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L'ETAT COMPTABLE

par M. Abdou BENABBOU

Le monde de l'éducation tient à sa grève. Elle aura donc lieu car la ministre en charge du secteur n'a pas prérogative à répondre à toutes les doléances des syndicats de l'enseignement. La toute première est d'ordre salarial même si les travailleurs algériens dans leur ensemble sont maintenant rodés à la mise en avant des conditions de travail légitimes pour exiger en vérité une augmentation de paie.

La ministre aura beau s'échiner à inviter au dialogue, elle ne pourra pas se dépêtrer pour sortir des marécages que l'Etat lui-même a étalés à la va-vite au nom d'une hypothétique paix sociale et sans se rendre compte de la catastrophe économique qu'allait engendrer sa politique salariale. La ministre ne doit pas être comptable, comme les enseignants d'ailleurs, des largesses salariales lourdes de conséquences dont ont bénéficié des secteurs d'allégeance sans la moindre préoccupation des incidences aussi démobilisatrices que colossales sur le monde du travail.

Il est vrai que l'Algérien a toutes les peines du monde à mettre quelque chose dans son couffin pour se nourrir. Mais, il est aussi vrai qu'un Etat digne de ce nom a l'important devoir de l'intégrer dans une architecture économique et sociale basée sur une politique rationnelle pour un partage de la richesse nationale juste et équitable. Cette rationalité n'est pas une obligation d'apanage pour les seuls Algériens et des puissances économiques, de plus en plus nombreuses et autrement mieux huppées par leur savoir-faire et par leur génie à produire presque tout, vivent des drames sociaux profonds pour n'avoir pas réussi à trouver d'adéquates recettes pour une large solidarité.

L'ultralibéralisme déborde de férocité et impose au monde entier de bien suer pour pouvoir manger. Or l'Algérie ne produit rien ou presque rien. Si elle répond à un fort cri de détresse justifiée de larges couches de la population, la houle salariale enclenchée à l'emporte-pièce par le gouvernement s'est avérée distribution plutôt rétribution. S'il eut la facilité de puiser avec allégresse dans le Trésor public, aussi justifiée qu'elle puisse l'être, elle ne règle pas l'imbroglio.

Le problème est trop sérieux pour ne pas garder en mémoire les centaines d'entreprises qui ont fermé leurs portes dans les années 90 et des milliers de travailleurs jetés à la rue qui se sont retrouvés sans ressources.