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Karim Benzema : du fait divers au lynchage systémique

par Abdelhamid Boughaba *

Si les mensonges se disaient en latin, il y aurait surabondance de latinistes. (Proverbe nordique)

Peut être qu'à quelque chose malheur est bon comme l'affirme la sentence et le bon sens populaire. L'affaire BENZEMA dite de la sextape semble arriver à point nommé, pour servir de leçon, dans ce contexte politico-médiatique des plus déprimants qui sévit à l'heure actuelle en France. Agissant tel un puissant marqueur d'un racisme rampant et d'une haine sournoise qui contaminent les esprits constructifs et pollue le débat du moment.

Elle permet malheureusement, aussi et par défaut, aux erreurs de la nature de fonder leurs arguments, d'affûter leurs thèses et d'engranger des dividendes sans effort, habitués comme ils sont à moissonner les aides sociales de toutes sortes et à barboter dans une vie d'assistés permanents.

Encouragé en cela par une campagne anti-migrant des plus agressive, jamais égalée à l'approche d'une consultation nationale, cette cabale à la fois médiatique et judiciaire sert de prétexte aux esprits chagrin pour qu'ils s'autorisent à se lâcher sans justificatifs, outrageant tout ce qui rappelle la différence, l'autre, « l'étranger » fut-il français depuis plusieurs générations, ou de souche. Il suffit simplement pour mériter cela que ce dernier déclare assumer naturellement ses attributs physiques, linguistiques et culturels. Il semble que ce comportement ne s'inscrit pas dans cette pseudo « normalité » qui conforte les quelconques Dupont et les insignifiants Durand du coin dans leurs bêtises qu'ils affichent tel un titre de noblesse.

Avant d'entamer le fond du sujet, il faut reconnaitre d'abord que Karim BENZEMA, aussi star qu'il soit, n'a jamais rien fait pour se prémunir contre les dégâts collatéraux que peuvent provoquer ses vilaines fréquentations et s'affranchir définitivement de ses amitiés pourries qu'il a continué à entretenir longtemps après avoir quitté la cité de son enfance et caressé le firmament de la gloire, loin des siens. Ni la sordide affaire ZAHIA, déclenchée en 2010 qui s'est soldée par un non lieu en sa faveur, ni son flashage à plus de 250 km/h et son retrait de permis de conduire à Madrid ne lui ont suffit pour qu'il se décide à couper définitivement les ponts avec ceux qui ont concouru à sa livraison pieds et poings liés aux Services de police et de justice. Il n'a jamais compris qu'une fois là- haut, il a été placé dans le viseur permanent.

Il faut savoir que ses « amis », abonnés des BEAUMETTES ou de la SANTE, titulaires de cartes de fidélité des Maisons d'Arrêt et des Centres de Détention de France et de Navarre n'ont aucun remord ni conscience pour entrainer dans leurs chutes ceux des leurs qui ont pu s'extraire du guêpier de la Cité pour prendre ce qu'il est convenu de nommer l'ascenseur social et accéder par la force du poignet et la sueur du front, au statut de personnalité nationale de premier plan. Beaucoup plus par l'insouciante bêtise que génère tout comportement suicidaire comme cette solidarité communautaire malsaine imposée, que par le désir de nuire ou de ruiner à escient une trajectoire ascendante. Il ressort clairement donc que Karim BENZEMA qui est issu d'un milieu des plus modestes, avec un parcours scolaire des plus succincts, n'a jamais été préparé à cette nouvelle vie aux exigences autrement plus strictes que celles des quartiers. Tout indique qu'il n'a jamais pris conscience de la mesure exacte de ce que sa personne pouvait représenter au sein de la Société française. Même à son cœur défendant il était devenu le symbole d'une réussite par l'effort et le talent de toute une jeunesse issue de l'immigration, ghettoïsée dans des banlieues lugubres et stigmatisée par tout ce que la France compte de plus vachard, de plus revanchard, de plus crade. Tout agissement outrepassant la norme imposée par ce statut parasitera inéluctablement son image avec des conséquences désastreuses pour lui et sa communauté. Devenu, au même titre que d'autres talents appartenant à la foule des casquettes à l'envers, le représentant d'une jeunesse marginalisée et violentée, qualifiée de « racaille » par un homme politique usagé, lui-même fils d'immigré hongrois qui, selon son propre concept identitaire, s'auto-classe dans la colonne DU FRANÇAIS DE CONTREFAÇON , Karim aurait dû redoubler de vigilance quant au choix de ses amitiés et procédé à un tri sélectif de toutes les personnes qui gravitent autour de lui. Ceci étant un minimum parce que, de par ce qu'il représente, il n'avait plus droit aux erreurs de potaches, il ne pouvait plus décevoir, bref, il ne s'appartenait plus. L'habit peut paraître démesuré, mais ayant fait ce choix et les choses étant ainsi, il aurait du bien l'admette et s'y faire pour rester en conformité avec les exigences de la place qu'il occupe dans la hiérarchie sociale.

