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Le certificat médical de Bouteflika ?

par Kamel Daoud

ll y a quelque chose de risible, tragique et amusant dans la demande faite par des opposants pour participer aux prochaines présidentielles: Bouteflika doit fournir un certificat médical. Et c'est tout le drame du métier d'opposant assimilé dans le pays: ne pas participer au jeu, c'est disparaître ou accepter la fatalité, ou se soumettre ou se résigner. Mais participer au jeu, c'est toujours perdre car le régime triche, fraude et bourre ou joue en faisant semblant de jouer. La solution ? Dans la requête formelle: un certificat médical. Il va prouver quoi ? Rien. Que Bouteflika est malade ou en bonne santé. Cela ne mène à rien. Le certificat médical est le document le plus falsifié de l'Algérie, après la fiche communale et avant la fiche de paie. Le socialisme en a fait une photocopieuse et le peuple un acte de résistance à l'effort ou à la chaleur. C'est le document de la complaisance, celui qui coûte 200 DA à l'émission et quelques milliards de dollars à l'économie algérienne. Bouteflika, les siens, ses frères et neveux peuvent en fournir autant qu'ils veulent. Signés par les plus éminents qui deviendront sénateurs ou les plus anonymes.

Les opposants assimilés sont donc coincés, comme nous. Que faire contre un mort qui nous enterre ? Les plus sages disent d'attendre: la biologie est meilleure que la politique et le goutte-à-goutte plus efficace que l'occupation de la rue. Les autres vont participer: un régime est à la fois d'une solidité incroyable mais peut tomber en deux semaines. D'autres concluent qu'il ne sert à rien de s'agiter: le peuple mange bien, encaisse gras et rembourse peu, il ne fera donc pas de politique. Il votera à l'odeur de la cuisine et pas aux cris des discours. Et il y aura encore et encore des naïfs qui vont y croire et qui vont croire qu'ils ont un destin et pas seulement un CV.

Et c'est pourquoi cette histoire de certificat médical est risible. Et aussi cette histoire d'opposants qui demandent qu'on ne touche pas à la Constitution. Faux débats puisque le régime a déjà décidé de ne pas palper le texte et de laisser le livret de famille là où il est. C'est presque à croire qu'on fait exprès d'orienter le débat vers la paille et l'analyse vers la salle d'attente. Rions donc de notre malchance. A chaque fois que l'on croit que le régime va s'écrouler, il saute dans les airs, retombe, se relève et rajeunit et reste et persiste et résiste: il a été sauvé par le 11 septembre, par la pluie, par la hausse du prix du pétrole et par l'échec des révolutions «arabes». Le certificat médical de Bouteflika est une pièce administrative inutile: vous en avez besoin pour avoir un permis, un emploi, une mutation, un abonnement pour la natation mais pas pour être Président. On le sait tous. Sauf les plus idiots ou qui jouent à l'être.