Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Les raisons de l'échec démocratique en Algérie

par Kamal Guerroua*

« Il faut que tout change pour que rien ne change». Giuseppe Lampedusa (1896- 1957), écrivain italien

Les réformes politiques!! La majorité des citoyens s'en moque. Les algériens veulent du concret dans l'urgence et non pas des «replâtrages placebo» qui font perdurer un système pourri jusqu'aux racines; ils veulent entre autres choses: une justice performante, des hôpitaux accueillants, un pouvoir d'achat de dignité, du travail et de nouvelles perspectives. En somme, le citoyen aspire à la paix sociale et rêve d'assister un jour au procès de ces responsables véreux qui ont détourné des milliards sur son dos, dilapidé les biens publics et plongé l'Algérie dans la tourmente de la violence des années 90.

Le citoyen algérien est revenu du tout. Franc et clair, il boude toutes les tromperies. Plus de marchandages politiques, ni de langue de bois ni encore moins de discours creux aux tournures emphatiques ne satisferaient sa curiosité et sa volonté de regarder ailleurs mais le concret, seulement le concret le fascine: le salut de son pays et son décollage économique et social. Aujourd'hui, le temps est venu pour enfourcher le cheval du changement mais à quel prix? Les algériens sont-ils prêts à assumer une rupture radicale, à oublier ce passé «ténébreux» dont ils portent les séquelles et à trancher définitivement en faveur d'une véritable démocratie, celle où l'on consacre l'ouverture tout azimuts: médiatique, culturelle, identitaire et politique? Rien n'est sûr à l'heure actuelle quand on devine à gros traits cet amortissement névralgique de la société civile et cette mollesse plus qu'inquiétante de l'opposition politique, les deux contre-pouvoirs à même de mener à terme à une métamorphose sociétale à la hauteur des attentes de l'Algérie profonde, celle qui souffre dans la douleur et les malheurs.

Ce que l'on remarque au lendemain du printemps arabe et surtout à la lumière de la révolution du Jasmin est que la société civile y fut la cheville ouvrière et le fer de lance à la fois du changement démocratique et du processus de transition subséquent. L'intelligentsia tunisienne a, de par son importance et son influence dans l'arène politique, fomenté les conditions psychologiques nécessaires à un soulèvement populaire d'envergure. Si l'on insiste ici sur la psychologie sociale et la gestion émotionnelle du feed-back populaire, ce n'est aucunement pour rien, car, précisons-le bien, l'élite au singulier ou les élites au pluriel, cela dépend du contexte dans lequel on s'en sert, sont en grande partie responsables de la manière avec laquelle réagissent les masses face aux contingences du temps. En d'autres termes, l'intelligentsia est le moteur et la mécanique de la société. En Tunisie, contrairement au Maroc et à l'Algérie, le taux d'alphabétisation est très élevé (78% fin 2008).

En plus de sa forte organisation, la société civile tunisienne est détachée du pouvoir politique et de surcroît lettrée. On est loin de ce stéréotype d'«intellectuel embourgeoisé» propre plus particulièrement à notre pays, l'élite tunisienne performante est à bien des égards plus préoccupée du devenir de son pays. Tout au plus, à part la répression politique de l'opposition, l'autocratie tunisienne, de loin fort carnassière, s'est fortement intéressé à l'aspect économique du pouvoir (détournement de richesses nationales, bradage du patrimoine d'État...) contrairement à l'Algérie où la manipulation politique, les magouilles du sérail et la lutte des clans est monnaie courante. Par ailleurs, la raison de cette nette distinction réside essentiellement dans l'existence de la classe moyenne. Celle-ci est sans l'ombre d'un doute la force intermédiaire et la caisse de résonance de la plèbe auprès du pouvoir politique. Généralement dans les États autoritaires de type policier à l'image de la nomenclature de Ben Ali, l'ouverture politique du régime sur la société se fait plus aisément par rapport aux États despotiques ou «totalitaires» du type militaire et dont la rente est la seule régulatrice des jeux politiques. Il conviendrait de faire en ce sens un distinguo entre autoritarisme et totalitarisme. Alors que le premier s'articule sur la prédominance d'un organe ou institution ou tout simplement une autorité politique sur toute la sphère décisionnelle en renforçant un certain «Jacobinisme» automatique et «pavolovien», le deuxième par contre, bien que s'inspirant du premier, le dépasse en essayant de régenter tout le système social en son ensemble (contrôle rigide de la vie individuelle, pression sur les syndicats et musellement de la presse entre autres choses), les juntes militaires de l'Amérique latine des années 70 avec leur culture de coup de force, de pronunciamientos et de magouilles incarnent s'il l'on ose dire cette image conjointe de l'autoritarisme et du totalitarisme, à titre d'exemple, «Eva Peron» (1919-1952)», la femme d'État argentine fut, durant son règne, à la fois charismatique, autoritaire et totalitaire.

