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Les fourberies d'une marquise au royaume de Moabdar

par Omar Chaalal

Je plaisante dans le sérieux ! Ecoutez, je vous raconte. Ce texte ne parle pas du temps où les troupes françaises marchaient au pas sur nos cadavres.

Il décrit tout simplement les rêveries dans la fumière d'Azora. Azora est très puissante et gère sa fumière d'une manière non-euclidienne dans un espace absolument interdit aux investisseurs nationaux. À Oued Sersouf les gens la connaissent sous le nom de Madame la Marquise. L'esprit d'Azora navigue entres les airs du désert. Il est tantôt aux alentours de Tamashek, tantôt à Takuba et souvent à Tindihère. Azora, la Marquise, n'aime pas l'ouverture du secteur publique et soupçonne les idées d'Arimaze. Elle entend ses paroles sans l'écouter. Elle prend ses précautions et gardes ses secrets. Elle ne glorifie pas les paroles d'Arimaze quand il dit « Notre faiblisse est entre les mains d'une clique de flatteurs qui ravagent tout pour faire durer les illusions populistes et le faux stoïcisme dans le monde des rêves de Azora». Azora est consciente des relations fraternelles qui relient Moabdar, le maître du château, et Arimaze. Elle se réfère aux paroles des ruminants de Sidi Yaya qui le surnomment publiquement « l'enfant gâté de Moabdar »

Azora est une dame imaginaire pour certains. Pour d'autres elle est réelle et contrôle le monde des affaires par ses rêves qui ne produisent ni vaches ni épis dans le grand désert. Dans le monde des mamans, les rêveries d'Azora reflètent la honte et le mépris. Les « langues cravatées » de Sidi Yaya interprètent à longueur de journée les rêves d'Azora. Ils nous disent que dans l'esprit d'Azora les terres sont mises à sac, le peuple est dirigé vers l'agonie, l'espoir est aveuglement massacré et l'avenir des enfants n'est autre que la trahison. Azora est une dame de ce temps. Dans le monde restreint de cette dame, les demi-dieux jouent bien le rôle de messieurs les puissants.

Azora a tout connu et elle a tout compris en jouant le rôle de madame la marquise à Sidi Yaya. Les rêves de cette marquise enseignent une très bonne leçon pour les générations de ce temps. Azora la marquise garde dans sa mémoire les évènements récents et s'enfiche éperdument du passé de son pays qui n'a plus de valeur chez le peuple ruminant qui fait le grand décor de Sidi Yaya. En plus bref, Azora n'est que la façade des héros de pailles qui gardent sa fumière. Une fumière qui fume depuis longtemps.

Azora est constantinoise de naissance et habite le beau quartier de Hydra-look non loin de Sidi Yaya. Le visage abimé par le temps expose l'itinéraire de ses historiettes répétées de Tindi au beau petit coin ombragé de feuillage dans une superbe villa au Parado d'Hydra. Azora montre souvent son esprit très superstitieux sous les rythmes du Tamtam. Elle n'aime pas le chiffre cinq et se méfie de ses rêves aux mois de Janvier, Mai et Octobre. Octobre 1988 n'agite plus les ambitions ! Elle se rappelle vaguement du 22 Octobre 1956 et essaye de l'effacer de sa mémoire trop bourrue par les guerres de contenaires qui opposent les clans. Elle ne veut plus admettre qu'en cette date cinq chefs historiques du FLN Ahmed Ben Bella, Mohamed Boudiaf, Hocine Ait Ahmed, Mostefa Lacheraf et Mohamed Khider ont été victime d'un acte terroriste français dans un avion Air Maroc. Elle creuse dans sa mémoire et dit « trente ans après l'indépendance, en Janvier 1992 cinq autres hommes Mohamed Boudiaf, Khaled Nezzar, Ali Kafi, Ali Haroun, Tedjini Haddam, ont formé le Haut Comité d'État (HCE) en Algérie. Le 30 Janvier 1994 le HCE a été dissous et remplacé par Liamine Zéroual comme Chef d'État ». Depuis, le chiffre cinq est devenu un symbole de malheur pour Azora.

Azora n'a plus trente ans ! Vingt ans après l'arrivée de Zéroual, en janvier 2015 Azora se dirige vers le restaurant, Le Plus Chic, à Sidi Yaya pour raconter un rêve. Elle veut l'interpréter pour imager le vent de schiste qui souffle d'In-Saleh. Son rêve montre que le vent du sud n'a jamais était un ennui pour les nouveaux riches et les grands ruminants qui sussent la chicha à Sidi Yaya.

A la porte du restaurant, un jeune serveur accueille la marquise et l'accompagne vers la table du coin. Cette table donne sur le grand boulevard. Le patron du restaurant, un personnage léger originaire de Jijel, la salue de loin et dit « cinq personnes historiques, cinq hommes ordinaires, cinq doigts d'une main, cinq états de l'union magrébine, cinq continents du globe ou cinq prières journalières. Je sais que le chiffre cinq n'est plus important pour une femme élégante qui sent la fumière et modèle la réussite d'une marquise d'Oued Sersouf à Sidi Yaya ».

Dans la vie, les évènements politiques dessinent le contour du domaine d'action de ceux qui rêvent comme Azora. Dans la même vie, les rêves retracent comment les petits, ceux qui aiment le gain facile et le commerce douteux, se transforment en grands dans l'esprit de madame la marquise. C'est dans ce lieu de façade exécrée que les gens au passé flou se prennent pour des héros et trichent comme Azora. C'est sur cette parcelle imaginaire que les héros de paille s'attachent une couronne de fumier pour montrer leur puissance et rêvent grandeur comme Azora. C'est dans cet espace chimérique que des arrivistes ignobles ont acheté leur noblesse comme Azora. C'est dans ce vide culturel miraculeux que les vrais combattants révolutionnaires ne valent plus rien dans le rêve d'Azora.

