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La France dans le collimateur de la crise!

par Kamal Guerroua

En seulement 18 mois du quinquennat socialiste après une éclipse de 16 ans à la magistrature suprême, l'évidence se dessine peu à peu, l'actuel locataire de l'Élysée bat le record de l'impopularité de tous les présidents de la Ve République. Sous tension, l'Hexagone sombre dans le tourbillon de la crise.

Du scandale Cahuzac (le célèbre ministre du budget et de finances pris en flagrant délit de fraude fiscale et de mensonge public) à l'affaire de Leonarda, cette adolescente Rom de 15 ans expulsée manu militari au Kosovo le 09 octobre dernier avec sa famille, «un fait divers» national qui n'a pas manqué au demeurant de mettre en émoi les collectifs de lycéens et le camp socialiste en divisant notamment ce dernier entre pro et contre-expulsion jusqu'à l'arbitrage télévisé de Hollande du 19 octobre, rejeté en bloc par la lycéenne en passant bien sûr par «l'écotaxe» qui a suscité la grogne de ces fameux «bonnets rouges» de la région Bretonne, la gauche majoritaire au pouvoir en France vit au rythme des couacs, des différends et des dissonances.

En effet, à l'origine de ses remous se trouve le pari de la croissance, fil d'Ariane de la politique gouvernementale, lequel semble être battu en brèche d'autant que juguler le déficit budgétaire et la dette publique hexagonale dans le contexte de la crise mondiale est on ne peut plus synonyme d'un plan d'austérité en bonne et due forme, option que Hollande avait balayée du revers de la main dès sa campagne électorale pour les présidentielles de mai 2012. Son slogan tonitruant «le changement c'est maintenant» et sa réputation acquise de «président normal» lui ont valu au début une grande estime populaire qu'il a su consolider par la suite avec son intervention en chef guerrier au nord du Mali en janvier 2013 (la fameuse opération serval) afin de déloger les islamistes d'A.Q.M.I et rétablir l'ordre au Sahel, zone d'influence considérée traditionnellement comme point de mire des officiels de l'Élysée. Aussi, l'empressement de Hollande à «punir» Al-Assad et intervenir en Syrie pour l'usage de l'arme chimique contre des populations civiles au mois d'août dernier au côté de l'Oncle Sam a fait remonter un moment sa côte de popularité (cependant dans ce dernier cas de figure l'opinion publique française est, contexte islamiste du printemps arabe oblige, nettement sceptique, voire en net désaccord avec le choix militaire de leur chef). Néanmoins, même si sur le plan économique Hollande n'a ménagé aucun effort pour soutenir mordicus «la stratégie de la croissance» dans les sommets européens devant la chancelière allemande Angela Merkel, dubitative et très peu engagée dans cette voie et qu'une telle option a été accueillie favorablement et massivement par l'électorat de gauche et la population française en général, les tares et les incohérences n'ont nullement tardé à voir le jour. Car, face à un État très dépensier et pourvoyeur des prestations sociales comme la France, lequel ne trouve pas encore des vertus à la compétitivité et dont l'axe général est tracé par des politiques aussi dirigistes que chauvines encadrées par le modèle-idéal de welfare state (État-providence), la perspective de la croissance ne saurait, sans de fortes doses d'austérité, qu'être fatale vu qu'elle n'est pas à même de boucher le trou de la sécurité sociale, endiguer la dette publique et créer de l'emploi.

De même, dans une zone euro en pleine effervescence, la croissance est porteuse de tant de risques, la faillite grecque et le cauchemar chypriote, l'instabilité de l'Italie, l'Espagne et le Portugal sont là pour apporter la preuve que «l'effet domino» fait son petit bonhomme de chemin et que le syndrome de «la contagion négative» n'est plus à écarter si des restrictions financières et des mesures drastiques sur le plan social ne sont pas mises en pratique, ce qui exige, à vrai dire, un minimum de sacrifice citoyen et de concessions patronales et ouvrières. Or, comme réaction première aux réformes de la gauche, le front social en France est en ébullition (ras-le-bol fiscal des

