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Money is money, la malédiction

par Mimi Massiva

On assiste de nos jours à une malvie généralisée. Tous les pays souffrent de la dette : nantis ou démunis. Pourtant, il n'y a pas si longtemps, cette épée de Damoclès ne concernait que les tiers-mondistes. L'ogresse s'est retournée contre ses propres enfants. Dans son livre, l'Empire de la Honte, Jean Ziegler écrivait qu'en 2006, l'aide publique au développement fournie par les pays riches aux 122 pays pauvres s'élevait à 54 milliards de dollars et en cette même année, ces derniers enrichissaient les banques du Nord de 501 milliards de dollars grâce au service de la dette. On voit que la dette a commencé par appauvrir le pauvre pour enrichir le riche avant de devenir pour tous une vraie boite de Pandore. La mondialisation s'est avéré une arnaque pour la majorité et une aubaine pour la minorité qui l'a imposée. Elle a poussé au suicide le paysan en France qui ne pouvait concurrencer le prix des produits venus d'ailleurs. En Chine, aux Indes?, la monopolisation et la multinationalisation ont dépossédé les gens de leur terre, pollué l'eau, dévoyé le microcrédit au point où le désespoir la honte mènent au «hara-kiri». En Afrique, la décolonisation a porté un coup fatal à l'agriculture, c'est le sous-sol qui réserve «la carotte» aux classes dirigeantes vouant les peuples à la guerre civile ou aux camps humanitaires. «Aujourd'hui, la mondialisation, ça ne marche pas. Ça ne marche pas pour les pauvres du monde. Ça ne marche pas pour l'environnement. Ça ne marche pas pour la stabilité de l'économie mondiale.» (Joseph E. Stiglitz, prix Nobel de l'économie).

 Il y a 50 ans, 400 millions de personnes étaient sous-alimentés, maintenant ils avoisinent le milliard. Cet IIIème millénaire qui aurait dû apporter le droit au bonheur pour toute l'humanité inscrit dans la Déclaration Universelle par Franklin et Jefferson, est devenu le droit au malheur. Même l'économie américaine est en déroute, en lambeaux affirme l'économiste Robert C. Lieberman (Foreign Affairs 2011). Réveil en plein cauchemar. Jamais même durant la Grande Dépression de 1929 les pays occidentaux n'ont connu un tel taux de chômage d'inégalités de paupérisation de la société. Les historiens disent que le ver était déjà dans le fruit quand la révolution française avait décapité ses utopistes pour ne garder que ses gourous. Deux années après mai 68, le mouvement contestataire s'essoufflait pour se laisser infiltrer.

En 1970, les politiciens se sont accoquinés aux riches pour leur livrer les commandes et prendre en otage la masse qui est censée élire les premiers et bosser pour les seconds. C'est les banquiers qui ont payé la campagne d'Obama, pour Sarkozy entre les riches amis et les mallettes africaines, on a le choix. Hélas ce genre de «bienfaiteur» n'est pas la Mère Theresa, il ne met la main à l'une de ses poches que s'il est sûr d'alourdir les deux. Comment dans une démocratie qui se respecte on a laissé l'élection du premier magistrat conditionné au nombre de billets récoltés ? A l'ère de l'internet, des communications spatiales, de la vulgarisation des téléphones et autres gadgets sophistiqués, un simple débat télévisé et un clic sur clavier auraient suffit pour désigner le favori au prix d'un sandwich au maximum. Un Gandhi, un Franklin pauvre sans parti ne sera jamais élu de nos jours. Marx sur son lit de mort disait qu'il faudrait plusieurs siècles pour dissoudre le couple maudit de l'esclave et du maitre. En 2000 on estimait que le président français coûtait à la République deux fois plus cher que le roi guillotiné au 17eme siècle afin que les «gueux» accèdent au pouvoir et se partagent ses richesses. En 2006, 500 sociétés capitalistes privées (industrie, commerce, services, banques) contrôlaient 52% du produit mondial brut et avec la crise économique, il faudra diminuer le premier nombre et augmenter le second. A la tête de ces empires, on imagine ces PDG dont la puissance n'a jamais été égalée par aucun pharaon roi empereur dans l'histoire de l'humanité. Dans son livre Les Bâtards de Voltaire, John Saul écrivait: «Georges Bush, et avant lui Ronald Reagan, parlaient de marchés libres avant de parler d'hommes libres?le fossé séparant l'illusion capitaliste de sa réalité est désormais si profonde que les praticiens et les autorités civiles ont du mal à prendre des décisions économiques censées. Le problème commence avec l'équation démocratie- capitalisme. L'idée de faire marcher la démocratie et le capitalisme n'est qu'une merveilleuse plaisanterie marxienne? Ni l'histoire ni la philosophie n'associent marchés libres et hommes libres. Ils n'ont guère en commun que ce qu'autorisent des hasards de temps ou de lieu».

