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Les Griffes de l'Écrivain - Essai de Amin Zaoui. Editions Dalimen, Alger 2024, 372 pages, 1400 dinars Décidément, Amin Zaoui est un auteur très actif qui n'arrête pas de nous étonner et de nous surprendre aussi bien quantitativement que qualitativement. Bref, on en a pour son argent et le temps consacré à son dernier (gros mais grand) ouvrage n'est pas perdu. Au contraire. Son écriture en français (mais, elle l'est aussi en arabe) est simple et fluide, colérique et douce, salée et sucrée, délicate et crue en même temps, mélangeant le style de l'écrivain engagé et du chroniqueur de presse éveillé soucieux de réveiller ses lecteurs grâce à « ses » vérités. Dans la lignée des grands maîtres arabes et maghrébins de la littérature d'éveil, que celle -ci relève de la production écrite classique (roman, essai, poésie...) ou journalistique ! Nous avons donc là rassemblés (presque) une centaine de sujets abordés, embrassant (presque) tous les domaines de la vie de la Nation... à l'exception si je ne m'abuse du domaine de la Défense et de l'Histoire. Tout y passe, (presque) toujours sans prendre de gants et c'est tant mieux. Ni diable ou monstre... seulement un écrivain sortant ses griffes (une fois de plus !) mais ne semant ni violence ni brutalité et « exhumant plutôt les étoiles enfouies dans la tête du lecteur ». Les sujets ? Un peu de tout et de tout un peu mais assez suffisamment pour (presque) tout voir et tout savoir sur notre société : la littérature jetable, le raï, l'Algérien, la lecture Nedjma de Kateb, les interdits, les symboles culturels et littéraires, la culture et les investissements étrangers, les écrivains algériens... frères ennemis, les chats d'Algérie, le cheval, Ramadhan, l'eau, la figue de Barbarie, le couscous, l'écologie, le bon citoyen, la lecture, Apulée de Madaure, Tamazight, l'Amour, la poésie, la diplomatie culturelle, la Diaspora, Tahar Ouettar et l'Islam politique, les intellectuels, la liberté d'écrire, l'Ecole fosse commune des génies, l'Amour algérien, Femmes et lecture, Aimer la vie, l'olivier, la pratique de la magie, l'Intelligence artificielle et l'Intelligence naturelle, le livre, les villes nouvelles, la diversité culturelle, l'enseignement professionnel, les bibliothèques, etc., etc. Pour ma part et tenant compte de mes penchants intellectuels, j'ai énormément apprécié le portrait de l'Algérien, « sans chaud cœur doux ! » (p 15) : « sa structure psychologique est le fruit d'un enchaînement d'épreuves, comme s'il faisait partie d'une lignée déroutante...», « Ce n'est ni un pauvre miséreux tendant la main, ni un être satisfait. Il vit dans une plainte permanente...». Et, toujours dans le portrait de l'Algérien, on en rencontre un autre, plein de vérités : « L'Algérien rêve de croquer la vie à pleines dents » (p. 329). Bien sûr, d'autres chroniques-essais sont à savourer. Sans modération ! L'Auteur : Né en novembre 1956 à Bab El Assa, enseignant à l'Université d'Oran (département des langues étrangères), Docteur d'État en littératures maghrébines comparées, directeur du Palais des Arts et de la Culture d'Oran, directeur général de la Bibliothèque nationale d'Algérie (qui avait connu alors une intense activité culturelle et intellectuelle) avant qu'il ne soit brutalement «vidé» (Khalida Toumi était alors ministre de la Culture), membre du Conseil de direction du Fonds arabe pour la culture et les arts (AFAC), conférencier auprès de plusieurs universités étrangères, de nombreuses activités culturelles internationales (juré, rencontres, colloques )....et animateur d'émissions culturelles télévisées. Romancier bilingue (arabe et français), auteur prolifique ; et, plusieurs de ses œuvres sont traduites dans plusieurs autres langues. Extraits : « Entre l'Algérie et la France, une histoire d'amour haineuse ! » (p78), « On a réussi à construire un toit pour tout le monde ou presque, et tant mieux et c'est généreux et grandiose, mais on a échoué à créer un toit pour une vie commune, conviviale, participative et belle. L'âme du vivre ensemble manque à nos nouvelles cités » (p 84), « Durant le Ramadhan, c'est le triomphe de la brutalité du capitalisme. Tout se vend et tout s'achète ! On mange et on se mange les uns les autres ! » (p 92), « Une demeure, quel que soit le niveau de vie de la famille qui l'habite, où l'on ne trouve pas une bibliothèque est une maison maudite, privée de lumière » (p 126), « La liberté d'expression comme la liberté de création sont un droit absolu pour l'écrivain, son oxygène même, mais cette liberté ne signifie pas piétiner l'Histoire d'un pays ou d'une nation » (p 138), « La