riches et déception de la classe moyenne), à preuve que même les festivités du 11 novembre en commémoration de la grande guerre (1914-1918) ont été émaillées d'incidents, Hollande lui-même a été conspué, un grave précédent dans l'histoire de la république que même le camp adverse (la droite» a fortement critiqué! Le citoyen français qu'on dit «râleur» ne désarme pas, les manifestations se multiplient, le pays se place sur le cratère d'un volcan. De la gestion par les hautes sphères de ce «turmoil», une certaine impression de lenteur et d'incompétence s'en dégage, la gauche hollandiste a un goût d'ersatz, ni l'imposition des riches à raison de 75% sur les fortunes qui dépassent 1 million d'euros, laquelle a soulevé d'ailleurs un tollé ni l'augmentation des impôts des grands clubs sportifs, encore moins la réduction symbolique des dépenses publiques (notamment sur les salaires des ministres et des hauts fonctionnaires lancée au tout début du mandat de Hollande comme incipit du grand changement), lesquelles forment plus de 57% du produit intérieur brut (voir le courrier international n° 1201 du 07 au 13 novembre 2013) n'ont eu les effets apaisants escomptés.

En outre, la suppression in extremis de l'écotaxe (taxe sur les poids lourds, plus de 4% d'augmentation), le 29 octobre dernier a donné au large public hexagonal une image peu flatteuse de la gestion du premier ministre Jean-Marc Ayraut et a surtout ravivé l'ire des Verts, très à cheval sur les questions environnementales en rapport avec l'écologie, lesquels voient dans la volte-face de l'exécutif une forme d'indécision, de faiblesse et de manque de fermeté. Le grand problème reste éminemment la montée fulgurante du racisme qui, invisible jusque-là, a atteint à présent les symboles officiels de l'État. Ainsi, Christiane Taubira, la garde des sceaux a publiquement été traitée de «guenon» par une militante d'extrême droite, puis l'injure raciste s'est relayée, en dépit des marques de sympathie exprimées de la part de toute la classe politique, par des manifestants du «anti-mariage pour tous» et même reprise par la manchette d'un journal d'extrême droite qui, toute honte bue, a banalisé la formule raciste sous un aspect plus satirique et blessant.

Il est fort certain que ce sont les reculades et les mauvais pas à gauche qui ont amplement provoquéce «repli nationaliste» dont le parti de Marine le Pen, la leader du front national (F.N) serait le principal bénéficiaire au moment où les chamailleries et les rififis dans la famille de gauche ne se laissent pas deviner. Comme effet naturel, Marine le Pen compte caracoler en tête dans les municipales de mars 2014 et les européennes de mai. D'ici là, Hollande qui dispose d'une marge de manoeuvre, du reste très restreinte, pour remonter la pente et regagner la confiance de l'électorat devrait faire des pieds et des mains au risque de voir le parti socialiste contraint de subir une cuisante défaite électorale, prélude à une probable dissolution de l'assemblée nationale et l'organisation d'élections législatives anticipées pouvant déboucher, si tant est que l'impasse actuelle persiste, sur la victoire de la droite et la formation d'un gouvernement de cohabitation. Une situation qui, bien qu'allège le fardeau de la responsabilité, serait ingérable et bloquerait les grands chantiers du président vu la divergence de vue (gauche-droite) et surtout en raison de l'ampleur de la crise qui frappe la France et partant toute l'Europe ! Autrement, si tel scénario ne verrait pas le jour, dans le pire des cas, l'actuel président serait acculé, s'il veut bien sûr garder la majorité à l'assemblée, faire le dos rond aux critiques qui émanent même de son propre camp politique tout en sacrifiant l'échéance de 2017! Chose qui à moyen terme le privera de la solidarité gouvernementale et à long terme de la perspective d'être réélu. Mais le président Hollande coincé au moment actuel entre l'enclume de la crise économique (mondiale et en zone euro) et le marteau de la colère citoyenne finirait-il par redorer son blason? A cet effet, beaucoup de voix crient à gauche pour un remaniement gouvernemental, beaucoup de têtes sont pressenties pour le poste, Aubry, la maire de Lille, Valls, l'actuel ministre de l'intérieur dont le taux de popularité devance de loin celui de Hollande, Fabius aussi, le ministre des affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, de la défense mais aucune de ses grosses pointures n'a officiellement été évoquée par l'Élysée, silence radio ou stratégie de suspens, l'avenir en dévoilera le secret, sans doute! Il est pour le moins plausible de conclure que Hollande est dans une phase de temporisation afin, paraît-il, de mieux sonder les tenants et les aboutissants la situation et agir en temps opportun. Somme toute, Hollande a hérité d'une situation économique pour le moins catastrophique, la valse et l'hésitation droite-gauche sur les dossiers sensibles tels que l'immigration, la sécurité, la justice et l'économie n'a fait que donner naissance à une profonde crispation dans la politique française de ces dernières années!.