Dans ce monde de communication, la vraie information est tenue à l'écart du peuple qui est sommé de payer les erreurs de ses apprentis sorciers sans protester. Les scandales politiques ont remplacé les scandales des peoples avec une immunité stalinienne. Et la drogue, la délinquance, le terrorisme, la prostitution,? deviennent la soupape de sécurité d'un nombre de plus en plus grand d'individus et de plus en plus jeunes au point où on pense les repérer à la maternelle. L'ONU dépense plus argent pour faire la guerre au terrorisme que lutter contre la misère qui le génère (l'Afghanistan, le Soudan, la Somalie?) Les maladies d'un autre âge reviennent. Pour contrer le médicament générique, les loups de l'industrie pharmaceutique réinjectent la même formule dans une boite de forme et de couleur différente. Leur imagination est en panne pour inventer du nouveau mais leur besoin en argent est abyssal. Un vaccin contre le sida est-il plus «sournois»que le vaccin de la rage inventé par un seul homme, Pasteur, il y a 126 ans. On estime que sur les 8000 médicaments en circulation seuls 500, les plus anciens, sont efficaces, les autres au mieux des placebos au pire du poison. On a fait du progrès, on dépense de l'argent, mais dans des domaines plus rentables comme les cosmétiques la chirurgie esthétique les produits amincissants aphrodisiaques les gadgets informatiques les armes. L'industrie des armes est si florissante qu'il a suffit de 100 jours pour massacrer 800.000 à 1 million de femmes, nourrissons, enfants, adolescents, hommes tutsis en présence des casques bleus onusiennes armés jusqu'aux dents. De 1993 à 1994, Ziegler affirme que la Chine a livré au régime de Kigali 500.000 machettes payées sur crédit français et ce macabre commerce n'a pas cessé quand le génocide a commencé. La science ne protège plus comme avant, elle a fini par faire de la figuration en l'icone, une mercenaire entre les mains de politiciens qui ne connaissent que l'éthique de leurs intérêts. Partout l'écart se creuse entre le sommet et la base sans aucune logique que la «mode» du moment. Un footballeur gagne en un mois ce qu'un savant gagne en une année. Qu'importe si le rendement diminue avec l'augmentation des zéros de la fiche de paie. Faire bosser un milliardaire à l'or coincé dans les jambes non dans le cerveau, ce n'est pas facile. D'après les Nations unies, deux milliards de personnes sont victimes du hidden hunger, la faim invisible, la malnutrition, carences en sels minéraux en vitamines qui causent des maladies graves comme l'anémie la cécité le rachitisme. Sur les 122 pays pauvres, 80% de la population souffrent de malnutrition. On estime que sur les 62 millions de personnes qui meurent à peu prés chaque année sur la planète, la faim la malnutrition tue plus que la moitié et le FMI (le front monétaire international) se montre toujours allergique aux subventions des aliments indispensables pour les rendre plus accessibles aux pauvres. Ce qui fait dire à Ziegler que l'esclave met le genou en terre chaque fois qu'il accepte une lettre d'intention du FMI.

 Au Japon, la dernière catastrophe aurait pu être évitée si ce pays n'a pas régressé dans la qualité de ses dirigeants. Il n'avait pas besoin de centrale nucléaire et il était capable de tous les sacrifices pour construire des digues contre les tsunamis mais ses premiers ministres n'avaient plus la sagesse nippone pour éviter de se laisser «monnayer». Chez nous, en 62 il existait des plans antisismiques pour El Asnam, les failles étaient connues depuis longtemps. Les tremblements de terre de Chlef, de Boumerdes ont fait des milliers de victimes alors qu'ils auraient dû être de quelques dizaines au maximum. Les responsables ont boudé les constructions antisismiques jugées plus coûteuses et ont détourné l'argent donné par un fond arabe pour un laboratoire d'études dans ce domaine. Au Bangladesh, les inondations sont régulières, elles font parfois des centaines de milliers de victimes, le responsable, deux fleuves à endiguer mais l'argent va ailleurs sans parler du poids écrasant de la dette... L'argent-roi a des ramifications illimitées maffieuses puisque dénuées de toute moralité.