Cette année Azora a fait un rêve une peu bizarre. Un rêve qui accuse la main étrangère dans les affaires internes du pays. Dans son rêve elle a entendu un berger d'Ouled Nail, travaillant pour le compte du shérif du désert, accuser Phil Hogan, le responsable de l'agriculture et développement rural de l'Union Européenne d'avoir été à l'origine du projet végétarien qui favorise les relations entre les bergers de Djelfa et les beefeaters (les mangeurs de bœufs) d'un village anglais. Le projet consiste à fermer toutes les boucheries à Djelfa et ouvrir des restaurants pour les végétariens au beau quartier de Sidi Yahya. Le rêve Azora traduit le principe du chef Mange-Tout « Il est plus facile de transformer un peuple en ruminant que de combattre en son nom ». D'après Azora, la grande envergure de ce rêve va permettre aux fellahs de Djelfa de planter les choux traités au tin de Marie la biskrite dans leurs jardins potagers. La récolte de choux va directement aux habitants d'un petit village non loin de Blyth en Angleterre.

L'argent des choux permettra aux bergers de la grande steppe d'importer de la viande bovine indienne pour la grande zerda de Sidi El Hadj Aïssa, le grand marabout de Laghouat. La grande zerda symbolise la concorde. La concorde est la fête spéciale pour les cousins germains qui se sont sédentarisés au royaume de Sidi Yaya. A la fin de son rêve, Azora entend un ange qui ressemble un peu à Arimaze lui dire « Pas de chance ! Le fleuve de pétrole qui irriguait les choux dans plaines de Djelfa a changé de direction et les fellahs ne peuvent plus exporter les choux et importer ce produit de grand luxe des indes pour réussir la grande fête et la zerda de Sidi El Hadj Aïssa»

Après l'appel de cet ange, Azora crie austérité et nouvelles mesures. Elle accuse les grands shérifs de Djelfa de ne pas avoir bien étudié avec grande sagesse les règles du commerce dans le monde. Dans sa vision, les bédouins n'ont pas pris en considération les tricheries qui contrôlent le jeu de la bourse de New York. Pour améliorer la situation financière et sauver la farce, Azora pris au sérieux les paroles de cet ange et oublie la puissance de Abdelmalek Sellal. Azora peut utiliser son portable pour les longs appels aux quatre coins du mode. Sa ligne téléphonique est gratuite selon les dires des agents qui travaillent chez Ooredoo Algérie. Elle contacte Michelle Obama. Elle lui raconte sa vie et ses problèmes avec Arimaze. Michelle répond à l'américaine « Sorry I can't help Algeria is a French colony ». Elle lui ordonne de raconter son rêve et ses soucis à Sellal. Elle contacte en urgence Pierre Sellal. Pierre est le responsable de la diplomatie de l'union européenne. Azora demande à Pierre des conseils pour aider les gens du désert qui chahutent honneur et dignité. La communication a duré plus d'une heure. La communication se termine par les belles paroles marqueteuses. Pierre conseilla à la marquise de rester au moins une semaine à Sidi Yaya pour convaincre les ruminants d'appliquer à la lettre son principe. Certainement son idée va apaiser les pauvres du désert. Son idée est très simple et se résume comme suit « Pas d'influence possible sans clarté et cohérence dans nos choix. De même qu'il n'est pas de vent favorable pour un capitaine de navire qui ne sait pas vers quel port il veut se diriger, un pays ne peut ambitionner avoir de l'influence s'il ne sait pas vers quels objectifs il tend et quels intérêts il cherche à défendre. C'est un exercice difficile, tant les intérêts sont multiples et parfois contradictoires. Mais c'est la base de tout travail diplomatique identifier, définir, hiérarchiser, ordonner les objectifs ».

Azora ne comprend pas ce principe et Pierre Sellal ne veut plus lui donner des explications qui clarifient ce principe. Enervée par l'odeur du vent de schiste qui enveloppe l'odeur de sa fumière, elle essaye de revenir à l'histoire politique. Azora reconnait que les hommes politiques se distinguent par leurs actes et se classent selon leurs intentions même quand la grandeur et petitesse sont des qualificatifs qui ne signifient pas grandes choses chez l'ange Arimaze. Azora n'aime pas Arimaze mais essaye de gérer le conflit d'une façon diplomatique. Une diplomatie de rumeur qui dérange peu Moabdar. Elle n'est pas d'accord avec Arimaze quand il dit clairement « Certains petits jouent aux grands et dépassent parfois les limites des grands sans peser les conséquences d'une ambition conditionnée par la chance et la bizarrerie de la providence qui gouvernent le mouvement du prix du pétrole dans le monde ». Elle fait le silence pour oublier le désordre dans sa fumière.

En conclusion : Dans sa diplomatie de rumeur Azora évite de parler autoroute et fait semblant d'ignorer les scandales Sonatrach. Azora applique la stratégie de Saint-Exupéry « Faites que le rêve dévore votre vie, afin que la vie ne dévore pas votre rêve ». Azora se moque d'Arimaze. Elle rigole et vous assure que le commerce cache-cache et l'industrie de mekach-mekach se contrôlent loin d'Arimaze dans un endroit secret et bien gardé par les amis du mari d'Azora.