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Saâdane, envers et contre tous

par Naim Beneddra

C'est avec une équipe talentueuse mais peu expérimentée que l'Algérie se présentera, cet été, à sa troisième Coupe du Monde. Rabah Sâadane, le sélectionneur, a appelé un grand nombre de jeunes et aussi et surtout d'émigrés, pensant que c'était la meilleure solution pour surprendre en Afrique du Sud.

 Après un long et insoutenable suspense, Rabah Saâdane a rendu publique, ce mardi, les noms de l'ensemble des joueurs, ou presque, sur lesquels il comptait en vue du prochain Mondial. Le «Vieux Sage» a donc tranché et ses choix font déjà jaser du côté de la Méditerranée. Alors que les personnalités fortes du football algérien ont préféré le silence, ce n'est pas le cas des médias, qui ont déjà commencé à critiquer la sélection des Verts, appelée à défendre, dans un peu moins d'un mois, les couleurs du pays, lors du plus prestigieux des tournois. Un scénario qui n'est pas sans rappeler le malaise vécu en 1986, qui a débouché sur un Mondial complètement raté.

Des noms qui dérangent

Bien sûr, l'idée n'est pas de jouer les oiseaux de mauvais augure mais mettre en exergue un stratagème peu convaincant, dont les bases apparaissent comme étant particulièrement fragiles. Pour l'aventure sud-africaine, Saâdane a décidé d'innover, en convoquant plusieurs novices, qui n'avaient jamais joué pour les Fennecs et dont certains n'avaient même pas mis les pieds en Algérie. On ne parle pas de Hassan Yebda, Djamel Abdoun ou Mourad Meghni, qui ont déjà pu prouver l'attachement qu'ils avaient pour leurs origines, mais de ces joueurs qui n'ont émis leur intérêt pour la sélection qu'une fois la qualification pour la Coupe du Monde acquise. Des exemples, il y en a une demi-douzaine dans cette liste des 25 et la polémique aurait pu être d'une plus grande dimension si Saâdane n'avait pas «astucieusement» décidé de garder secret les noms des 5 derniers pré-convoqués. Qui se doutait, il y a de cela quelques mois que Habib Bellaid, le défenseur de Boulogne-sur-Mer (ex de Strasbourg), était un Algérien ? Idem pour Carl Medjani, l'arrière latéral d'Ajaccio. Ces deux joueurs ont pourtant des chances d'être choisis pour la Coupe du Monde, au détriment d'autres, qui avaient pourtant fait tout «le sale boulot» en bataillant comme des guerriers pendant les éliminatoires. L'on pense surtout à Khaled Lemmouchia. Le milieu de terrain de l'ES Sétif avait même fait montre d'un courage hors norme en novembre dernier, en disputant avec une blessure à la tête un match capital en Egypte. Une blessure consécutive à l'attaque, dont lui et ses coéquipiers ont été victimes à leur arrivée au Caire. Saâdane a-t-il fait preuve d'ingratitude à son encontre ? C'est peut-être mesquin de le dire, mais c'est peut-être la réalité.

L'union sacrée est décrétée

Un peu à l'instar de l'Equipe de France, l'équipe algérienne se trouve donc dans des conditions peu enviables pour préparer la Coupe du Monde. Néanmoins, il serait tout aussi injuste d'enterrer cette équipe avant l'heure. Le bénéfice du doute est toujours promis et c'est ce que prônent les anciens Verts, à l'image de Lakhdar Belloumi, le meilleur footballeur algérien de tous les temps. «Il serait inutile de trop disséquer cette liste. M. Saadane est le seul patron à bord. Il a fait ses choix et on doit les respecter», nous a-t-il confié, poursuivant: «pour moi, cette équipe tient la route. Même s'il y a pas mal de nouveaux, je pense que c'est globalement la liste que tout le monde attendait. Maintenant, il faut qu'on soit tous derrière cette équipe, qu'on essaye de la soutenir et aussi soutenir M. Saadane». Un discours mobilisateur qui a pour but de créer une union sacrée autour des Fennecs.

 Sans se faire trop d'illusions, les Algériens se veulent optimistes quant aux chances des leurs, de bien figurer en Afrique du Sud. Quand leur honneur est en jeu, ils sont prêts à fermer les yeux sur toutes les imperfections que laisse apparaître la sélection avec cet espoir de la voir se transcender face à l'adversité comme ce fut le cas lors de la campagne éliminatoire. A maintes fois, Saïfi et ses partenaires ont étalé une très grande force mentale pour parvenir à leurs fins et au Mondial c'est ce qu'ils vont tenter de faire, même si le niveau sera beaucoup plus relevé. «C'est vrai que cette équipe semble peu expérimentée, ajoute Belloumi. Mais, je pense qu'il y a du talent dedans et que ça suffit pour compenser. Il s'agit d'une Coupe du Monde et chaque joueur va se donner à fond pour le maillot national». C'est tout le mal qu'on souhaite à cette sélection, qui sort tout juste d'une période de disette longue de vingt ans.