Devant l'ampleur du chômage, le cumul des fonctions avantageuses est devenu la règle d'or. A la télé, la pub ne fait plus appel à ses professionnels d'antan mais à des stars du cinéma, du sport, de la chanson afin d'accroitre leur richesse pour quelques minutes de pose et de sourire commandé. Comme disait Rousseau, on a tout avec de l'argent sauf des mœurs et des citoyens. Pour les politiciens, du Nord comme du Sud, la retraite c'est pour la populace, j'y suis dans l'éden j'y reste jusqu'à mon dernier souffle. Tous les moyens sont bons du fauteuil doré du Sénat aux postes honorifiques, messagers spéciaux, ambassadeurs d'exception? Que dire de ces banquiers, ces PDG super rémunérés et sous-taxés comme s'ils avaient inventé l'élixir de la vie ou le secret de la pierre philosophale qui partent avec des parapluies en diamant en jetant dans la rue des milliers de salariés en toute légalité après avoir mené à la faillite leur entreprise. Combien touche un prix Nobel face à ces dieux de pacotille ? Combien de chercheurs ne sont pas arrivés au bout de leurs recherches par manque de crédits, combien de Coluche ont vu leur rêve pour aider les autres briser faute de finances ? Quand on pense que les grands génies qui ont fait notre civilisation ont tous vécu modestement certains comme Mozart, il a fallu 70 ans après sa mort pour que Vienne érige un monument «à la mémoire de l'homme qui connut le dénuement et la détresse, la plus grande partie de sa vie, mais emplit le monde de sa musique.» (Sarah Bolton).

 Aujourd'hui le star-système a crée des Rambo et des Bimbo dont la seule valeur est leur carnet d'adresses et leur silicone. Tout ce qui est excessif est nul affirmait Talleyrand, il aurait dû dire néfaste. «Les solutions sont une denrée bon marché de nos jours. Elles sont le remède de charlatan.» (John Saul). C'est un grand romancier de chez nous qui a dit que j'ai vu des hommes subir les pires tortures sans proférer un mot et une fois l'Indépendance acquise, baver à la vue des clés d'une villa. L'argent est devenu le fossoyeur du monde si on ne le stoppe pas à temps il nous enterrera tous. La société doit combler vite ses abimes d'inégalités sinon elle va vers une jungle hostile à toute espèce humaine. Henry Miller a avoué que s'il n'avait pas besoin de psys comme la plupart de ses amis c'est parce qu'il prenait soin en sortant de sa banque de distribuer une partie de son argent aux mendiants sur son passage. Rockefeller fils a fait de la lutte contre la faim son cheval de bataille (culture du riz?) afin de redorer le nom que son papa milliardaire a égratigné. Bill Gates, inventeur du Microsoft a offert la moitie de sa fortune aux nécessiteux. Steve Jobs s'octroyait 1dollar de salaire et 50 centimes par conférence pour garder l'esprit fécond. Les politiciens qui n'ont rien inventé que le moyen de nous leurrer avant de nous faire casquer continuent à répartir les richesses qu'on produit selon leurs piètres affinités. Il faut se débarrasser de cette engeance inhumaine débile et moraliser le monde. Renouer avec la tradition sécurisante, la sagesse des anciens puisqu'on n'a rien trouvé de mieux pour notre équilibre. Pour cela, il faut que les philosophes, les visionnaires, les scientifiques, les humanistes, au lieu d'écrire des livres et de venir sur les plateaux de télé pour dénoncer ces politicards, mouillent leur chemise. Il faut que les meilleurs hommes s'engagent en politique pas les plus mauvais.

L'histoire se répète et qui mieux que nos érudits intègres connaissent les erreurs qui mènent droit au chaos. «Périr ou muter vers le haut» affirmait le grand philosophe Jean Guitton. Réintroduire à l'école la morale, le civisme, les Droits universels et remettre à sa vraie place l'argent : un moyen d'échange ni plus ni moins. Mépriser l'argent, c'est détrôner un roi, affirmait Chamfort. D'après les spécialistes, notre planète est en mesure de nourrir le double de la population actuelle. Il y a des gens qui meurent à cause de l'excès de nourriture et d'autres par manque, donc le rééquilibrage profite à tous.

 «Les catastrophes terribles n'ont jamais manqué de suivre la corruption des mœurs. Dieu a peut-être combiné l'ordre physique et moral de l'univers de manière qu'un bouleversement de ce dernier entrainât des changements nécessaires dans l'autre». (Chateaubriand)