Cela dit, l'Algérie a, s'il on veut, un régime politique qui se situe à cheval entre l'autoritarisme et le totalitarisme dans la mesure où il n'y a plus de frontières claires entre le trop peu de liberté et le trop-plein de dictature. Résumé en d'autres termes, «la théorie de segmentarité» faisant accréditer la thèse de sociétés sans États (stateless society) se trouve plus confirmée dans des sociétés militarisées ou censées l'être (le cas de l'Algérie ou de l'Iran) que dans des sociétés policiers (le cas de la Tunisie et à moindre degré la Syrie). D'où la naissance d'États du désordre relatif et d'autres du désordre excessif. Le propre des régimes militarisés est en premier lieu de mépriser le civil et le discréditer.           La prééminence du képi sur la cravate ne pourrait provoquer dans ce cas et à plus ou moins brève échéance que de grandes distorsions dans l'échelle sociale, on voit bien que dans ce modèle d'État, la fonction militaire est convoitée pour ses privilèges et ses honneurs. Ironie du sort, l'État traditionnel tant décrié, ayant essentiellement pour mission l'instauration de l'ordre dans le désordre en sauvegardant notamment ses missions régaliennes (protectionnisme et dirigisme économique, tutelle sociale, cultuelle et culturelle) se confronte machinalement et quasi instinctivement à un État soi-disant moderne (néolibéral, militarisé, socialement peu engagé et dont le pouvoir se privatise ou se «patrimonialise» au fur et à mesure de sa modernisation), lequel installe par la suite le désordre dans l'ordre, c'est-à-dire allant à rebrousse poil de la marche «progressiste» de l'État traditionnel, ce que nombre d'analystes politiques nomment à juste raison de «Léviathan boiteux». Ce grand requin tiré du titre du traité politico-philosophique du penseur anglais Jean Locke (1632-1704) qui, au lieu de faire régner l'autorité de «la peur des lois», tombe à la renverse, libéralisme et matérialisme sauvage oblige, et installe celle des «lois de la peur». C'est pourquoi, l'on assiste à un renversement de rôles et à l'émergence de ce phénomène de «politisation du militaire et de militarisation du politique», quasi ordinaire et accepté tacitement et presque à l'unanimité par tous les actants politiques et sociaux en présence face à «la boîte noire», source de toutes les décisions importantes, il est digne de bien rappeler en ce lieu que cette dernière notion est forgée par le politologue américain «David Easton» dans son célèbre ouvrage «a system analysis of political life» où il donne ses différentes analyses systémiques des régimes politiques et fait référence à ce moment précis où l'«output» (l'ensemble des revendications de la population) se confronte à l'«input», la totalité des réponses émanant du régime politique. Ce processus est aux yeux de son concepteur l'amorce du travail de politisation des masses qui manifestent leur rejet ou adhésion par ce qu'il nomme «feed-back» exprimé en «support ou reject». Au fait, ce «feed-back» ne serait effectif qu'après avoir déchiffré les contours de l'input. En Algérie, ce processus est beaucoup plus compliqué que ce qu'a imaginé «Easton» vu qu'à sa différence, la règle est l'ambiguïté alors que la transparence est l'exception. Les sources du pouvoir demeurent obscures et la tête pensante de l'architecture du «système» mal connue ou méconnue du public.

