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La mort de Kadhafi : entre vrais soulagements et faux optimisme

par Kharroubi Habib

La mort officiellement confirmée avant-hier jeudi du leader libyen déchu Muammar El-Kadhafi devrait, selon le porte-parole du Conseil national de transition, «mettre fin au bain de sang et au martyre de la jeunesse du pays». Pour sa part, le chef de l'exécutif de ce même CNT a déclaré que l'évènement rend possible «la proclamation de la libération totale de la Libye».

 Les principaux dirigeants occidentaux ont salué la nouvelle avec le même ton d'optimisme. Le président américain Barack Obama a ainsi estimé que la mort de Kadhafi «marque la fin d'un chapitre long et douloureux pour les habitants de la Libye, qui ont désormais une chance de pouvoir déterminer leur propre destin dans une Libye nouvelle et démocratique». Pour le chef de l'Etat français Nicolas Sarkozy, cette disparition «est une étape majeure pour la reconstruction de la Libye avec l'ouverture d'une page nouvelle, celle de la réconciliation dans l'unité et la liberté».

 Il ne fait aucun doute que la mort de Muammar Kadhafi est un tournant majeur dans la crise libyenne. Il est possible en effet que cesse la résistance armée au nouveau pouvoir symbolisé par le Conseil national de transition, dont, vivant, le leader déchu a été l'âme et l'organisateur. Mais il faudrait pour cela que les nouvelles autorités libyennes démontrent que Muammar Kadhafi éliminé, leur préoccupation majeure est maintenant de faire la réconciliation des Libyens et non la vengeance. Toute la question est donc de savoir si le Conseil national de transition est en mesure de faire prévaloir cette option et de l'imposer à l'hétéroclite composante de la rébellion. Au cas où il n'y parviendrait pas, il faut s'attendre à ce que les partisans armés de l'ex-dictateur ne rendent pas les armes et continueront à faire le coup de feu contre les forces du CNT. C'est pourquoi, il faut se garder de trop d'optimisme et voir dans la liquidation de Kadhafi la fin du conflit militaire et du cauchemar qu'il en résulte pour le peuple libyen. La mort violente du leader libyen déchu était prévisible pour plusieurs raisons. Sa liquidation, plutôt que son arrestation, a été voulue par beaucoup de monde en Libye mais aussi dans de nombreuses chancelleries étrangères. Son arrestation supposait qu'il soit traduit en justice pour rendre compte des crimes dont sa dictature de quarante-deux années a été fertile. Mais un procès pourrait donner lieu à de compromettantes révélations pour les nouveaux maîtres du pouvoir en Libye et pour des sponsors étrangers de la rébellion anti-Kadhafi. Sa liquidation violente et sans autre forme de procès a été sans nul doute concertée et décidée entre ces acteurs intéressés à sa disparition brutale. Ils sont soulagés de n'avoir plus à craindre les révélations que Kadhafi n'aurait pas hésité à rendre publiques.

 Il n'y aura pas beaucoup de monde pour déplorer la fin violente de l'ex-dictateur libyen. Il n'empêche que ceux qui l'ont provoquée ont visé sciemment à priver le peuple libyen de l'opportunité de connaître au-delà de la responsabilité personnelle de Kadhafi dans le cauchemar qu'ils ont vécu pendant quarante-deux ans, la part prise à celui-ci par de nombreux éléments qui sont dans le nouveau pouvoir libyen et les puissances étrangères qui ont «volé à leur secours». Cette zone d'ombre que l'on s'empresse à vouloir protéger ne va pas faciliter l'œuvre de réconciliation en Libye, à supposer qu'il va être essayé de la concrétiser.