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Un vaccin contre l'épidémie routière !

par Cherif Ali

Chaque année, des milliers de braves gens mettent la main à leur portefeuille ; un sourire de satisfaction aux lèvres, ils alignent les liasses de billets qui vont faire d'eux les propriétaires, heureux, d'un véhicule à moteur, neuf ou d'occasion.

Chaque année aussi et avec la même régularité, un certain nombre de ces braves gens est tué dans des accidents de la circulation ; d'autres personnes, sans relation directe avec eux, décèdent des mêmes causes. Ce sont des piétons, des passagers, des voyageurs innocents, bref tous ceux qui n'ont pas demandé à être là, au mauvais moment, les enfants notamment. L'hécatombe est si constante, si régulière, qu'on ne peut la comparer qu'aux grandes épidémies historiques ou aux catastrophes naturelles.

PETIT RAPPEL DES ACCIDENTS DE LA ROUTE

Aux origines de l'épidémie, appelons-la comme cela, il est bon de rappeler que les deux premiers morts sur la route ont été enregistrés en Angleterre en 1896. Aux Etats-Unis, la série s'ouvre en 1899, la même année qu'en France, lors de la fameuse course Paris-Madrid au cours de laquelle une Renault se distingue en dépassant le 100 km à l'heure. Ensuite, le crescendo a été rapide, surtout après la Seconde Guerre mondiale. L'Europe se met à l'heure américaine. L'automobile reçoit la mission d'être à la pointe de l'industrialisation. Les Etats-Unis, au fait de leur puissance, dénombrent 35 000 à 40 000 morts par an sur leurs routes. L'Europe n'est pas en reste avec des centaines de milliers de victimes.

LES ACCIDENTS EN ALGERIE, PAR LES CHIFFRES

En Algérie, les chiffres sont effarants à telle enseigne que certains n'ont pas hésité à parler de " l'entrée de notre pays dans le quatuor des pays les plus touchés par cette épidémie " !

En 1985, l'Algérie qui comptait entre 25 à 30 millions d'habitants et 1,7 millions de véhicules a déploré 4134 morts.

En 2013, avec 40 millions d'habitants et plus de 8 millions de véhicules, l'on déplore 4454 morts ! Peut-on parler pour autant de " stabilité des chiffres ", comme le font certains experts au ministère des Transports et d'ailleurs !

La route tue chez nous, faut-il le savoir, 15 personnes chaque jour !

Cette catastrophe, annuellement, reconduite fait perdre à la collectivité nationale quelques 100 milliards de dinars, soit le prix d'une dizaine d'Airbus.

Il faut savoir, aussi, que 35% des accidents surviennent sur les routes à grande circulation et 20% sur les autres routes.

Le fléau a pris une telle ampleur, qu'aujourd'hui les pouvoirs publics donnent l'impression d'être incapables de l'endiguer, se limitant à publier des bilans et des chiffres froids qui ne semblent pas impacter sur l'opinion publique, encore moins sur les automobilistes, parmi les plus jeunes et les plus âgés, dès lors qu'on impute la majorité des accidents à ces deux catégories de conducteurs.

LA PLUPART DES ACCIDENTS SONT LE RESULTAT D'UN CONCOURS DE CIRCONSTANCES :

L'état de la route, celui du véhicule y sont parfois pour quelque chose. Mais, presque toujours le doigt accusateur finit par être pointé vers l'homme : 80% des accidents lui sont imputés !

LA REACTION DU LEGISLATEUR NE S'EST PAS FAIT ATTENDRE :

durcissement du code de la route

vitesse réduite, port de la ceinture de sécurité obligatoire, contrôle d'alcoolémie etc?

permis à points

RESULTAT DE CETTE BATTERIE DE MESURES :

La route est toujours dangereuse et continue à faire des victimes ; la route, mais pas seulement puisqu'on meurt aussi dans les centres urbains et au centre ville où la vitesse est pourtant, drastiquement, limitée.