Ses incartades qui relèvent certes du simple fait divers, de par son statut et ses origines, sont grossies des milliers de fois pour constituer ce pain béni inattendu pour toutes ces souillures qui émargent chez Marine LEPEN en se tâtant à tout instant du jour le nombril afin de se rassurer et de retrouver leur contenance béate. Les retombées négatives de tels actes dépassent largement la propre personne de Karim et finissent inéluctablement par impacter tous ceux et toutes celles qui ont la peau basanée, qui portent des noms et des prénoms exotiques et qui prient Dieu différemment en se prosternant vers l'Est. Il est navrant cependant de constater que dans notre monde-village, à l'heure des échanges électroniques, du brassage des peuples, des langues et des cultures, dans la France d'aujourd'hui revendiquer ou assumer sa différence devient une tare insupportable et fournit un blanc-seing à ceux qui ont un os à la place du cerveau pour s'accoupler intellectuellement avec tous les Zemmour de France et leurs appendices de Navarre connus pour être des illuminés de l'extrême droite et de prétendus « Nouveaux Philosophes ».

Ces observations étant faites et toutes équivoques levées, il est d'utilité publique maintenant de transgresser le factuel pour s'intéresser aux véritables raisons qui ont commandité au déchainement médiatique qui s'en est suivi. Décoder et relever tous les non-dits sous-jacents que véhicule le traitement particulier de ce fait divers relève du Devoir de Conscience et du Civisme Républicain.

Les chaines satellitaires d'information en continue, les radios ainsi que les plus grands titres de la presse écrite ont, à la seconde même, élu domicile aux portes de la PJ et du TGI de Versailles pour émettre en boucle sur les ondes tous les clichés qui désignent la banlieue, le migrant, l'arabe : cagoule sur la tête, barbe mal rasée et encadrement policier. Rien que ça ! Plus de quarante huit heures durant, la France entière fut soumise à un bombardement médiatique malsain, avec des ouvertures de journaux et des unes à sensation ne pouvant que réveiller chez la gardienne d'immeuble de Givors, le moussaillon de Brest ou le bûcheron de Gaillac, la bête immonde qui sommeillait paisiblement en eux.

Dans quel but fut initié et pensé un tel barnum ?

La vérité il faut aller la chercher anonymement au coin du zinc d'un bistro de Province après avoir usé des coudes et épuisé son salaire pour faire parler ces retraités pénards et blancs bon teint qui iront voter demain ou après demain en hésitant entre les Balkany, Le Pen, Ciotti ou Estrosi et le Führer, le Duché, le Caudillo ou Salazar . Ce n'est pourtant pas tant le traitement de l'information par les salariés-journaleux aux ordres qui importe le plus, c'est plutôt la perception populaire de l'information par ce réceptacle bigarré composé du petit peuple de France. Et là nous sommes enclins de reconnaître que les tirs croisés ont fait terriblement mouche. Une forêt de flèches empoisonnées a germé au beau milieu de la cible et les mises de départ furent rentabilisées au delà de toute espérance.

Grégoire le charcutier et Léon le garde champêtre se sont étripés comme des chiffonniers pour savoir si Karim BENZEMA était Tunisien ou Algérien. Ils ne se sont calmés que lorsque Lucette la patronne a jailli de derrière son comptoir, ses mamelles en avant, pour les mettre en accord par sa sagesse de chiottes, que cela importait peu car de toute façon Karim BENZEMA était un arabe, musulman et la nationalité importait peu puisque c'est du kif au même. Un arabe peut en cacher un autre arabe et ressemble comme une goutte d'eau à un autre arabe. La messe est dite et certifiée conforme par cette mentalité de caniveau qui a remplacé momentanément l'esprit des lumières, ce qui était jusqu'alors une marque de fabrique typiquement Française et qui de nos jours, fut reléguée dans la réserves des oubliettes! Il est certain aussi que les échos qui remontent à la surface de toutes parts et de tous les milieux, laissent entendre unanimement que lorsqu'on venait des cités on n'avait pas le droit de gagner autant d'argent et accéder au statut de VIP quelque soit le domaine concerné. Karim BENZEMA est ainsi livré en exemple pour donner de la consistance à cette affirmation. Ceux qui se sont autoproclamés gardiens du temple assènent pour cela le fait que l'importance ou la hauteur du trône sur lequel on posera la « racaille » leur importaient peu parce qu'ils porteront toujours dans leurs gènes leurs reflexes de banlieusards irréductibles et de voyous confirmés. Décodez cela ainsi : malgré ses multiples talents, cette population « exogène » ne peut jamais être méritante et ne doit en aucun cas bénéficier de la reconnaissance de la nation. Ensuite, analysez et définissez cette «fragrance » d'égouts comme bon vous semble.

