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Rio? sans grand brio !

par Slemnia Bendaoud

Bravo? ! Un grand bravo ! Un grand bravo à tous ces braves joueurs qui auront su nous procurer cette formidable liesse et immense allégresse, en nous qualifiant pour la phase finale de la Coupe du monde 2014 !

Rio était tout à l'heure à juste quatre-vingt-dix minutes. Mais, à présent, le Brésil est devenu une destination sûre, un projet utile et un voyage certain. Rio accueillera donc, l'été prochain, notre sélection de football, où flottera bien haut l'emblème national, à côté des étendards des autres pays qualifiés dont le pays-hôte.

Un grand pas vient d'être franchi. Mais tout un long et tortueux chemin reste encore à parcourir, à jalonner de succès, à marquer de notre empreinte. L'équipe nationale de football nous a ouvert une nouvelle page, nous promenant dans ce rêve merveilleux et continu qui nous fait perdre la raison.

Le succès en ce matche retour des barrages fut certes, très difficile à obtenir mais très précieux tout de même, acquis, faut-il encore le rappeler, par la plus petite des marges. Contrairement à son habitude, le coach bosniaque avait complètement chamboulé son effectif ; on y voyait donc cette crainte très visible qu'il affichait de prendre des buts.

On savait qu'il allait toucher aux défenseurs latéraux, mais on ne pensait guère que cela concernerait également le gardien de buts et le milieu de terrain de la sélection nationale, mis à part le pourvoi à l'absence de Guedioura, pour cause de cumuls de cartons jaunes.

Et bien, pour une fois, il aura vraiment osé. Et quels changements ?! Il aura mis de côté un véritable maestro de la trempe d'un maitre à jouer nommé Saphir Taider, portant le nombre des joueurs remplacés à cinq éléments. Et pas des moindres.

On sentait déjà que l'entraineur national voulait à tout prix marquer ce but libérateur, mais bien plus que cela, il cherchait surtout à ne pas en prendre, sachant que le groupe burkinabé était très habile devant les buts, à l'image de Petroipa, Traoré et autres Bancé?

On le savait adepte des grands gabarits, et ça s'est vérifié, de nouveau cette fois-ci, contre le Burkina Faso, au regard de leur impressionnante morphologie, façon de jouer et surtout organisation tactique sur le terrain.

Seul le latéral gauche stéphanois faisait exception à cette règle dans laquelle il excelle et se révèle durant toutes les rencontres qu'il avait livrées avec l'Algérie, du banc de sa barre technique.

Cependant, le foudroyant gaucher doit encore sa présence sur le terrain grâce à sa formidable prestation avec son club, mais aussi en raison de sa grande habilité sur les centres en cordeau et les balles arrêtées, vu que l'autre canonnier était lui suspendu.

On avait comme cette impression que Wahid Halilodzitch craignait plus pour sa défense que pour l'attaque de sa sélection, ne pouvant vraiment dissimuler sa peur terrible de ne pouvoir contrer les remuants attaquants de l'équipe adverse.

Sa tete était donc vraiment en jeu, celle de tous les algériens également. Il aura surtout fait preuve de cette extrême prudence défensive, sachant pertinemment que son attaque pouvait aussi marquer à n'importe quel moment de la rencontre.

Ce matche, à très grande importance pour les deux formations, capital en tout point de vue, était plus que prévisible qu'il allait surtout se jouer sur un plan purement tactique, vu que seul le résultat positif de la rencontre était primordial, étant, par ailleurs, le seul objectif.

On cherchait tous après ce réalisme, au dépens, bien sûr, de la manière de jouer, du spectacle à fournir, de la façon la plus appropriée d'aborder le match ou de véritablement essayer de le contourner intelligemment dans ses œuvres. Le matche en question devait donc se jouer sur deux plans et en deux mi-temps très distinctes : le première était d'ordre psychologique, tandis que la seconde avait plus un caractère purement tactique.

Mentalement donc, les deux teams étaient restés toujours à égalité parfaite durant toute la rencontre : en témoigne d'ailleurs la maitrise de leur sang-froid, de leurs nerfs et de leur positionnement, fair-play et évolution sur le terrain des opérations.

Tactiquement, cette autre égalité au score n'aura duré qu'une seule mi-temps, le temps que l'Algérie retrouve ses marques et les filets des buts adverses, dès leur retour des vestiaires, suite au sermon de leur entraineur et de la véritable frousse qui s'est emparée de tout son monde.

Le Burkina Faso aura réussi à faire vraiment douter l'Algérie durant près de cinquante bonnes minutes, avant que Madjid Bouguerra ne vienne libérer tout son monde sur une balle arrêtée, au passage bien bottée par le tout jeune prodige stéphanois, suppléant pour l'occasion Feghouli, peu inspiré, et Guedioura, absent pour suspension automatique.

Mais dès la 4ème de la reprise, l'Algérie menait déjà à la marque grâce à un but confus, brouillant, mais bien valide, au regard probablement de son caractère plutôt assez surprenant. Du coup, la hantise et l'anxiété du premier half se transformèrent en ce frisson permanent, très présent et bien puissant à tout moment.

Rio devenait, à la fois, si proche et si loin en même temps. On ne cessait donc de jeter, de temps à autre, ces regards inquiets en direction de l'horloge, mais le minutes, elles encore, comme un nouvel adversaire, s'étiraient à l'allure des siècles ; le temps refusait par moment de s'égrener, de carrément bouger, les aiguilles de nos montres étaient restées bien figées telles deux petites flèches immobiles?

Il fallait donc tenir le coup pour encore plus de quarante bonnes et très longues minutes, ce qui devait laisser penser à certains qu'on était allé très tôt vers les buts adverses, même après avoir tiré toute une mi-temps sans avoir pour autant marqué le moindre but.

