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Gouvernance territoriale, un enjeu majeur

par Abdelkader Khelil *

La pratique d'une gouvernance territoriale appropriée est sans aucun doute la meilleure manière pour l'Etat d'exprimer sa volonté, quant à la recherche d'une proximité sans cesse renouvelée avec la population. C'est aussi une forme de manifestation dictée par le souci de préservation de l'intégrité territoriale. C'est donc à travers cette détermination que les citoyens pourront mesurer à leur juste valeur les efforts déployés par l'Etat en leur direction.

1ère partie

Oui ! C'est peut-être pour cette raison, que pour ce qui concerne la France, Napoléon 1er avait décrété, dès 1804, une organisation territoriale en départements de taille modeste, afin de permettre à tout administré de se rendre au chef lieu en une journée maximum, c'est-à-dire, environ moins d'une heure avec les moyens modernes de locomotion d'aujourd'hui. Il faut dire que dans ce pays, l'on ne badine pas avec le respect du citoyen, dès lors que les urnes sont là pour rappeler aux élus, la crainte d'une sanction ! C'est pourquoi, le système français d'organisation de l'administration territoriale est inspiré depuis déjà bien longtemps, par cette devise qui consiste à dire : « qu'on peut gouverner de loin, mais on n'administre bien, que de près ». Cela veut dire, que le préposé au service public est un authentique commis de l'Etat, dont la raison est d'être au plus près des citoyens.

Cet intérêt porté à l'acte de servir au mieux la population, est souligné de façon éloquente par cette circulaire adressait aux préfets, par Théodore STEEG alors Ministre de l'intérieur en 1920, en leur disant en préambule : « Vous aurez à cœur de simplifier, d'assouplir, d'accélérer le jeu des rouages administratifs et d'épargner à vos administrés la multiplication irritante de démarches stériles ».

N'est-ce pas là, la meilleure expression de cette volonté à vouloir mettre l'administration au service des citoyens ! Cela devrait être une source d'inspiration pour nos walis, pour nos chefs de dairas et pour nos présidents d'APC, dont les actions gagneraient en crédibilité tout en soulageant quelque peu de leur stress au quotidien, nos concitoyens exaspérés par les méfaits d'une bureaucratie pesante.

C'est pourquoi, dans la perspective de relations apaisées entre l'administration locale et les citoyens, comme chaque fois promis, la notion de proximité est tellement importante, que l'on doit constamment chercher à savoir s'il n'y a pas chez nous, des situations de vide territorial de nature à constituer un risque latent, induit par l'éloignement des services publics au regard de l'immensité de notre pays. Cette défaillance est à combler au plus vite, puisqu'il est attendu des pouvoirs publics une juste application du principe de l'égalité des chances. C'est là de nos jours, une question d'actualité des plus pertinentes, qu'on doit se poser, afin de se prémunir des dangers potentiels et de l'agitation ambiante, observée auprès de nos frontières, sans pour autant verser dans une sorte de phobie.

Il faut juste commencer par interroger le territoire quant à l'état d'encadrement de son peuplement, afin de déceler comme à travers un miroir, d'éventuelles disparités et d'apprendre de la sorte, à anticiper ce type de situation préjudiciable à la cohésion sociale, sans laquelle il est à craindre une démission de nos concitoyens, lorsqu'il s'agira de les mobiliser, si cela s'avérait être un jour nécessaire.

ÉTAT D'OCCUPATION DU TERRITOIRE

Pour mieux nous situer par rapport à d'autres pays pour ce qui concerne la question de la gouvernance territoriale, il est impératif d'établir des comparaisons avec non seulement nos voisins immédiats, mais aussi, avec quelques pays européens, sur la base de la taille moyenne des communes.

De tous ces pays, c'est l'Algérie qui dispose du ratio moyen (Km2 par commune) le plus élevé. Mais peut-on dire pour autant, que notre pays est le plus sous-encadré administrativement ? Rien n'est moins sûr, si l'on examine cette question selon les différentes strates territoriales, à savoir : les régions du Nord, les régions Hauts-Plateaux et celles du Sud.

Avec un ratio moyen de 105 Km2 par commune, l'on peut estimer que comparativement aux ratios des autres pays, le réseau communal des régions du Nord est relativement dense, voire pratiquement dans la norme européenne pour ce qui concerne : Alger, Boumerdès, Tizi-Ouzou, Tipaza, Blida, Bejaia, Mostaganem, Oran et Ain-Témouchent. C'est dire, que l'encadrement des populations peut être considéré au plan infrastructurel, comme correct à ce niveau.

RÉGIONS DU NORD

Dans le cas de ces régions intérieures et à l'exception des Wilayas de Sétif, de Bordj-Bou-Arréridj et de Tissemsilt, le ratio moyen de 670 Km2 par commune semble indiquer un net sous-encadrement des populations par rapport à celles des régions du Nord et même, par rapport à celles de pays comme : le Maroc et la Tunisie.

RÉGIONS SUD

A l'exception de Biskra, la taille des communes reste excessivement élevée dans les régions du Sud et particulièrement pour les Wilayas de : Tindouf, Tamanrasset et Illizi. Pour mieux souligner l'ampleur du vide territorial à l'échelle de ces régions, il importe de préciser que la taille moyenne d'une commune représente dans le cas de la wilaya de Tindouf, 67 fois la superficie de la wilaya d'Alger, 2 fois la superficie de la Suisse et 2,6 fois celle de la Belgique.

Dans le cas de Tamanrasset, cette taille est 47 fois supérieure à la superficie de la wilaya d'Alger, 1,3 fois à celle de la Suisse et 1,8 fois à celle de la Belgique. Pour ce qui concerne la wilaya d'Illizi, la taille moyenne de la commune représente 40 fois la superficie de la wilaya d'Alger, 1,5 fois celle de la Belgique et est égale, à celle de la Suisse. Cela veut dire que là aussi, il n'y a pas photo ! C'est no comment comme on dit !

ENCADREMENT ADMINISTRATIF DES POPULATIONS : QUELS ENSEIGNEMENTS !

Ce qu'il convient de retenir tout d'abord des expériences d'encadrement administratif des populations dans des pays européens tels que la France ou la Suisse, considérés comme des « champions » de la proximité et de l'adhésion citoyenne, c'est que la gestion adéquate du service public est synonyme de démultiplication des municipalités, ces chevilles ouvrières de la République, ces bâtisseurs des Nations modernes. Mais jusqu'où doit-on croire que cette densification communale, dans un pays comme le notre 3,7 fois plus grand que la France et 6,6 fois plus grand que l'Allemagne, soit la réponse idoine à la galère de nos concitoyens ? Même si les solutions sont à nuancer en fonction de chacune des trois strates territoriales, il n'en demeure pas moins, que force est de constater que nos collectivités restent malheureusement confinées dans une gouvernance territoriale, qui repose plus sur l'entité wilaya qui concentre généralement, l'essentiel de ses efforts plus sur son chef lieu et à un degré moindre sur ceux des daïras, que sur le reste des autres communes.

A suivre...

* Professeur