Disons-nous bien, cependant, que nous aussi nous somme dans notre plein droit de nous interroger sur le pourquoi de ce fâcheux comportement auquel Karim aurait eu recours pour aider à soutirer de l'argent à l'un de ses coéquipiers de l'équipe de France ? En avait-il vraiment besoin ? Etait-il tellement dans la dèche, lui qui engrange chaque année plus de huit (8) millions d'euros au Réal Madrid ? Un simple calcul mental indique que la rançon réclamée représente pour Karim, pas plus de cinq jours de salaire. Alors, était-il logique et sensé de s'exposer à des conséquences aussi désastreuses sans en avoir besoin de le faire ? La soumission du fait à l'examen de la raison conduit inéluctablement à une réponse mitigée.

Alors pourquoi a-t-il été victime de ce charivari?

D'abord la présence de la nébuleuse qui gravite autour de la star doit être pour beaucoup. Sa naïveté, son insouciance et sa déconnexion de la réalité du statut qu'il occupe ne sont pas à sous estimer. La jalousie, la haine et le racisme se sont chargés du reste, c'est-à-dire de la partie la plus médiatique, la partie la plus visible, la partie la plus bruyante, la plus efficiente.

Et puis il ya la particularité de ce fait divers qui porte en lui sans le vouloir une part conséquente du poids de l'histoire algéro-française et qui imprime tout action dès lors que son auteur est porteur des senteurs du bled.

Tout acte est alors affecté par l'irrationnel et est soumis à l'affect pour être passé à la moulinette et analysé à travers les aigreurs du prisme d'un divorce tumultueux entre les deux pays et qui remonte à plus d'un demi-siècle déjà........... Mais est-ce la seule raison ? ......... Et rien que cela?

Bien sûr que non... Il y a du mieux, du lourd !

Jusqu'à présent on n'a accordé aucune importance à l'objet du délit à savoir la sextape en elle-même. On ne s'intéresse qu'aux conséquences du buzz. Il est tout de même étonnant que cette pièce maîtresse du procès ne figure par au dossier. A-t-elle vraiment existait du reste? Il est tout à fait légitime de se poser la question avec insistance parce que ce n'est pas un fait anodin ou accessoire. Ensuite, une information est ouverte par la Chambre de l'Instruction du TGI de Versailles sans que l'auteur et le propriétaire de la vidéo ne soit entendu par les Services enquêteurs pour donner sa version des faits.     On est sur l'incrimination que la police judiciaire a retenue et que la justice à qualifiée. Etrange est cette posture qui laisse apparaître que l'instruction est boostée par « des fuites » distillées par des mains expertes dans le but de l'orienter dans le sens souhaité! En sourdine, émergent les reproches qui sont faits à BENZEMA pour ses prestations en équipes de France et qui seraient nettement en deçà de ses productions au Réal. Comme si l'effectif des Bleus était équivalent en talents à celui des Meringués. Il lui est également opposé de ne pas vouloir sciemment faire gagner l'Equipe de France en sa qualité de leader technique. Mais il est surtout vilipendé et « condamné au bûcher » pour son entêtement à ne pas vouloir chanter la Marseillaise.

Les initiateurs de cet épisode nauséabond étaient-ils avertis qu'en actionnant ces leviers ils allaient inciter les citoyens lambdas pour les mettre en MODE FACHO-RACISTE ?

Mais bien sûr que oui? Parce que tel est l'objectif initial !

Savaient t'ils cependant qu'ils concouraient ainsi à la mise en place de tous les ingrédients nécessaires à une explosion populaire, voire à la programmation d'un désastre en perspective? Cette observation est à méditer tout en prenant date et acte devant l'histoire au vu de ce qui se dit et se construit dans les têtes d'une partie de la classe politiques française et de quelques élus de province qui préparent dans divers coins de l'hexagone, à l'ombre de certaines officines douteuses dédiées à cette sale besogne, un apartheid en puissance qui ne dit pas encore son nom.

Au final et par delà les faits, ce qu'il faut retenir de ce tintouin c'est le message subliminal lancé anonymement à destination de cette population issue de la sphère migratoire provenant du Maghreb et d'Afrique subsaharienne.

Il lui est enjoint clairement que la promotion sociale est toujours individuelle et suppose une obéissance et une soumission totale aux puissants d'hier. Elle ne s'accommodera jamais des esprits rebelles, de ces chevaliers d'un nouveau genre qui pourraient servir d'exemple et des électrons libres dés lors qu'ils veulent s'affranchir du comportement de servitude qui caractérisait leurs ainés.

Cette jeunesse insoumise et débordante de talent en enfreignant la règle admise jusqu'alors, a décidé de dynamiter les digues, de transgresser les lignes rouges et de se battre becs et ongles pour recouvrer toute l'amplitude que propose une citoyenneté effective, une citoyenneté réelle. Elle a décidé de battre en brèche les prétentions d'un système hautement hypocrite qui dénature jusqu'au sens des mots et des concepts en faisant croire que l'application des principes d'EXCLUSION et de DISCRIMINATION, équivalaient au mieux aux concepts INTEGRATION et EGALITE DES CHANCES.

Enfin et pour conclure, comme dirai Toufik, le philosophe arabe de la Cité voisine: tout ça c'est bien mais c'est quand qu'on verra la vidéo ?

* Enseignant universitaire à la retraite-Bordeaux