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DELHI ? La décision de l'administration Biden de
cesser de s'opposer à une proposition de levée de certains droits de propriété
intellectuelle sur la COVID-19 en vertu des règles de l'Organisation mondiale
du commerce est une excellente avancée. La Représentante américaine au Commerce
reconnaît que «les circonstances extraordinaires de la pandémie de COVID-19
appellent à prendre des mesures extraordinaires». Tout en affirmant «croire
fermement en la protection de la propriété intellectuelle», l'administration Biden, «dans le but de mettre fin à cette pandémie,
soutient la levée de ces protections sur les vaccins contre la COVID-19».
D'ores et déjà, la décision des États-Unis pourrait persuader d'autres pays
riches réticents en Europe et ailleurs de prendre le même type de mesures.
Bien que le développement rapide de vaccins contre la COVID-19 soit un succès véritablement impressionnant, il a été terni par les contraintes qui pèsent sur l'offre mondiale de vaccins et les inégalités qui en découlent en termes de distribution. Le 4 mai, moins de 8 % de la population mondiale avait reçu une seule dose de vaccin contre la COVID-19, alors que seulement dix pays riches représentaient 80 % de toutes les vaccinations. La raison n'est pas seulement que les pays riches ont acheté toutes les doses disponibles, mais surtout qu'il n'y a tout simplement pas assez de doses pour tout le monde. Mais cette rareté en elle-même est en grande partie artificielle. La production de vaccins est limitée par le refus des sociétés pharmaceutiques de partager leurs connaissances et leurs technologies. Bien que les sociétés qui produisent les vaccins approuvés aient bénéficié de subventions publiques et de recherches financées par l'État, elles ont néanmoins profité des protections des brevets pour maintenir un monopole, en limitant ainsi la production à leurs propres usines et à quelques autres entreprises à qui elles ont accordé des licences. Ces brevets sont consacrés et appliqués inter-nationalement par l'Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC) de l'OMC, qui permet de prendre des mesures contre les pays qui fournissent des licences obligatoires permettant à «quelqu'un d'autre de produire un produit ou un processus breveté sans le consentement du titulaire du brevet». C'est cette menace d'action en justice qui a conduit une majorité de membres de l'OMC à proposer une dérogation temporaire pour les médicaments, vaccins, diagnostics et autres technologies COVID-19 nécessaires dans la lutte contre la pandémie. Pourtant, même cette mesure mineure a été bloquée par le Conseil des ADPIC de l'OMC, parce que (principalement) les pays riches ont donné la priorité aux intérêts des grandes sociétés pharmaceutiques par rapport à la santé mondiale. Une levée des droits est devenue d'autant plus urgente que le coronavirus fait des ravages en Amérique du Sud et en Inde, où une saturation quasi complète des services de santé surchargés entraîne des pertes catastrophiques de vies humaines. Pire encore, la propagation rapide du virus a déjà donné lieu à de nouveaux variants dangereux. Nous devons absolument vacciner autant de personnes que possible avant que n'apparaissent des variants résistants au vaccin. Il est essentiel de renoncer temporairement aux droits de propriété intellectuelle, mais ce n'est que la première étape. Un accord de levée du droit de propriété abordera le côté juridique, jadis insurmontable, du problème. Mais il faudra faire beaucoup plus pour rendre un «vaccin pour le peuple» universellement accessible dès que possible. La prochaine étape consiste à promouvoir des mesures concrètes visant à faciliter le transfert des connaissances et des technologies. Du Canada au Bangladesh, de nombreux producteurs potentiels de vaccins ayant les installations adaptées se sont vu refuser jusqu'à présent les licences et le savoir-faire technique pour aller de l'avant. Aucune société pharmaceutique n'a rejoint le fonds de partage de technologies de l'Organisation mondiale de la santé, le COVID-19 Technology Access Pool (C-TAP). Les gouvernements des États-Unis, d'Europe et d'ailleurs, qui ont accordé d'importantes subventions au développement de vaccins approuvés, peuvent et doivent faire pression sur les entreprises pour qu'elles partagent les connaissances que les fonds publics ont contribué à fournir. Nous savons que cela est possible, parce que l'administration Biden a déjà persuadé Johnson & Johnson de partager sa technologie avec Merck pour stimuler la production nationale de son vaccin à dose unique. Il est certain que les autres entreprises qui ont bénéficié du soutien public pourraient être contraintes de faire de même avec les producteurs du monde entier. Entre-temps, la levée de l'Accord sur les ADPIC pourrait également faire augmenter la production de vaccins par d'autres moyens. Moderna, qui a presque entièrement compté sur le financement du gouvernement américain, a déjà déclaré qu'il ne ferait pas appliquer son brevet. Mais son vaccin à ARNm utilise des connaissances qu'il a déposées (et payées) à d'autres sociétés, qui pourraient à leur tour poursuivre en justice tout autre producteur utilisant la même technologie. La levée à l'Accord sur les ADPIC éliminerait cette possibilité, ce qui permettrait d'augmenter rapidement la production. Alors que Moderna indique à présent qu'il produira trois milliards de doses rien qu'en 2022, les vaccins à ARNm ont apparemment toutes les chances d'augmenter la production. On dit également qu'ils sont faciles à modifier pour tenir compte de nouveaux variants. Les arguments en faveur de la production publique de vaccins de ce genre sont clairs. «Pour moins que ce que le gouvernement américain dépense quotidiennement pour la réponse à la COVID-19, note l'organisation de défense de la santé PrEP4All, il est capable de bâtir une installation permettant de produire suffisamment de capacités de fabrication de vaccins à ARNm pour vacciner le monde entier en un an, chaque dose ne coûtant que 2 $». Les arguments en faveur de la production publique acquièrent encore davantage de poids lorsque l'on considère que les producteurs privés de vaccins n'ont que peu d'incitations financières à répondre aux besoins mondiaux actuels. Une fois la pandémie contenue, la demande de vaccins devrait revenir à des niveaux «normaux» beaucoup plus bas. Pour gagner la course contre le virus, nous devons construire et déployer des capacités de production publique aux États-Unis et dans d'autres pays. Et lorsque la COVID-19 sera mise au pas, ces installations devraient être entretenues en prévision des futures pandémies. Le monde a désespérément besoin de la renonciation à l'Accord sur les ADPIC et de mesures plus fortes pour assurer le transfert des connaissances et de technologie nécessaires à la production des vaccins contre la COVID-19. Mais nous devons également commencer à nous préparer à des circonstances tout aussi exceptionnelles à l'avenir. Les connaissances dont notre santé et notre prospérité dépendent doivent être financées par l'État et diffusées par l'État. *Secrétaire exécutive de International Development Economics Associates - Professeur d'économie à University of Massachusetts Amherst, membre de The Independent Commission for the Reform of International Corporate Taxation - (ICRICT). |
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