En effet, les victimes sont ramassées et dans la route et dans les centres urbains. Aussi, serait-il intéressant d'affiner encore plus les statistiques pour décortiquer les accidents, en situant ceux survenus sur les routes nationales, les chemins de wilaya et les chemins communaux, soit l'ensemble des accidents survenus en dehors des zones urbaines et pouvoir affirmer, ensuite, que les accidents sont plus meurtriers (ou pas) dans ou en dehors des agglomérations.

Ensuite, année après année :

1. pouvoir dire que tel mois de l'année est plus dangereux (sur la base de l'examen des constats passés)

2. mettre à jour un graphique illustrant une irrésistible montée des accidents pendant telle saison, pendant le printemps par exemple, ou le mois du ramadhan, puis juillet-août passés, on enregistre peut-être une lente descente jusqu'en janvier.

3. prouver ensuite que tout recommence l'année suivante.

4. que les mois les moins meurtriers, par exemple, sont ceux où il se produit, par exemple, le moins d'accidents, novembre ou février, (ou d'autres mois).

5. dire que l'hiver tue plus que l'été (ou vice- versa)

6. qu'au fil des semaines, le lundi et le mardi sont calmes, tandis que tout s'emballe à partir du jeudi pour aboutir à l'hécatombe du week-end.

7. et les heures dangereuses ? Les connaît-on ? Rouler " tranquillement " la nuit pour revenir du week-end. Une hérésie, selon les médecins, qui affirment pendant des années que la nuit est faite pour dormir et non pas pour travailler, encore moins pour rouler sur les routes. Pour ces derniers d'ailleurs, l'heure dangereuse se situe entre 4 h et 6 h du matin.

8. et la vitesse, pour sûr, c'est un facteur aggravant ! Pour ceux qui en raffolent, qu'ils sachent que sur le même tronçon de 100 kilomètres, celui qui roule à 140 km/heure ne prendra que 6 minutes d'avance sur celui qui roulait à 110 km !

EXPLICATION DE L'HECATOMBE

Des chiffres communiqués par les services compétents, il ressort que l'explication de l'hécatombe n'a pas été suffisamment fournie, ou très superficiellement alors. La cause immédiate d'un accident est constituée par un comportement infractionnel. Celui-ci résulte généralement de l'ignorance des règles, de déficiences physiques, psychiques ou techniques (au sens de la maîtrise des techniques de conduite), d'erreurs ou de fautes délibérément commises. Et l'expérience prouve qu'en réduisant le nombre des comportements infractionnels on réduit le nombre des accidents auxquels ils sont liés.

QUID DES COMPORTEMENTS INFRACTIONNELS :

n l'influence de l'alcool est déterminée à partir du résultat positif par alcootest, et il reste inférieur, puisque le dépistage ne peut être effectué sur les personnes tuées ou celles grièvement blessées

n les accidents ne sont donc pas " accidentels ". S'il y en a autant, c'est que trop de conducteurs ne respectent pas le code de la route.

n la récidive est aussi à prendre en compte car elle devient la règle en matière de non respect du code de la route ; pour l'histoire, James Dean, le célèbre acteur américain, a été verbalisé pour un excès de vitesse dans un premier temps, pour mourir quelques minutes plus tard, dans son bolide lancé en pleine course !

n vitesse, alcool, fatigue, donc non-respect de la loi sont les principales causes de l'hécatombe sur les routes.

n et dans une autre proportion (si elle pouvait être chiffrée) l'état des routes et de la chaussée et la vétusté mécanique

COMMENT REAGIR ?

1. par le durcissement du code de la route,

2. par la présence de caméras

3. par la multiplication des radars

4. par le fonctionnement permanent des commissions de wilaya compétentes ? Sans doute, dès lors que c'est le " facteur homme" qui est en cause

5. par le recensement des points noirs et l'entrée en application du contrôle technique ? A condition de rendre accessibles tous les centres en question et d'en garantir la fiabilité.