Mais, à mesure que les minutes s'écoulaient lentes, trop longues certes, sans le moindre danger apparent ou menaçant, toutes donc à l'avantage de la sélection algérienne, Rio nous saluait de si loin, de sa magnifique baie, avec son sourie narquois, rieur, un peu trop risqué, que l'on soupçonnait un brin moqueur, un tantinet trahissant, un peu trop confiant jusqu'à nous faire douter de notre bien réelle émotion.

On était tous désemparés de notre sort, accordant bien plus de crédit au seul temps imparti qui restait à jouer qu'à cet adversaire, pourtant bien en jambes, en chair et os, qui nous tenait vraiment tète et la dragée haute sur le terrain de jeu.

Le temps nous semblait, en dépit de toute cette longue et harassante attente qui nous épuisait, bien favorable, n'était cette balle assassine qui ricochera sur la transversale à quelques deux minutes seulement de la fin de la rencontre, nous réveillant de notre rêve superbe, à moitié déjà largement consommé.

Hafid Derradji, la voix nouée, le souffle exténué, l'air absent, criait à tue-tête à tous ceux qui avaient encore les oreilles tendues en sa direction : ?'Brave transversale, je vous dis merci ! L'Algérie, toute entière vous remercie !''. Et pourtant, ce fut le poteau droit du keeper algérien qui renvoyait miraculeusement un malencontreux dégagement de Hillal Soudani.

On l'avait vraiment échappé belle. La secousse fut donc de très forte intensité, à l'image du grand bruit qu'elle aura sur le coup provoqué tout à fait en haut de la toiture de la cage des buts que gardait l'autre nouveau arrivé ou ancien revenu Mohammed Zemamouche qui avait remplacé au pied levé l'habituel titulaire Rai M'Bolhi.

Le matche en lui-même fut lourd à avaler, très lourd aussi à supporter, en particulier après le but algérien, vu qu'on craignait le retour à tout moment dans la rencontre de l'équipe adverse qui commençait par davantage développer un jeu direct, très appliqué et bien performant, arrivant à combiner et à enchainer de sérieuses actions de but.

Aussi, par intermittence, Rio nous saluait bien haut, nous chuchotant quelques mots de loin, nous jetant dans l'air et dans le vent qui nous enveloppait ces sérieux avertissements qui nous donnaient froid dans le dos.

Nombreux étaient donc ces téléspectateurs qui restaient vraiment dans l'expectative, ne sachant plus s'il fallait continuer à suivre attentivement les derniers moments du matche ou alors s'éloigner définitivement de l'écran de la télévision et attendre encore ce moment de la délivrance de tout le peuple algérien qui n'allait pas tarder.

Le choix était donc des plus difficiles à faire, à l'image de cet hypothétique résultat favorable qu'il fallait à tout prix conserver.

De derrière cette très haute montagne qui l'enserre et lui sert justement de véritable haie naturelle et de paravent sous l'auvent duquel la ville aura appris à s'y abriter, nous vint tel un salvateur rai de lumière ce signal libérateur dont l'arbitre de la rencontre, Badara Siné, sut à son tour l'envelopper de son coup de sifflet final.

Et là, Rio, tout à l'heure rieur, nous fit finalement ce signe encourageant d'avancer vers lui, nous compostant enfin notre ticket d'accès. On savait dès lors, que notre place au Mondial brésilien était désormais bel et bien réservée.

Le ticket, à présent, définitivement en poche, il faut désormais se tourner vers l'avenir de notre sélection nationale. L'équipe cafouille encore, et pour preuve, elle vient de marquer son unique but sur un des plus confus cafouillages, œuvre, comme toujours de cette rage de vaincre d'un autre défenseur, cette fois-ci encore, capitaine d'équipe pour l'occasion.

Comme à Oum Derman, en 209, contre l'Egypte, Madjid Bouguerra aura su à merveille imiter son compatriote et ancien co-équipier Yahia, ce vrai Antar des pharaons. Le but de 2013 fut certes, moins beau que celui du Soudan, mais surtout suffisant pour nous qualifier au Mondial brésilien.

Sans grand brio, les verts seront, l'été prochain, à Rio. Novembre aura toujours été un mois de combats pour les algériens, mais surtout un mois de succès, de victoires, de triomphe et de confirmation?

Nous aurions tous aimé nous qualifier avec ce grand brio comme en 2009, mais là, malheureusement, notre sélection aura vraiment manqué de vrai culot. Elle n'avait pas suffisamment osé, et ne pouvait donc, par conséquent, espérer mieux que ce but tiré par les cheveux qui venait de nous tirer de notre sérieux embarras !

A défaut de talent, nos joueurs ont su garder et faire usage cette utile dose de courage qui les propulse au firmament des grandes nations du football. La victoire fut celle du courage, des tripes des joueurs algériens.

Très chanceux, les joueurs algériens étaient également très courageux. L'équipe semblait avoir joué avec cette grande pression sur les épaules, ne pouvant la dégager, qui aurait pu lui jouer un bien mauvais tour. A un à zéro, nous n'étions pas encore entré dans le matche. Ce n'est que ce coup de sifflet final libérateur qui a remis tout le monde à la bonne raison des choses.

L'équipe est donc à refaire. Nous nous devons de réinventer notre beau football. Rio sera bien différent. Malgré la victoire, notre beau football était le grand absent ! A l'emporte-pièce, nous gardons encore notre place parmi les ténors du football mondial ! Pour combien de temps encore ?!

On eut droit à ce mélange de douleur, de suspense, de frayeur, d'anxiété de grande joie qui nous aura brouillé toutes nos cartes. Et c'est surtout le courage, la résistance et la chance qui auront finalement pris le dessus.

Rio ? On y est déjà ! Mais à quel titre ?