En ce sens, des sphères étrangères au jeu politique, des fois de l'ordre «formel», souvent de «l'informel» infiltrent les réseaux économiques pour y investir leurs forces et énergie, ce qui crée un certain type de «maffia politico-financière», l'économiste algérien Omar Benderra dans son article «économie algérienne 1986-1998: les réseaux aux commandes de l'État» donne un aperçu suggestif de cette influence qu'exerce cette élite militaro-financière sur la marche courante des affaires de l'État, de l'administration publique et même de l'autorité présidentielle. Plus surprenant encore est l'encouragement et le coup de pouce dont les barons de l'économie informelle tirent les grands bénéfices, ces fameux théoriciens de l'«import-import» et de l'économie «compradore» dans des pays rentiers, exsangues, et dévitalisés, profitent amplement de l'amalgame entretenu entre la politique, le politique, et le militaire en s'enrichissent sur le dos des populations clochardisées à outrance. Ce nouveau «modus vivendi» est loin d'être une normalité du fait politique ou social mais pour parler un peu philosophie «un épiphénomène», c'est-à-dire une nouvelle réalité qui se greffe à l'ancienne sans vraiment arriver à devenir son corollaire. En ce point, il convient de préciser qu'en Algérie, il n'existe guère de situation intermédiaire entre l'État originel qui régente et régule les forces politiques et sociales agissantes dans le but d'harmoniser la marche de la nation et l'État artificiel qui les désorganise et les manipule afin d'asseoir sa domination. Dans ce genre de situations, l'État, l'exécutif et le pouvoir en tant que notions politiquement distinctes les unes des autres, sont du point de vue «sémiologique» quasiment similaires. «Dawla-Houkouma-Soulta» vus par un citoyen lambda à Alger centre ne n'en font qu'un, bien plus, ils représentent même aux yeux de quelques élites un paradigme unique du point de vue sociologique. C'est pourquoi, il est permis de dire que l'État disparaît avec la disparition du régime ou du pouvoir à la tête desquels se trouvent Rois, zaîms, chefs ou Raîs qui l'incarnent.

La «théorie du chaos» que préfigurent les tenants du régime algérien en cas du changement de la situation locale et géopolitique à la lumière de ce qui s'est passé chez nos voisins libyens participe de cette volonté de maintenir coûte que coûte «le statut quo». Autrement dit, la population n'a qu'à accepter son destin tel qu'il est, sinon les forces de l'Atlantique seraient aux portes et le syndrome de la «guerre civile» serait plus proche. Sans tomber sous le panneau du pessimisme, faute de classe moyenne «élitiste» et d'avant-garde ouvrière consciente, l'Algérie ne sortirait jamais de la crise actuelle car faute de capacité managériale et de «background» civique, le tissu associatif qui est l'ensemble des pores qui permettent à la société de respirer et de prendre le souffle serait crispé.

Ainsi, la gangrène des esprits a érigé en sacerdoce la culture de «tchipa», de passe-droits ainsi que de magouilles et les associations sont devenues des reliques folkloriques sans valeur. Tout au plus la société civile devrait-elle se construire en corrélation avec les universités, les centres de recherche s'il en existe, les cafés littéraires et les foyers culturels vu qu'elle est avec la société de la connaissance, les béquilles et l'intermédiaire incontournable de la société politique.etc.

Or, il est regrettable de constater qu'à la différence de la France par exemple qui possède environ 5456 cinémas pour une population de 70 millions, l'Algérie n'en compte que 30 pour 35 millions d'âmes !! Comparaison n'est pas raison mais force est de dire que le problème de l'Algérie est aussi et surtout culturel, cet aspect-là, on l'a longtemps mis de côté. L'État qui veut se maintenir est obligé de recourir au secours du débat contradictoire télévisé en direct, il a également besoin de l'avis de son opinion publique, du contre-pouvoir de l'opposition et de la concertation avec la société civile et surtout les syndicats autonomes, non rattachés à l'orbite du pouvoir en vue d'une perspective de sortie de crise. En ce sens, le peuple sans le soutien des autres forces vives de la nation, à savoir les associations, serait immanquablement corrompu et porterait les germes d'une pensée monolithique qui favorise beaucoup plus la tombée dans l'esprit étriqué que l'épanouissement du sens critique.     L'équation du «pouvoir qui change et de l'État qui demeure» serait par voie de conséquence caduque puisqu'à bien y regarder, l'existence de l'État est conditionnée par la longévité du pouvoir, chose extrêmement gravissime pour la santé morale des appareils étatiques.          Cela s'est remarqué par exemple lors de la dernière maladie du président Bouteflika, les rumeurs et la propagande tacite qui s'en sont suivies ont reflété le degré de «la paranoïa populaire» et de la fragilité de l'État, l'image du président chez les citoyens est, en quelque sorte, magnifiée à telle enseigne que l'État et le président se mélangent et se réincarnent en une seule entité dans l'esprit des masses...

