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Les réformes encore et toujours

par Abdou B.

«Nos vrais ennemis sont en nous-mêmes». Bossuet

Des secousses de grande violence agitent le Yemen, la Tunisie, la Syrie, la Lybie, l'Egypte et par cercles concentriques interpellent le Maroc, l'Algérie et les pays africains qui refusent de se démocratiser.

Le roi Mohamed VI, avec beaucoup de finesse avance des réformes, propose un équilibre des pouvoirs et demande à l'opposition de contrôler le gouvernement, lui concédant ainsi un statut de contre-pouvoir et celui d'une éventuelle alternance. Le roi se réserve d'être au dessus des appareils, semble jouer le jeu, s'attire les bonnes grâces de l'Occident. N'est-il pas en train de faire jonction avec des revendications profondes des populations qui n'entendent pas forcément renverser la monarchie qui serait, éventuellement, capable d'imiter celles de grands pays nordiques, l'Espagne, l'Angleterre, Monaco, le Japon ? Les choses ne resteront pas en l'état dans les pays du Maghreb. La Tunisie peut devenir une république moderne ou une copie toute petite de l'Iran qui a d'autres atouts pour rester encore islamique. La Lybie, le Yemen, la Syrie peuvent tomber à droite ou à gauche et il apparaît difficile d'avancer un pronostic à moins d'être dans le secret des maîtres du monde. Ces derniers n'oublient pas l'Algérie, observent à pas de loup les évolutions dans un pays qui n'est pas aussi stable derrière les apparences, un matelas de devises et de dinars que n'a aucun pays du Maghreb.

M. Bouteflika indique le sens qu'il donne à des réformes tout simplement vitales, incontournables sous peine de connaître des explosions tempérées par une aisance financière, et pour le moment différées par la prudence qui caractérise les citoyens encore marqués par un passé récent, des stigmates encore à vif. Et justement, il n'est plus le temps de faire échec aux avancées et aux ouvertures prônées par le chef de l'Etat. La majorité présidentielle ne l'est plus tellement. Ses déchirures internes sont béantes et les appétits s'aiguisent selon la marge de manœuvre, la ruse et les alliances à faire pour chacune de sa composante. On les voit venir de loin sans avoir une pensée, dans les partis, au gouvernement, pour la jeunesse, le développement, la situation plus qu'explosive au Maghreb et la nécessité absolue de bâtir des consensus, des compromis entre eux et avec l'opposition et la société.

Le calvaire des cancéreux, le terrorisme qui frappe chaque jour, le délitement du système éducatif et de l'université, le statut de la femme, la complémentarité entre les secteurs, privé et public, les libertés d'expression et de création, l'ouverture sur le siècle et sur le monde, sont bel et bien des «tâches d'édification nationale». Mais ce n'est pas ce que pensent les partis du pays. La majorité règle ses comptes selon les chiffres escomptés pour les prochaines législatives, et fait joujou avec les lois initiées par M. Bouteflika, surtout pour draguer des suffrages islamistes, réactionnaires autour de la représentativité du genre féminin, de la friperie, de la création d'un marché de l'immobilier avec la cession ou pas des logements aidés par l'Etat? De fait, des courants au sein de la majorité se dissocient du premier magistrat pour brouiller les cartes et aller allégrement vers une aventure selon des modèles montrés chaque jour sur toutes les TV du monde.

L'opposition, ou plutôt les oppositions offrent elles aussi un paysage atomisé dans lequel surnagent des chefs immuables comme pour la majorité. Cherchez la différence, là où il est question du nombre et la durée des mandats présidentiels, de l'alternance et des ouvertures vers les jeunes et la société entière ! l'Urbanisme, l'écologie, le civisme dès la crèche, la propreté des rues et des cités, la disparition de toute vie nocturne, la place implacable de la culture, du sport féminin, de la mixité dont les vertus ont été démontrées scientifiquement dans le monde, font consensus entre l'opposition et la majorité. Tous ces paramètres sont tus, évités, marginalisés par toute la classe politique. Celle-ci fera mine d'être surprise par les taux d'abstention futurs. Les uns justifieront la désertion des électeurs par des subterfuges d'enfants attardés. Les autres trouveront des «explications» aux antipodes des sentiments populaires. On reprendra sans doute, les mêmes pour les mêmes résultats catastrophiques pour la gouvernance, la démocratie et le développement. Si les électeurs sont absents, qui va légitimer les uns et les autres, à parts forcément inégales ? Rien ni personne.

Est-ce pour autant que l'histoire soit figée ? Est-ce pour autant que les luttes, les émeutes, les grèves, les suicides et le chômage vont disparaître ? Non bien sûr. Un jour, le geste de trop, une balle perdue, une parole irresponsable peuvent mettre le feu aux poudres. Les Algériens ne le veulent pas, les élites et la jeunesse ne le demandent pas. La solution est évidente : des réformes profondes, la participation de tous, des consensus négociés éviteront bien des malheurs. Les uns diront la constituante, les autres diront le patriotisme. Nous disons simplement une réconciliation nationale à parfaire autour d'une table, au moment où des associations, des syndicats, des chercheurs retrouvent des vertus aux lois et réformes des années 90. Parfois, revisiter le passé a du sens.