Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Information sur les marchés et formation en management : Investissements stratégiques et outils de création d’emplois

par Abdelaziz Djaout *

«Je crois que le talon d’Achille des Algériens c’est qu’ils sont de mauvais gestionnaires.» Président Abdelaziz Bouteflika, juillet 1999

La création d’emplois pose problème pour l’économie algérienne et ses décideurs. Des centaines de milliers de jeunes, des deux sexes, parmi lesquels des diplômés universitaires, chôment en effet bien malgré eux. Parmi les solutions que les concernés proposent à ce défi, l’on trouve des mesures bonnes et moins bonnes, qui militent en faveur de l’assainissement de la situation macro-économique et de l’encouragement de l’investissement national et international, et ce, afin de stimuler la dynamique économique du pays et ainsi créer de nouveaux emplois.

 L’autre mesure qui attire l’attention à cet égard, c’est la mise en place de programmes de financement destinés à soutenir la création de petites et moyennes entreprises. Les ressources financières représentant, en affaires comme ailleurs, «le nerf de la guerre», ces programmes, connus notamment sous l’appellation de «microcrédits» et dont on cherche à en faire bénéficier les jeunes en premier lieu, comblent un vide certain. Il n’en demeure pas moins vrai que ces programmes ont besoin d’être renforcés si nous voulons qu’ils atteignent pleinement leurs objectifs.

 En effet, l’esprit entrepreneurial, la volonté de dépassement, la créativité, bref l’ensemble des qualités qui font l’entrepreneur, ne sont pas une question d’argent. Il faut donc établir, par des experts, des critères de sélection qui assurent un minimum de sérieux de la part des entrepreneurs qui sont actuellement soutenus ou qui le seraient dans le futur. Du reste, il faut surtout rappeler que l’information sur les marchés, et donc sur les opportunités d’affaires, est rarement disponible en Algérie. Tout l’or du monde ne pourrait venir en aide à nos jeunes entrepreneurs s’ils restent dans l’obscurité totale quant aux réalités concurrentielles et environnementales qui déterminent en grande partie la compétitivité réelle ou espérée de leur entreprise.

 L’État a un rôle à jouer à ce niveau. L’État, par l’intermédiaire de ses institutions de collecte et de dissémination de l’information sur les réalités démographiques, sociales, culturelles, économiques, etc., peut certainement et très concrètement soutenir les initiatives qui semblent les plus prometteuses. Mais, ce soutien ne doit pas venir que des institutions gouvernementales (les divers ministères, l’Office National de la Statistique, etc.), les universités, les centres d’études ou de recherche, les bureaux de conseil en management, les OSBL, les revues et autres journaux dédiés au monde des affaires, etc., ont tous un rôle à jouer dans ce cadre.

 Une autre faiblesse dans ces programmes de «micro-crédits» se trouve au niveau des habilités de gestion possédées par ces nouveaux entrepreneurs. C’est pourquoi il est essentiel de comprendre que ces jeunes initiatives ont besoin d’un support managérial de qualité. Nous devons communiquer à nos jeunes entrepreneurs un minimum de savoir et de savoir-faire managérial (les bases du marketing, de la comptabilité, de la finance, etc.) pour augmenter leurs chances de réussir leur audacieuse entreprise. Toutefois, la gestion n’étant pas seulement cette «guerre» tactique que nous menons à nos compétiteurs en termes de fixation de prix, de promotion publicitaire, d’effort marketing et de gestion des opérations, quand bien même nos gestionnaires excelleraient dans la formulation et l’exécution de ces fonctions, ils ne peuvent prétendre au statut de managers-stratèges. Pourtant, c’est de cela dont l’Algérie a désespérément besoin pour redresser ses entreprises et supporter leur survie, voire renforcer leur compétitivité sur les marchés nationaux et étrangers.

 «Il n’y a pas plus simple que la stratégie, l’essentiel est dans l’exécution », disait Napoléon. Que l’on nous permette d’ajouter, quant à nous, qu’il n’y a pas plus simple que l’exécution, l’essentiel est dans les individus. Malheureusement, les habilités managériales ne sont pas innées chez ces derniers. Mais, en revanche et heureusement, ces habilités peuvent être apprises grâce à ce don de Dieu qu’est la faculté d’apprentissage chez l’homme. Telles que l’ensemble des habilités acquises par l’humain au cours d’une vie, c’est la formation, théorique et pratique, qui permet à l’humain de transformer ses potentialités en de véritables forces au service de ses projets de vie. Il n’en est nullement autrement dans le domaine de l’entrepreneuriat et du management.

 L’art, et de plus en plus la science de la prise de décision, du travail d’équipe, de la gestion des priorités, de la planification stratégique, de la gestion du temps, de la gestion des conflits et, enfin et surtout, de la gestion du changement stratégique, est enseigné aux plus hauts niveaux au sein des universités et des entreprises elles-mêmes. Cet enseignement, sous forme de formation théorique et pratique, est considéré par les entreprises qui se respectent comme un investissement stratégique de premier ordre. Les compétences distinctives que cette formation, mise en pratique, permettra à nos cadres-gestionnaires d’acquérir et de développer, sont les ferments qui assureront la compétitivité et la réussite de l’Algérie et de ses entreprises dans tous les secteurs d’activités, public, parapublic ou privés.

 La formulation et la mise en place d’un programme de formation destiné à initier, à développer et à encourager la pensée stratégique chez les cadres algériens des différentes institutions économiques et sociales, devient ainsi un impératif urgent pour pouvoir prétendre comprendre les défis que nous devons relever pour survivre et prospérer, parmi et avec les autres nations du monde, dans le XXIe siècle. Il va sans dire que le choix des hommes et des femmes qui auront à exécuter ce programme, ainsi que ceux et celles qui en bénéficieraient, constitue la condition et la garantie pour réussir cette double et noble mission de soutien à nos entrepreneurs et à nos entreprises, et de création d’emplois pour les jeunes et les moins jeunes du pays.

 

* Consultant en gestion stratégique