misère, quelle qu'elle soit, est le sujet central de la littérature algérienne contemporaine. Toutes les misères sont portées avec détails dans le roman et la poésie » (p204). Avis - Plus que de simples chroniques, des essais. Déjà publié (e)s dans la presse ? Peu importe, l'essentiel est de les voir rassemblé(e)s en un seul ouvrage... épais certes mais riche, très riche en informations, en réflexions psychosociologiques, politiques et économiques et en vérités concernant le quotidien (passé et présent) de chacun d'entre nous. A lire sans délai. À relire de temps en temps pour conserver les pieds sur terre et prendre conscience des (dures ou tristes) réalités de notre vie. Remarques : 1) Manquent les dates de publication et (ou) d'écriture pour préciser le contexte et comprendre la force du texte. 2) La qualité de l'impression numérique reste à parfaire... mais il est vrai que la rareté de papier de qualité rend difficile la tâche. 3) Une mise en page rendant difficile la lecture. Citations : « L'Algérien n'est ni un pauvre miséreux tendant la main, ni un être satisfait. Il vit dans une plainte permanente, dans une tension continue, mécontent de tout. De lui-même, des autres, du monde» (p16), « La terre est notre premier paradis construit par les mains de l'homme, avant le paradis fait par Dieu » (p 41), « L'homme amazigh ressemble à un figuier de Barbarie : il est doux, mais tenace et épineux lorsque la situation l'exige » (p 43), « Le couscous est comme l'amour, chacun et chacune le pratiquent à leurs manières respectives » (p 49), « Parler d'amour dans la culture arabe et maghrébine, c'est comme parler de drogues dures. L'amour fait partie des interdits qui ne peuvent être pratiqués qu'en secret, dans l'ombre des ruelles suspectes. Il y a une équation simple, mais réaliste : moins il y a d'amour, plus le discours pseudo-religieux est abondant » (p 174), « On ne lit pas pour dormir, bien au contraire on lit pour être bien réveillé. Le livre qui nous apporte le sommeil est un livre pour les morts, il est mort-né » (p273), « L'Algérie émigre pour « voir la vie » dans son éclosion. Pour voir le « bonheur » des autres peuples marcher sur ses pieds ! L'Algérien ne se plaint pas de la faim ; ni de l'analphabétisme, ni du chômage, il souffre de l'absence de la véritable « vie » du pays .L'Algérien s'ennuie dans son pays » (p 332), « L'intelligence artificielle ne couche jamais dans le lit de la médiocrité artificielle » (p350), « Le paradis n'est pas perdu, c'est nous qui sommes perdus ! » (p367), « Ce qui libère le musulman d'aujourd'hui des préjugés et de l'extrémisme et le fanatisme, c'est la présence de l'Autre avec sa culture, sa langue et sa croyance » (p371). Chewing-gum - Roman de Amin Zaoui. Editions Dalimen, Alger 2023, 225 pages, 1 400 dinars (Fiche de lecture déjà publiée fin novembre 2023. Extraits pour rappel seulement .Fiche complète in www.almanach-dz.com/société/bibliothèque d'almanach) Un étrange roman. Avec d étranges personnages qui traversent le temps et l'espace. -Les personnages : Le général Eisenhower durant la 2ème guerre mondiale et le débarquement américain, Tariq Ibn Ziyad, l'Emir Abdelkader, Camus, Sartre, Simone de Beauvoir, mais aussi et surtout Massika Bent Roumia, l'amante insaisissable, Fatma Imran, la mère jalouse de sa sœur Sfia (Safia ? Sophie ?), (...)... -Les lieux : L'Hôtel Saint Georges, le douar Bouzouaghine, Oran... (...) -Mais, aussi, des produits : La Cuvée de Mascara, Hamoud Boualem, Coca Cola, la prostitution généralisée au douar, le système politique, la corruption... et, bien sûr, au centre du récit, présent-absent, l'incontournable chewing-gum importé (...) L'Auteur : Voir plus haut Extraits : « Oran s'enfonce dans la rigidité d'une religiosité politique et fanatique à une vitesse épouvantable. Au fur et à mesure que l'islam politique s'accroît, la spiritualité et la haine d'autrui s'enracine » (p 107), (...) Avis - Un roman déroutant, très «chewing-gum», certainement. Hallucinant ? peut-être ! Le style Zaoui. Citations : « La femme fait l'amour d'abord par les yeux ! La jouissance habite les yeux ! » (p 34), « Toute déclaration d'amour commence par un regard braqué sur les doigts et non pas par des mots échangés d'un texte théâtral sourd » (p 40), (...) « La jalousie des hommes est plus ravageuse que celle des femmes » (p 115), « Une femme ne cache pas une autre ! Les femmes ne sont pas des trains. Elles sont des rails ! » (p134), « La religion est un capital majeur pour les politiciens de ce pays. L'islam est un fonds de commerce inestimable dans notre pays » (p 197). |
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