Certes, cet élan de solidarité est vivement bénéfique mais il est aussi porteur de graves préjudices à cette notion de «l'État qui demeure» au profit de ce concept de «l'État, c'est moi» laissé à la postérité par le Roi français Louis XIV. Dans cette perspective et suivant ce même fil conducteur, l'on pourrait facilement remarquer que l'Égypte socialiste, anti-impérialiste et panarabiste de Nasser a changé complètement de cap pour devenir un État libéral, pro-américain dont les relations sont normalisées avec Israël sous le règne de Moubarak, de même qu'en Irak, la poigne de fer de Saddam sur les communautés religieuses a ouvert par la suite le bal à un confessionnalisme anarchique entre les chiites et les sunnites. En Algérie également, la politique économique d'Al-Infitah et d'anti-pénurie (P.A.P) engagée par le président Chadli durant les années 80 a été une totale rupture avec la révolution agraire et industrielle ainsi que de la fameuse stratégie de l'«industrie industrialisante» suivies sous Boumédiène aux années 70.

C'est dire combien l'État dans le monde arabo-musulman en général et en Algérie en particulier est sclérosé, fragilisé et sujet aux perturbations qui ciblent les pouvoirs politiques « trop faible de par ses seules forces, l'État vit des divergences qui existent et survit grâce à celles qu'il crée» dirait l'anthropologue français Jean Claude Vatin parlant de l'Algérie. Bien évidemment, l'échec de l'État-nation est la résultante logique d'une mauvaise structuration sociale et d'une volonté de destruction du politique et de la politique aux plus hautes sphères dirigeantes. Certes on ne peut se restreindre à cette grille de lecture simpliste pour justifier cette longue apathie démocratique et révolutionnaire des sociétés arabes durant les décennies précédentes car force est de constater que le dernier maelström insurrectionnel a suscité l'envie même des populations qui vivent sous des régimes censés être plus démocratiques à l'échelle mondiale (les manifestants de la Puerta del Sol en Espagne, de Syntagma en Grèce ou ceux dernièrement de New York). En un mot, il n'y a plus de constat définitif en matière d'évolution des sociétés humaines. Le cas de l'Algérie nous interpelle par les contradictions dont fait l'objet sa société civile.

D'une part, nul ne pourrait nier l'apport plus que substantiel notamment celui des associations caritatives et du mouvements social de façon global lors de la survenue des catastrophes naturelles à l'image des inondations de Bab El Oued en 2001 et du séisme de Boumèrdes en 2003, moments difficiles qui ont vu une réelle défection des partis politiques et de la société politique dans sa globalité dans la prise en charge des victimes. Bien plus, le soutien aux familles des victimes du terrorisme, à celles des disparus est plus qu'une fierté pour tout le mouvement associatif algérien qui, malgré les pressions de tout ordre a prêté main-forte à une partie de l'Algérie blessée au moment le plus critique de l'histoire contemporaine (la guerre civile des années 90).     D'autre part, et c'est vraiment malheureux de le reconnaître, malgré les 82000 associations que possède l'Algérie, la politique en cette phase critique de «décompression autoritaire» pour reprendre le terme de l'historien Mohammed Harbi semble être une chanson «out of fashion». La relation masses-élites étant pour la plupart des fois truffée du mépris, de distanciation et de froideur à tel point que l'on discute et que l'on débatte par exemple avec la presse étrangère sur les problèmes de l'Algérie alors que l'on est privé de ce genre de débat au niveau local, devant la presse nationale. Celle-ci est elle-même mise sous le coup de l'Omerta même si ça et là on n'en tarit pas d'éloges sur l'exception unique de l'Algérie en matière de liberté d'expression. Rien n'en fut. A l'instar de tout le monde arabe, l'Algérie souffre d'un véritable climat liberticide, les syndicats en suffoquent et les médias baignent sous la chape de plomb de l'unicité de la pensée, le dernier écho qu'a laissés la décision du gouvernement d'ouvrir l'audiovisuel au privé en sont la preuve.