6. rendre l'examen du permis de conduire plus difficile ? l'assortir d'une attestation et d'un brevet de sécurité routière, comme en France, par exemple ; peut-être, mais ce serait au détriment des catégories sociales les plus défavorisées, celles où l'on apprend le moins facilement, et celles qui habitent les zones rurales ou les banlieues éloignées où l'on ne peut se déplacer sans voiture.

7. former les futurs conducteurs dès l'école ou le lycée ? Encore faut-il doter la DGSN et la gendarmerie de moyens et d'équipements conséquents pour leur permettre d'assurer cette " éducation routière ". Il est bon de rappeler, à ce propos que la loi 87/09 dans son article 21 parle de l'introduction de la prévention routière dans le système éducatif ; seulement, les textes d'application n'ont pas suivi !

8. demander aux autoécoles d'être plus performantes, peut-être ! Intervenir pour les mettre aux normes, sûrement, quand on sait que parmi elles, il y en a qui ne disposent même pas, par exemple, d'engins lourds et qui acceptent, pourtant, de prendre des candidats s'apprêtant à passer leur permis de semi-remorques, ce n'est pas normal ! Il faut dire aussi que les autoécoles qui sont accusées d'avoir une part de responsabilité sur la hausse du nombre d'accidents, ont tenu à faire une mise au point, pour dire, que c'est les " examinateurs " qui délivrent les permis de conduire et non pas leur établissement !

9. renforcer les campagnes de prévention routière, donner davantage d'informations sur l'état des routes, les meilleurs itinéraires, les heures les moins chargées ? Ce n'est pas inutile !

10. convaincre les automobilistes qu'ils ont entre les mains des équipements dangereux, des armes à destruction massive et non pas des jouets ? C'est entrer en conflit avec les campagnes publicitaires de l'industrie automobile, en général, et les concessionnaires, en particulier.

11. interdire l'entrée sur notre sol des véhicules " low-cost " !

12. augmenter les parkings, intervenir sur les malfaçons des tronçons routiers, mettre des " dos-d'âne " partout, encourager le cabotage et les dessertes maritimes, ainsi que les liaisons ferroviaires, assortir le retrait du permis à une obligation de le repasser.

13. penser à mettre en œuvre une circulation alternée, choquer et frapper les esprits par l'exposition des carcasses de véhicules accidentés, comme en Europe, pourquoi pas ?

En fait, il ne s'agit là que de petites potions.

Le vrai remède pour agir sur le " facteur homme " et enrayer l'épidémie routière est le vaccin. Il suffit de l'administrer. C'est le respect de la loi, la peur du juge, du policier et du gendarme qui donnent à réfléchir.

Une présence nombreuse, franche et dissuasive sur les routes, en recourant aux leurres s'il le faut, comme en Occident, pour pallier le manque d'effectifs, avant le virage et non pas dans le virage, à l'entrée des villages pour faire ralentir et non pas au milieu pour verbaliser, sur les lignes droites et les routes nationales, en patrouilles fréquentes et visibles pour faire respecter le code de la route, voilà déjà des mesures à généraliser !

Et à la porte des complexes hôteliers, à la sortie des restaurants, la seule présence, de temps à autre, d'un véhicule de police ou de gendarmerie, n'empêcherait-elle pas les conducteurs imbibés de se mettre au volant ?

Laisser faire les irresponsables, c'est inciter les sages à faire à leur tour n'importe quoi.

En définitive, le vaccin en tant que tel contre les accidents de la route n'existe pas, bien sûr, et tout le monde l'aura compris !

En revanche, pour endiguer l'épidémie qui est bien réelle et si régulière qu'on ne peut la comparer qu'aux grandes épidémies historiques ou aux catastrophes naturelles, il n'y a qu'un seul remède : la " tolérance zéro " à tous ces " terroristes de la route " et leurs protecteurs, qui leur procurent le fameux " carton rose " sans coup férir, qui interviennent pour qu'on leur restitue leur permis qui leur a été, à juste titre, retiré, qui intercèdent pour " faire sauter " leurs contraventions et amendes, ou plus encore, pour leur éviter la prison !