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Une guerre de cent ans ?

par K. Selim

Trois soldats américains de la force de l'Otan en Afghanistan (ISAF) ont été tués ces derniers jours dans trois attaques dans le Sud, où les troupes de la coalition occidentale mènent des offensives contre les talibans dans la perspective des élections présidentielles du 20 août. Ces nouvelles pertes porteraient à 29 le nombre de soldats tués depuis le début du mois, selon un décompte non officiel. Les pertes des troupes étrangères en Afghanistan ont été de 76 morts en juillet, un record absolu depuis l'entrée de l'armée américaine dans le pays en 2001.

 C'est dans ce contexte de confrontation croissante entre les insurgés talibans et les forces d'occupation que le général Stanley McChrystal, commandant en chef des forces de l'OTAN en Afghanistan, a déclaré au Wall Street Journal que «les talibans sont en train de prendre le dessus».

 Ces sombres propos viennent quelques jours après une déclaration au Times du général britannique David Richards, selon lequel «le rôle de l'armée britannique évoluera, mais le processus complet pourrait prendre entre 30 et 40 ans».

 Dans une interview au journal londonien publiée samedi 8 août, le chef des troupes britanniques en Afghanistan, qui prendra fin août les fonctions de commandant en chef de l'armée britannique, fait preuve de pessimisme quant au retrait total des troupes en Afghanistan. De fait, l'écrasante supériorité matérielle et technologique de l'OTAN ne parvient pas à venir à bout d'une résistance armée qui ne cesse de s'élargir au fil des erreurs politiques, des alliances douteuses et des dommages collatéraux.

 Les interrogations publiques, soigneusement calibrées, des chefs opérationnels des armées les plus modernes du monde sont à étudier avec la plus grande attention. Il s'agit vraisemblablement d'une sorte de piqûre de rappel destinée à rappeler aux politiques que, la partie étant loin d'être gagnée, il est nécessaire de renforcer les troupes et d'accroître leurs moyens. Mais la réponse à cette question n'est pas évidente. Les forces de l'ISAF comptent un peu moins de cent mille hommes et sont notoirement en limite de charge, notamment lors d'opérations offensives comme celles actuellement en cours.

 Les stratèges n'ignorent pas que l'armée soviétique disposait de près de cent vingt mille hommes au plus fort de la guerre qui s'est achevée en 1989. Dès 1986, l'Armée rouge ne pouvait plus que se défendre.

 De fait, le contrôle d'un pays extrêmement accidenté, au relief très montagneux, s'avère fort complexe, contrairement aux déserts d'Irak. Et à la difficulté topographique se greffe le caractère ombrageux et nationaliste d'une population fière, ulcérée par les erreurs tactiques des Américains et de leurs alliés ainsi que par le soutien occidental aux seigneurs de la guerre et aux trafiquants d'héroïne.

 Le refus de la présence étrangère, d'abord incarné par la plus importante minorité ethnique, les Pachtounes, semble gagner d'autres régions et d'autres factions. Les évolutions tactiques et d'alliances sur le terrain annoncées par les généraux occidentaux expriment un certain désarroi devant l'impasse militaire, mais elles ont aussi et surtout pour but de préparer des opinions publiques, de plus en plus dubitatives, à une longue guerre. Une guerre de cent ans ?