé tendre ne soient pas contaminés. Leur dissémination ne sera empêchée par aucun rempart, aucune digue et aucune frontière. Pourquoi faut-il qu'à chaque fois cela fasse des victimes à cause de vos décisions insensées, mais dictées par vos intérêts étroits pour la quête du pouvoir et son maintien. Basta, les vies humaines sont bien plus précieuses que ce que vous voulez bien nous faire croire. Cela vous touche aujourd'hui dans votre chair, vous êtes en guerre contre une chose qui n'est pas une civilisation comme vous le dites. Vous êtes en guerre contre ceux que vos alliés ont chargés de haine envers la vie. Ils vous endeuillent ! On compatit avec toutes les victimes, quelle que soient leurs origines ou la couleur de leur peau.

On ne ressent le malheur des autres que lorsque l'on est soi-même atteint. On ne se réjouit jamais de ce qui arrive à des innocents, quand on est aussi victime de l'Histoire et du présent, l'Algérie a payé un lourd tribut, elle s'en souvient. Aujourd'hui, le retour de manivelle n'est pas le pire encore, si l'on ne sème pas tout de suite la graine d'amour et du vivre ensemble au-delà de tout ce qui sépare.