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Une coalition anti-Etat islamique, pour quels objectifs ?

par Kharroubi Habib

Constatant que les frappes aériennes auxquelles procède l'aviation américaine contre les djihadistes de l'Etat islamique et les fournitures d'armement qu'octroient les puissances européennes à l'armée de Baghdad et aux peshmergas kurdes n'ont pas radicalement retourné la situation militaire à l'avantage de ces derniers, Barack Obama a été contraint à réfléchir à une nouvelle forme d'engagement de son pays pour enrayer la progression de l'Etat islamique.

Après beaucoup d'hésitations et de tâtonnements qui lui ont été férocement reprochés en Amérique et par les alliés de son pays les plus immédiatement menacés et effrayés par l'extension du « khalifat islamique » que les forces régulières irakiennes et kurdes ne parviennent pas à enrayer, le président américain a finalement opté pour bâtir une coalition militaire internationale ayant les capacités au défi posé à la communauté internationale par l'Etat islamique qui dépasse en barbarie toutes les autres organisations islamo-terroristes sévissant dans le monde. Cette option, Obama l'a retenue parce qu'elle présente l'avantage de lui permettre de contourner l'obstacle de l'opposition de l'opinion américaine à une intervention militaire unilatérale du pays, en Irak ou ailleurs.

Il ne lui a pas été difficile de la faire adopter par les Etats membres de l'OTAN au sommet de l'organisation qui vient de se tenir au pays de Galles en Grande-Bretagne. Le président américain et son secrétaire d'Etat John Kerry visent néanmoins à procurer à cette coalition une composante qui ne soit pas uniquement ni même majoritairement OTAN ou occidentale. Kerry se charge donc d'y enrôler le maximum de pays arabo-musulmans, dont la participation serait destinée à lui éviter d'être perçue comme construite dans le but de lancer une « croisade » contre l'Islam et les musulmans. Les pétromonarchies du Moyen-Orient qui se sentent les plus sous la menace de l'Etat islamique devraient en principe intégrer avec enthousiasme la coalition. Ce qu'elles semblent pourtant réticentes à faire par peur d'apparaître aux yeux de leurs opinions nationales (formatées par elles à être favorables à tout groupe islamiste dont la doctrine s'inspire du wahhabisme et à ne pas être heurtées par les atrocités qu'ils commettent en l'appliquant) comme soumises à l'influence et aux ordres de l'Occident. Kerry a reçu mandat de faire pression sur elles pour qu'elles renoncent à l'ambiguïté de leur position sur le sujet et en général sur ce qui a trait au terrorisme qui se pratique sous l'invocation de la « fidélité » aux préceptes de l'Islam.

Mais tout en approuvant le principe qu'il faut en finir avec cette aberration qu'est le « khalifat islamique » que les barbares djihadistes de l'EI tentent d'instaurer durablement, l'initiative américaine requiert méfiance et vigilance tant les Occidentaux ont braqué contre eux le monde arabo-musulman par le cynisme qu'ils mettent à prendre prétexte d'une situation dans sa sphère pour s'y engager en ne prenant en considération que la préservation et le renforcement de leurs intérêts nationaux. Quitte pour cela à pratiquer le mensonge, la désinformation et la manipulation.

C'est pourquoi, sans rejeter le principe d'une coalition internationale contre l'Etat islamique, l'on est dubitatif sur celle que montent les Etats-Unis tant qu'elle n'aura pas été clairement placée sous l'égide des Nations unies. Lesquelles doivent être seules habilitées à lui prescrire ses objectifs et empêcher qu'elle ne serve des desseins occidentaux ne s'arrêtant pas aux seuls défaite et démantèlement de l'organisation terroriste de l'Etat islamique.