Par ailleurs, parler de l'Algérie et analyser les raisons de cette descente aux enfers nécessite le retour systématique à l'œuvre khaldounienne dans la mesure où six siècles plus tard, les phénomènes qu'il a décrits à propos du Maghreb central notamment ceux liés aux dynasties arabo-berbères du XIV et XV siècle, sujettes aux fluctuations des luttes intestines s'appliquent au jour d'aujourd'hui sur les réalités nationales. A ce titre, le clanisme, le tribalisme et les équilibre/déséquilibre, construction/déconstruction des alliances contre-nature entre les mouvements sociaux formant son paradigme «Al açabiya» meuvent et minent encore le paysage politique algérien, l'alliance hybride et contre-nature entre (F.L.N le R.N.D et le M.S.P), trois formations politiques que d'ailleurs tout sépare idéologiquement, sociologiquement et politiquement relève de l'une de ces contradictions inhérentes à la complexité de la «cardiographie algérienne».

 Ce que Ibn Khaldoun (1336-1406) a nommé Açabiya-hilf ou Açabiya-iltiham est en son temps et selon son expression même construit sur «Al-Nasab» ou «Al-walâa» (allégeance à une grande famille, à un clan, ou à un groupe social dominant) est et reste la raison d'être du système social algérien de façon globale et synthétique et du régime politique en ses manifestations les plus ordinaires (fonctionnement institutionnel, relation entre les clans au pouvoir et distribution de la rente pétrolière). De même l'orientaliste franco-algérien Jacques Berque (1910-1995) surfant sur la théorie du père de la sociologie moderne, a distingué d'une part, le centre officiel des périphéries officieuses.

 D'autre part, il a expliqué et interprété la persistance de la «culture de l'émeute» par cette ancienne différence qui est née entre «Bled el Maghzen» (terre du pouvoir et de richesse) et «Bled EL-Sebâa» (terre de sécession et de révoltes). Typographie propre à l'origine au Maroc mais qui est également opérante en Algérie, pays, où d'ailleurs, selon ses dires mêmes domine plus «El-ourf», (coutume). Cette vision est à l'heure présente largement partagée par nombre de politologues puisqu'elle prend bien la peine de faire le tri entre l'institutionnel et l'anarchique, le soumis et le contestataire. Pour preuve, il ne suffit qu'à jeter un coup d'œil furtif sur le schéma de la société civile dans notre pays, deux camps se battent, d'une part celui qui tourne autour de l'orbite du régime se basant essentiellement sur la distribution des prébendes générées par la rente pétrolière, des associations généralement parasitaires, croupions et peu résistantes formées par l'ancienne élite issue de la libération nationale qui se cachent à l'ombre du régime politique en place sous le fallacieux prétexte de défendre les idéaux de la révolution de 54, puis il y a une deuxième catégorie «larbinisée», initiée et rôdée aux «petits jeux» des politicards de circonstance, formée pour la plupart de la deuxième génération ayant suivi celle de l'indépendance, et en définitive la troisième plus combative mais moins nantie financièrement et souvent sous la pression multiforme des «cercles décideurs» qui est un mélange des trois générations (54, 70, 88,), celle-ci peine à s'organiser faute de solidarité nationale surtout lorsqu'on sait que la rente a corrompu et corrompt encore les esprits. Néanmoins, en dehors de toutes ces implications de la crise algérienne, le printemps des peuples n'annonce-t-il pas la fin des États post-coloniaux comme l'a bien souligné l'historien français René Galissot dont celui de l'Algérie forme partie? En fin de compte, on ne pourrait que dire pour récapituler que toutes ces raisons et bien d'autres sont à n'en point douter, une clé qui va peut-être permettre de comprendre la cause de la dégénérescence de la société civile algérienne et de l'épanouissement de celle de la Tunisie.

*Universitaire